L’accord sur les missiles Patriot grecs «renforce la capacité défensive saoudienne»

Le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, lors de son entretien avec Arab News.
Le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, lors de son entretien avec Arab News.
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Publié le Jeudi 22 avril 2021

L’accord sur les missiles Patriot grecs «renforce la capacité défensive saoudienne»

  • Le ministre grec des AE, Nikos Dendias, a déclaré à Arab News qu’il considère les plans de développement de l’Arabie saoudite comme «historiques» et souhaitait que la Grèce en fasse partie
  • Il a affirmé que la Turquie avait involontairement rapproché les pays de la Méditerranée orientale et du Golfe, en mettant en lumière leurs principes communs

DJEDDAH: Le système de défense aérienne Patriot qui sera fourni par la Grèce à l’Arabie saoudite va renforcer non seulement la sécurité du Royaume, il va également sécuriser l’approvisionnement énergétique mondial, a déclaré Nikos Dendias, ministre grec des Affaires étrangères, à Arab News.

Le ministre a émis cette observation lors d’une interview exclusive mardi, après la signature d’un accord sur un projet de dispositions relatif au statut juridique des forces armées grecques en Arabie saoudite, et qui soutiendront les capacités de défense du Royaume.

Auparavant, Dendias et Nikos Panagiotopoulos, ministre grec de la Défense, ont rencontré le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane. Selon un rapport de l'agence de presse saoudienne, ils ont passé en revue au cours de la réunion les relations bilatérales gréco-saoudiennes, la coopération commune dans différents domaines, et les moyens de soutenir et de développer leur collaboration, en plus des défis régionaux actuels.

Étaient également présents le vice-ministre saoudien de la Défense, le prince Khaled ben Salmane, et le ministre des Affaires étrangères, le prince Faysal ben Farhan.

Le ministre grec des AE lors de sa réunion avec le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane à Riyad
Le ministre grec des AE, Nikos Dendias, lors de sa réunion avec le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane à Riyad. (Photo, Ministère grec des AE)

«Je suis venu aujourd'hui afin de signer un accord avec le Royaume d'Arabie saoudite, selon lequel une batterie de missiles Patriot grecs sera stationnée en Arabie saoudite afin d'aider à la défense du Royaume, ainsi que pour sécuriser l'approvisionnement énergétique mondial», a affirmé Dendias à Arab News.

Il insiste que «les possibilités sont illimitées» en ce qui concerne la coopération entre la Grèce et l'Arabie saoudite, ajoutant qu’une «nouvelle ère s’ouvrait et que nous progressions rapidement».

«Il y a tellement de choses que nous pouvons réaliser dans le domaine de la défense, il y a beaucoup de choses que nous pouvons accomplir en créant un climat qui sécurise l'énergie et assure la coopération entre des pays aux idées communes. Nous avons fait beaucoup, et il reste encore beaucoup à faire».

Les discussions entre les deux parties se sont étendues à d'autres domaines que la défense. L’Arabie saoudite a ouvert ses portes aux entreprises internationales et aux investisseurs étrangers pour participer aux plans de transformation et de développement du Royaume.

Lorsqu'on lui a demandé si les entreprises grecques étaient intéressées par le fait de participer aux projets à venir, Dendias a affirmé qu'il considère cette occasion bien plus importante qu'une question commerciale.

«Il ne s’agit pas seulement d'argent; il ne s’agit pas seulement d’exporter des services. Ce n'est pas seulement bon pour mon pays et bon pour le Royaume d'Arabie saoudite», dit-il, ce projet «a une dimension historique. C'est un changement énorme, et j'aimerais que mon pays en fasse partie».

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Le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, lors de son entretien avec Arab News. (Photo AN)

Le 16 avril, Dendias a fait la une des journaux lorsque lui et son homologue turc se sont affrontés ouvertement lors d'une conférence de presse conjointe à Ankara. Cherchant à apaiser des mois de tensions concernant les conflits territoriaux en Méditerranée orientale, il a rencontré le président turc Tayyip Erdogan et le ministre des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu. Mais la conférence de presse, qui a suscité l'espoir d'une amélioration des relations, s'est rapidement transformée en accusations acrimonieuses des deux côtés.

