KABOUL: Les talibans ont déclaré mercredi qu'ils ne vont plus participer aux pourparlers de paix pour l'Afghanistan tant que toutes les troupes dirigées par les États-Unis ne se retirent pas du pays, alors que le président Joe Biden compte retarder la date limite du 1er mai de quatre mois.
«Voici notre position: tant que toutes les forces étrangères ne se sont pas entièrement retirées de notre patrie, l'Émirat islamique (le nom du gouvernement des talibans) ne participera à aucune conférence qui décide du sort de l'Afghanistan», a déclaré mercredi à Arab News, le Dr Mohammad Naïm, porte-parole du groupe installé au Qatar.
Selon un plan dévoilé par des responsables américains mardi, Biden devrait retirer les troupes restantes d'ici le 11 septembre, le 20ième anniversaire des attaques terroristes qui ont déclenché le plus long conflit de Washington de l'histoire. Cette date remplace celle du 1er mai, convenue entre l'administration Trump et les talibans dans un accord controversé il y a plus d'un an.
Depuis son entrée en fonction, Biden affirme qu'il révisera l'accord du Qatar. Il a déclaré lors des dernières semaines que respecter la date limite du 1er mai serait «difficile».
Conformément à l'accord, les talibans ont mis fin aux attaques contre les troupes dirigées par les États-Unis. Mais ils ont augmenté en contrepartie les opérations militaires à l’encontre des forces gouvernementales afghanes qui comptent sur les américains pour le soutien aérien et les renseignements, ainsi que les ressources financières et logistiques.
Les talibans avaient préalablement averti Washington des conséquences d’un prolongement de l’échéancier.
Ces derniers mois, le gouvernement du président Ashraf Ghani a exhorté Biden à retirer ses troupes sur la base d’un accord conditionnel, mais pas avant que les talibans aient accepté un cessez-le-feu.
Contactés par Arab News mercredi, les porte-parole de Ghani n'étaient pas disponibles.
Cependant, Waheed Omar, un conseiller de Ghani, a tweeté mercredi que Biden est censé s’entretenir avec président afghan «dans un avenir proche afin de partager officiellement les détails du nouveau plan de retrait».
«D’ici là, nous ne ferons pas de commentaires sur les détails», ajoute-t-il.
Dans un autre tweet, Omar a déclaré: «Nous respecterons toute décision prise par le gouvernement américain concernant ses troupes. Les Forces de défense de la sécurité nationale afghane (FDSNA) ont défendu notre peuple avec un bon moral au cours des deux dernières années, et ont dernièrement mené près de 98% des opérations de manière indépendante».
Il ajoute: «Ils sont tout à fait capables de le faire à l'avenir».
Toutefois, lors d’une séance publique mercredi, le chef du Parlement afghan a sonné l’alerte quant à l’avenir du pays après le départ des troupes américaines.
«Dans la situation actuelle, les conditions du retrait des troupes étrangères ne sont pas du tout équitables», a souligné Mir Rahman Rahmani.
«Le retrait des forces étrangères dans la situation actuelle va sûrement aggraver la situation et conduire à une guerre civile», ajoute-t-il.
Mercredi, les membres de l'OTAN réunis à Bruxelles ont révélé que l'alliance risque également de retirer ses soldats d'Afghanistan, selon les médias.
Le nouvel échéancier de Biden jette également un doute sur l’avenir des pourparlers soutenus par les États-Unis en Turquie le 24 avril, et qui, selon plusieurs observateurs, pourraient être l’un des derniers efforts internationaux à négocier la paix entre le groupe des insurgés et le gouvernement afghan.
Proposée par Washington, la Turquie devait accueillir les pourparlers intra-afghans pour éviter un effondrement total des négociations parrainées par les États-Unis qui ont débuté à Doha en septembre de l'année dernière, mais ce plan ne s'est jamais concrétisé.
Fawzia Koofi, négociatrice nommée par le gouvernement afghan pour les pourparlers intra-afghans au Qatar l’année dernière, soutient que Washington «doit travailler étroitement avec les talibans afin qu’ils assistent à la conférence en Turquie».
Elle explique à Arab News que «les talibans doivent s'engager dans les négociations pour ouvrir la voie au retrait. De sérieuses négociations ouvriraient la voie au retrait».
Ahmad Samin, un ancien conseiller de la Banque mondiale, en convient. Il estime que l'Afghanistan «se dirige vers une crise au milieu d’un effondrement total des pourparlers, et au moment où les talibans tentent de reprendre le pouvoir».
«L'administration Biden est déçue du gouvernement afghan, qui est trop corrompu, tandis que la majorité des Américains veulent mettre fin à la guerre interminable en Afghanistan», déclare-t-il à Arab News.
«Les talibans profitent de la situation. Je crois que les talibans ne sont pas intéressés par le partage du pouvoir, et qu’ils essaieront d’obtenir une victoire totale, ce qui entraînera un conflit interne catastrophique. Tout ce qui concerne l’avenir de l’Afghanistan est incertain, personne ne sait ce qui va se passer».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnew.com