BEYROUTH: Une magistrate libanaise qui a défié une décision de la dessaisir d’un dossier qui comprend de potentielles violations des règles d’exportations de devises a été déférée mardi à l’Inspection judiciaire en conséquence.
La procureure générale de la cour d’appel Ghada Aoun menait une enquête sur la société de change Mecattaf et la Banque de la Société Générale, accusés d’avoir retiré des dollars américains du marché et expédié les fonds à l'étranger.
La magistrate avait perquisitionné un bureau de change à deux reprises au début du mois, malgré une décision du procureur de la république Ghassan Oweidat de la dessaisir.
Aoun fait l’objet de six poursuites pénales et 28 plaintes.
Le Conseil supérieur de la magistrature du Liban a rencontré la juge mardi, et a pris la décision de la renvoyer devant le service d'Inspection Judiciaire, auquel il a demandé de prendre les dispositions nécessaires.
Toute enquête «sera suivie jusqu'au bout par l’autorité judiciaire compétente, quel que soit le juge et indépendamment de toute autre considération», a déclaré le Conseil, ajoutant que cette autorité est exercée par tous les juges.
«Il est de leur responsabilité de préserver et de protéger l'autorité judiciaire, de respecter leur serment et de ne pas mélanger entre leur devoir et des affaires qui ne concordent pas avec la nature d’un travail judiciaire approprié».
Les actions d’Aoun ont attiré l’attention quand elle a été accompagnée dans l’un des raids par des membres du Courant patriotique libre (CPL), le parti politique dirigé par le député Gebran Bassil.
Un grand nombre de partisans du CPL ont accompagné Aoun mardi à proximité du Palais de Justice à Beyrouth. Ils ont attendu dans la rue pendant qu'elle assistait à la session du Conseil. La séance, qui a duré quarante minutes, s'est déroulée au milieu de mesures de sécurité strictes prises par l'armée et les forces de sécurité intérieure.
Lundi, des manifestations rivales ont dû être interrompues après que des combats ont éclaté entre ses supporters et ses détracteurs.
Le conflit entre Aoun et Oweidat a temporairement détourné l'attention de l'impasse politique qui dure depuis des mois et empêche la formation d'un nouveau gouvernement.
Mais la participation des partisans du CPL a irrité un nombre de libanais qui ont déclaré que le juge est utilisé comme un instrument dans des règlements de comptes politiques.
Toutefois, le Conseil a écarté l'idée d’un différend, qu’il soit judiciaire ou politique.
Ces événements ne sont par «un différend entre ceux qui veulent lutter contre la corruption et demander des comptes aux corrompus, et ceux qui ne veulent pas et les empêchent, ni un conflit entre le procureur général et la procureure (…). Et ce n'est certainement pas un différend politique entre deux parties, comme certains le décrivent».
Le Conseil a indiqué avoir demandé au procureur de la Cour de cassation et au chef de l'Inspection judiciaire de prendre les mesures nécessaires, chacun de sa compétence, concernant les actes de la juge Aoun, pour l'écouter devant le Conseil en raison de sa «violation de l'obligation de faire preuve de réserve et de non-respect récurrent des engagements qu'elle a exprimés devant le Conseil ainsi que son refus de saisir le parquet de cassation».
Sa déclaration faisait également référence aux «positions et actions» d’Aoun à la suite de la décision d’Oweidat, dans laquelle il avait modifié la répartition du travail au parquet du Mont-Liban.
Le mandat du Conseil se termine en juin et Oweidat a tenté, par la position qu’il a adoptée mardi, de sauver la face en raison de la mauvaise image de la justice ces derniers jours.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com