«La Turquie a accidentellement incité les autres à réaliser que leur raisonnement est différent. (…) Leur compréhension (…) se base sur le droit international, sur le droit international maritime, et sur les bonnes relations de voisinage», a affirmé Dendias a Arab News.

«Ce que je souhaite pour l’avenir est que la Turquie comprenne que c’est la bonne voie à suivre, et qu’elle finisse par se joindre à cet accord entre les pays. Mais bien sûr, être optimiste ne veut pas dire devenir aveugle. Il reste un long chemin à parcourir avant que cela ne se produise», déclare le ministre.

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Nikos Dendias s'exprimant à Arab News après la signature d’un accord sur un projet de dispositions relatif au statut juridique des forces armées grecques en Arabie saoudite, qui soutiendront les capacités de défense du Royaume. (AN Photo/Huda Bashatah)

Le chef des diplomates grec a abordé en profondeur la question des litiges entre la Turquie, la Grèce et Chypre relatifs aux forages pétroliers et gaziers en Méditerranée orientale. «La Grèce croit aux énergies renouvelables. La Grèce ne va pas commencer à creuser le fond de la mer Méditerranée pour trouver du gaz, pour trouver du pétrole, pour une raison très, très simple. Nous avons besoin de dix ou vingt ans pour les trouver et les exploiter, et en termes de coûts, ce serait tellement plus cher qu’en Arabie saoudite par exemple. Donc, économiquement, la Grèce n’envisage pas de un pays producteur de pétrole.

«Et puis, sauf votre respect, la mer Égée, par exemple, est un paradis sur terre et nous n’allons pas la transformer en Golfe du Mexique. La Grèce souhaite donc avoir des approvisionnements énergétiques. La Grèce souhaite avoir de très bonnes relations avec le Royaume saoudien, mais la Grèce ne prévoit pas dans un avenir proche de devenir un pays producteur de pétrole et de gaz».

Selon l'OMT, la Grèce a battu un record absolu en accueillant 33 millions de visiteurs internationaux en 2019, ce qui en fait un chef de file du tourisme mondial, figurant en tête de liste de nombreux touristes.

En début d’année, le ministre saoudien du Tourisme, Ahmed Al-Khateeb, a annoncé que le Royaume a pour objectif d’attirer d’ici 2023 de nouveaux investissements d'une valeur de 58 milliards de dollars dans les infrastructures touristiques. Le secteur contribue actuellement à 3,5% du PIB total, l'objectif étant d’atteindre 10%.

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Le ministre grec des Affaires étrangères a été reçu par son homologue saoudien, le prince Faysal ben Farhan à Riyad. 

Dendias estime que l'Arabie saoudite dispose d’un grand potentiel pour développer son secteur touristique, et avec la riche expérience de la Grèce dans le domaine, les habitants des deux pays ont beaucoup à offrir l'un à l'autre, sachant que «beaucoup de gens aimeraient voir ce que je vois (ici dans le Royaume)».

Le ministre rejette l'idée que la Méditerranée orientale et le Golfe soient deux régions géographiquement distinctes, avec une perception différente des menaces. Il affirme que tous deux sont confrontés à des défis communs.

Il estime que les défis pour les deux régions proviennent de deux fronts aux visions similaires, qui s'éloignent des relations pacifiques et cherchent des moyens de créer davantage de défis au lieu d'être de «bons voisins».

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Nikos Dendias lors de sa réunion avec le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faysal ben Farhan, à Riyad. 

«La mondialisation est là, et les menaces et les défis sont devenus plus courants», explique Dendias à Arab News. «Je pense que dans ce monde globalisé, les choses sont devenues beaucoup plus proches que nous ne le pensions dans le passé. La plupart des pays, à la fois les pays du Golfe et les pays de la Méditerranée orientale, sont confrontés à des défis communs, et des réponses communes sont nécessaires».

