PARIS : Bâtiment et gouvernement vont-ils se réconcilier ? Le secteur, jusqu'à maintenant déçu par les mesures de soutien prises face à la crise, reste méfiant, alors même que l'exécutif lui promet plusieurs milliards d'euros dans le plan de relance.
"On ne veut pas être déçus", prévient Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), principale organisation du secteur, auprès de l'AFP. "Selon les annonces, ça peut partir en catastrophe."
Comme tous les grands secteurs économiques, le bâtiment attend avec impatience le plan de relance la semaine prochaine, qui vise à sortir à long terme l'économie d'une crise probablement historique. Mais plus que d'autres, il affiche sa méfiance.
"On se demande si le gouvernement a bien analysé que le bâtiment, après l'hôtellerie-restauration et les services à la personne, c'est quand même le troisième secteur le plus touché", s'interroge M. Salleron.
Un scepticisme à la mesure de plusieurs mois d'incompréhensions et de polémiques entre le secteur et le gouvernement depuis le début de la crise sanitaire, et en particulier durant le strict confinement imposé aux Français entre mars et mai.
Les chantiers ont largement dû s'arrêter faute de pouvoir immédiatement prendre les mesures sanitaires nécessaires, et les clients ont cessé de passer commande pendant de longues semaines. Selon la FFB, l'activité du bâtiment devrait chuter de 18% cette année.
Or la construction est un moteur crucial de l'économie française, dont elle représente plus de 5%. Au-delà, la santé du secteur est garante d'une offre suffisante en logements, essentielle au bon fonctionnement de toute l'économie.
Le bâtiment se sent oublié par rapport à d'autres grands pans de l'économie comme l'automobile et le tourisme qui, peu avant l'été, ont obtenu des plans spécifiques d'urgence à coups de milliards d'euros.
Il craint surtout d'apparaître relativement épargné par la crise aux yeux de l'exécutif : selon la Banque de France, son activité n'était pas loin d'avoir retrouvé son niveau d'avant la crise en juillet et devrait quasiment revenir à la normale en août.
Inquiétudes sur la construction, plombée par les mesures sanitaires
Reste que s'il se remet à gagner de l'argent, le secteur en perd aussi à cause du coût élevé des mesures sanitaires, un sujet sur lequel il attend toujours des aides publiques d'ampleur.
Et si ses commandes, gage d'activité à venir, ont retrouvé un bon niveau, c'est surtout grâce aux travaux publics engagés par mairies, départements ou régions. Les particuliers, eux, "hésitent encore à s'engager dans des projets, vu l'incertitude sur la durée de la pandémie", souligne le cabinet Markit dans une note de conjoncture pour juillet.
Le gouvernement n'est pas sourd aux inquiétudes du bâtiment et lui promet plusieurs milliards d'euros dans son futur plan de relance.
L'État, soucieux de verdir ce plan, insiste notamment sur la rénovation énergétique à laquelle il veut réserver environ sept milliards.
A ce titre, le secteur a déjà remporté un combat de longue date : la principale aide publique à la rénovation sera étendue à tous les Français, y compris les plus riches. Également au programme, un programme de rénovation des bâtiments publics, en particulier les hôpitaux.
"La rénovation va permettre d'avoir beaucoup d'activité, puisque ça ce sont des travaux qui peuvent se faire vite", assurait mi-août la ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon sur Europe 1.
Le secteur craint néanmoins que la rénovation éclipse la construction de logements neufs, au moment même où celle-ci chute à la suite du confinement.
Mais que peut y faire l'État ? Ce n'est pas qu'une affaire d'affaiblissement de la demande auquel des aides publiques pourraient éventuellement répondre.
C'est aussi, et surtout, que les mairies traînent à octroyer des permis de construire. La crise sanitaire a largement gelé leur examen et la situation s'est peu améliorée depuis la levée du confinement.
Sur ce plan, le gouvernement n'a guère pu que renvoyer la balle aux maires. Il leur a lancé, par la voix de Mme Wargon, un "appel" à mettre un "coup de booster" sur les permis.