PARIS: Sept pays dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni lancent mercredi la coalition «Export Finance for Future» (E3F), qui vise à mettre fin, à un horizon encore indéfini, au financement public des projets impliquant des énergies fossiles à l'export.
«Nous voulons cesser de financer ailleurs ce que nous ne finançons pas chez nous. Il y aurait beaucoup d'hypocrisie et d'inefficacité à interdire le financement de l'activité fossile en France ou en Europe tout en continuant à financer des entreprises qui exportent des produits qui servent à l'utilisation, à l'extraction ou à la recherche d'énergie fossile», a déclaré mardi le ministre français Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse.
A l'initiative de cette coalition, qui représente 45% des crédits export de l'OCDE et se réunit mercredi sous format virtuel, le ministre a rappelé le rôle pionnier de la France «dans la mise en place d'une stratégie de verdissement des financements export».
Depuis le 1er janvier, les garanties export pour les projets d'exploitation de pétrole extra-lourd et d'hydrocarbures non conventionnels sont interdites; en 2025 elle le seront pour les produits pétroliers et en 2035 pour les produits gaziers.
A défaut d'un «calendrier contraignant», les Etats membres de la coalition, qui réunit également le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas et la Suède, s'engageront à «cesser le soutien au secteur des énergies fossiles» - mais «en tenant compte des spécificités de chaque pays et de leur impact sur l'emploi» -, «soutenir financièrement les projets compatibles avec l'Accord de Paris» et «publier l'empreinte carbone complète de leur portefeuille de garanties export publiques» à des fins de transparence.
Alors que les agences de crédits à l'exportation (ECAs) ont distribué plus de 223 milliards de dollars de subventions en 2019, leurs portefeuilles sont encore très carbonés.
L'industrie pétrolière et gazière a ainsi été le secteur le plus soutenu en 2018, à hauteur de 35% du volume mondial, mais de seulement de 2% pour la France, selon Bruno Le Maire.
La Chine, le Japon et la Corée du Sud financent à eux seuls 88% des projets de production de charbon, contribuant à l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre.
«Il est donc impératif de changer l'orientation des financements export qui doivent être concentrés, exclusivement, et selon un calendrier contraignant, sur des projets durables», a souligné le ministre français, qui a appelé les Etats-Unis à rejoindre la coalition pour «donner du poids» à cette initiative.
Certaines ONG soulignent toutefois le manque d'ambition de la France en matière de financements à l'export, en comparaison de la Grande-Bretagne, hôte de la COP26 en novembre.
«Il est difficile de se réjouir du lancement d'une coalition autour d'engagements flous: la date de fin du soutien aux énergies fossiles n'est pas précisée», a souligné Anna-Lena Rebaud, chargée de campagne climat et transition juste aux Amis de la Terre.
«Rappelons que la France prévoit de soutenir le gaz jusqu'en 2035, alors que le Royaume-Uni ne soutient plus aucune énergie fossile» depuis le 31 mars, a-t-elle ajouté.
Selon l'ONG, le gouvernement, en contradiction avec l'ambition affichée, serait sur le point d'«octroyer une nouvelle garantie de 700 millions d’euros» à Total pour le projet Arctic LNG 2 dans l'Arctique russe. Un projet qui, selon elle, «a pour objectif de produire et exporter l’équivalent de 7 milliards de barils de pétrole, soit 12 fois la consommation annuelle de la France».