Dendias estime que l'Arabie saoudite et la Grèce sont toutes deux alignées sur les questions les plus pressantes, et que les deux États rejettent l'extrémisme et priorisent la stabilité. «Nous devons essayer de parvenir à cette compréhension commune pour la région», dit-il. «Tous les pays de la région doivent agir conformément au droit international, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, la Charte des Nations Unies et les relations de bon voisinage».

L'établissement des relations de bon voisinage «devrait être notre objectif», a-t-il assuré, ajoutant: «Est-ce facile? Probablement pas. Est-ce faisable? Je suis tenté  de répondre par l’affirmative».

Dendias a également évoqué l'épineuse question des réfugiés et les défis auxquels la Grèce est confrontée en tant que point de transit de dizaines de milliers de migrants et de réfugiés qui tentent d'atteindre l'Europe depuis l'Afrique et le Moyen-Orient.

En mars 2016, l'Union européenne a conclu un accord historique avec la Turquie, par lequel des centaines de milliers de migrants avaient transité pour atteindre le sol de l'UE, afin de limiter le nombre d'arrivées de demandeurs d'asile.

Dans le cadre de l'accord, les migrants en situation irrégulière tentant d'entrer en Grèce seraient renvoyés en Turquie et Ankara prendrait des mesures pour empêcher l'ouverture de nouvelles routes migratoires. En échange, l'UE a accepté de réinstaller les réfugiés syriens de Turquie sur une base individuelle, de réduire les restrictions de visa pour les citoyens turcs, de verser 6 milliards d'euros d'aide à la Turquie pour les migrants syriens, de réviser l'union douanière et de relancer les pourparlers bloqués concernant l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Cependant, des tensions ont surgi au printemps 2020, lorsqu'Ankara a menacé de laisser des centaines de milliers de migrants entrer en Grèce avant de renoncer à cette idée.

Nikos Dendias lors de sa réunion avec le ministre d'État saoudien aux Affaires étrangères, Adel Al-Joubeir à Riyad. (Photo SPA)

Dendias a expliqué que la crise des migrants et des réfugiés sera très difficile à résoudre, en particulier avec les nouvelles tensions et les crises dans la région de la Méditerranée orientale.

«Il y a des pays qui ont instrumentalisé la crise des réfugiés afin de faire pression à la fois sur la Grèce et sur l'Union européenne pour leurs propres raisons et cela n'est pas du tout acceptable», a-t-il indiqué.

Il ajoute que la situation sera «bien plus facile si les pays du pourtour méditerranéen sont stables et deviennent des États fonctionnels. Je parle de la Syrie et de la Libye, et nous devons également relever le défi qui se profile au Liban. Encore une fois, notre objectif à présent est d’évoluer au sein de notre famille européenne. La Grèce, avec l'Union européenne, va créer un nouveau système afin de relever l'énorme défi de la migration et du problème des réfugiés».

En 2015, le nombre de réfugiés qui sont arrivés par la mer en Grèce en provenance de Turquie s'est élevé à 856 723 personnes. Selon le HCR, 15 696 migrants sont entrés en Grèce l'année dernière.

«La crise des réfugiés et la crise migratoire va se poursuivre», a soutenu Dendias. «Nous réglerons ce problème dans un avenir proche. Et nous devrons être prêts».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.


Israël: la conscription des ultra-orthodoxes secoue le gouvernement Netanyahu

Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
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  • Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord
  • La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes

JÉRUSALEM: Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultra-orthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes, afin de respecter les lois sur l'égalité entre les citoyens, avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord en raison de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu'à 12H00 GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l'obligation de procéder à la conscription des ultra-orthodoxes à partir du 1er avril en raison d'un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultra-orthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d'un ministre 

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son Premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l'ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultra-orthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l'armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l'armée incompatible avec leurs valeurs.