L’économie saoudienne a longtemps été définie par les combustibles fossiles. Cependant, ce pays du Golfe, qui possède certaines des plus grandes réserves de pétrole au monde, a franchi un pas décisif vers un avenir durable. Afin de diversifier son économie, l’Arabie saoudite met de plus en plus l’accent sur la durabilité intégrée, qui comprend les dimensions sociale, économique et environnementale et se fonde sur les principes d’une économie circulaire, et ce projet est le plus prioritaire de tous les développements majeurs dans le Royaume.
Il concerne notamment AlUla, vallée historique située dans la région de Médine en Arabie saoudite. Elle s’étend sur une superficie de plus de 22 500 m2 et se transforme aujourd’hui en « musée ouvert » afin de montrer au monde ses 200 000 ans d’histoire humaine dans le cadre du plan directeur « Voyage dans le temps ». Cette vision a été dévoilée par le prince héritier Mohammed ben Salmane, président du Conseil d’administration de la Commission royale pour AlUla.
Au cœur de ce plan directeur, lancé le 7 avril, figure la durabilité intégrée, sujet de la première table ronde organisés par la Commission royale d’AlUla dans le cadre de son programme « Carrefour : Programme de tables rondes intellectuelles ».
Cette table ronde intitulée « Au carrefour entre les Hommes et la planète : AlUla peut-elle être la clé d’un avenir durable ? a été modérée par Dr Maliha Hashmi, directrice exécutive de la santé, du bien-être et de la biotechnologie à Neom, ville transfrontalière planifiée située dans la région de Tabuk en Arabie saoudite. Les intervenants étaient l’homme d’affaires et entrepreneur Alejandro Agag, l’ex-Premier ministre italien Matteo Renzi, l’architecte et chef de file en matière de conception durable William McDonough, le directeur de la liste verte l’Union internationale pour la conservation de la nature James Hardcastle, l’océanographe biologique Carlos Duarte et le président exécutif d’Afalula (l’Agence française pour le développement d’AlUla) Gérard Mestrallet.
Les participants à cette table ronde ont cherché à savoir comment le Royaume pourrait réaliser ses objectifs divergents qui consistent à décarboniser et diversifier l’économie, créer un plus grand nombre d’emplois et renforcer la contribution sociale et économique de l’Arabie saoudite à la communauté mondiale de la manière la plus efficace et la plus durable possible. Par exemple, le Royaume a récemment pris des mesures initiales pour réduire les émissions de CO2 dans le pays en plantant 10 milliards d’arbres et en produisant la moitié de son énergie à partir de sources renouvelables d’ici 2030.
« Tous ces objectifs sont liés, et le plus important est de considérer ces questions comme une sorte d’écosystèmes et d’organismes », souligne M. McDonough. « Tous les éléments affectent en quelque sorte tout le reste et les avantages sont considérables. La reconnaissance des effets multiplicateurs en est un élément clé, nous trouvons que l’économie fonctionne très bien et dès que vous réalisez très vite qu’il y a des avantages qui découlent de nombreuses sources », ajoute-t-il.
La durabilité est un élément essentiel de toute entreprise, indique M. Agag, PDG de la Formule E, championnat de sport automobile en monoplace qui n’utilise que des voitures électriques. Son modèle commercial et de divertissement continue de privilégier la durabilité.
« Je pense que la difficulté aujourd’hui n’est pas de rendre la durabilité et les affaires compatibles, elle réside plutôt dans la création d’une entreprise sans disposer d’un angle de durabilité », affirme-t-il. « Lorsque nous avons commencé la Formule E il y a 10 ans et lancé notre première course à Pékin en 2014, tout le monde s’attendait à ce que la Formule E s’écrase et prenne feu ».
« Tout le monde du sport automobile est d’accord sur ce point. Mon partenaire de toujours et PDG de la Formule 1 à l’époque, Bernie Ecclestone, m’a dit qu’un championnat électrique n’arriverait jamais à la première course. Mais nous avons réussi », poursuit-il.
M. Agag explique que le championnat bénéficie désormais du soutien des principaux constructeurs mondiaux. Il réalise des revenus importants, compte des sponsors importants et connaît une croissance continue — tout cela parce qu’il fait la promotion des voitures électriques. « Nous l’avons fait à une époque, en 2014, où les voitures électriques n’étaient pas aussi disponibles qu’aujourd’hui », mentionne M. Agag.
Comment un pays peut-il encourager la durabilité sociale et économique, notamment en ce qui concerne la résurrection de sites anciens comme AlUla ? M. Renzi, qui a largement contribué à la revitalisation des sites de Pompéi et de Matera en Italie et à leur transformation en destinations culturelles et touristiques dynamiques, a donné raison à M. Agag, affirmant qu’il est « impossible de faire des affaires sans durabilité ».
« Il en va de même pour la culture et le tourisme », dit-il avant d’ajouter : « Pompéi et Matera sont des exemples très intéressants. Pompéi était l’une des régions les plus remarquables du monde, mais au cours des 20 à 50 dernières années, l’Italie a perdu l’élan nécessaire pour y investir dans un nouveau projet. Notre gouvernement a donc décidé d’impliquer l’UE et Pompéi a atteint son plus grand nombre de touristes avant la pandémie ».
Cela vaut également pour Matera, un éperon rocheux de la région de Basilicate, dans le sud de l’Italie, qui abrite désormais des musées tels que la Casa Grotta di Vico Solitario, poursuit-il.
« Matera est devenue la capitale de la culture en Europe, après une longue période durant laquelle les gens la considéraient comme un lieu de ruine et de désastre », explique M. Renzi.
« Quelle est la stratégie ? Quelle est le secret ? a demandé M. Renzi. « À mon avis, c’est exactement ce qui a été décidé par la Commission royale pour AlUla : utiliser un lieu magnifique, l’une des capitales du passé, et la transformer en un lieu pour l’avenir ».
Que pouvons-nous tirer de 200 000 ans d’histoire humaine à AlUla afin de réinventer la durabilité, remettre en question les idées reçues et s’inspirer de l’ingéniosité ancestrale ? Par ailleurs, Dr Hashmi a posé la question suivante : comment l’Arabie saoudite peut-elle impliquer les différentes communautés et trouver un équilibre entre les intérêts de la protection des paysages naturels contre l’urbanisation et les besoins des communautés en expansion ?
M. Hardcastle est également d’avis qu’il est impossible de faire des affaires aujourd’hui sans une approche durable.
« Vous ne pouvez pas préserver et protéger la nature sans les communautés de la région concernée », souligne-t-il. « Avec l’UICN, nous avons rassemblé, avec l’aide de nos membres mondiaux, 20 000 scientifiques venant de 160 pays afin de discuter de ce qui rend la conservation de la nature efficace, notamment dans des régions comme Sharaan, AlUla et d’autres régions en Arabie saoudite ».
« La réponse la plus fréquente est que les endroits qui sont efficaces sont ceux où vous vous êtes totalement engagés dès le départ avec les communautés qui vivent et respirent l’air de ces régions et qui ne les considèrent pas comme sauvages mais comme faisant partie de leur patrimoine ».
Alors que l’Arabie saoudite entame son prochain chapitre de croissance, la table ronde a souligné l’équilibre crucial qui doit être trouvé entre le maintien du patrimoine et du passé lointain du pays, l’utilisation de ses communautés locales et l’emploi de pratiques durables dans tous les domaines des affaires et du développement.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com