DUBAÏ: Il est peu probable que le pétrole parvienne à atteindre, de manière durable, le prix de 100 dollars (1 dollar = 0,84 euro) le baril dans un avenir proche. Tel est le constat des experts de l'Oxford Institute for Energy Studies (OIES), un prestigieux groupe de réflexion dont le siège est au Royaume-Uni.
Dans un rapport de l’OIES élaboré par Bassam Fattouh et Andreas Economou, les chances de voir un «supercycle» pétrolier imminent – suggéré par certains analystes des matières premières – sont désormais limitées, en raison de l'absence des facteurs essentiels susceptibles de déclencher une flambée du prix du brut.
«Certains éléments déclencheurs indispensables au supercycle pétrolier font toujours défaut, tels que l'offre ferme face à une demande galopante, le manque de capacités de réserve et les contraintes de raffinage. Tous ces facteurs permettraient de porter les prix du baril à 100 dollars et de les maintenir à ce niveau élevé», affirment-ils.
Théorie d'un «supercycle»
Selon ces mêmes analystes, le pétrole se négociera plutôt dans une fourchette de 59 à 69 dollars le baril jusqu'à la fin de 2022. «L'humeur du marché pourrait porter les prix au-delà de ces limites, mais cette hausse ne sera probablement pas durable. Pour que les prix atteignent une valeur proche de 100 dollars le baril, il faut envisager de nouveaux bouleversements», ajoutent-ils.
La théorie d'un «supercycle» dans le secteur du pétrole et d'autres matières premières gagne en popularité ces derniers mois, à mesure que le prix du brut se redresse, après avoir atteint des niveaux historiquement bas dus à l'effondrement amorcé par la pandémie l'année dernière; certaines compagnies pétrolières ont donc réduit les investissements dans de nouveaux gisements.
Les analystes de JP Morgan et Goldman Sachs – deux des plus grandes banques du monde – suggèrent que le marché mondial est sur le point de connaître une hausse qui porterait le prix du pétrole à plus de 100 dollars le baril.
Reprise impressionnante
Toutefois, dans leur dernier rapport intitulé «Oil Monthly», les experts d'Oxford ont constaté que cette éventualité est peu probable. «Si la dynamique et les prix du marché pétrolier ont nettement progressé, le degré d'incertitude concernant les perspectives reste élevé. Après une année difficile, le choix des stratégies de l'Organisation des pays exportateur de pétrole et certains pays producteurs comme la Russie (Opep+) continuera à dicter les résultats du marché, mais la récente remontée des prix du pétrole ne signifie pas encore que le prochain supercycle pétrolier a commencé», affirment-ils.
Selon ces experts, avril 2020 a été «le mois le plus sombre de l'histoire des marchés pétroliers», avec un prix moyen de 23 dollars le baril. Cependant, les prix ont par la suite rebondi pour dépasser les 60 dollars grâce à la reprise de la demande, à la réduction des stocks et à la restriction de l'offre par l'Opep+, soit l'alliance des producteurs de pétrole dirigée par l'Arabie saoudite et la Russie.
«Cette reprise impressionnante s’est produite en dépit de la grande incertitude qui pèse sur la demande de pétrole et bien que celle-ci n'ait pas encore pleinement retrouvé son niveau d'avant la pandémie. Si l'on s'attend à un rebond important de la demande de pétrole au cours de la deuxième moitié de 2021, à mesure que les pays lèvent leurs restrictions et que la reprise économique mondiale s'accélère, le moment et le rythme de ce rebond restent particulièrement incertains», ajoutent les auteurs du rapport.
Prudence
L'analyse d'Oxford vient soutenir la prudence persistante du ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, qui a fait savoir dernièrement qu'il ne se fierait pas «aux preuves d’une reprise de la demande tant que je ne les vois pas».
La stratégie de l'Opep+ est considérée comme l'un des principaux facteurs responsables du redressement des prix du brut, selon les experts d'Oxford, qui évoquent une «Opep+ plus souple et plus efficace lorsqu'il s'agit de gérer le choc néfaste de la Covid-19 et d'influencer les attentes et l’humeur du marché».
Ils ajoutent que «même s'il est désormais plus difficile de prévoir la prochaine action de l'Opep+, cette imprévisibilité fait partie d'une politique réfléchie et octroie une plus grande importance à l'impact des décisions de l'Opep+ sur le marché. Sur un plan plus fondamental, cette imprévisibilité dénote un rôle plus affirmé de l'Opep+ dans la détermination du rythme auquel le marché parviendra à nouveau à un équilibre».
Nucléaire iranien
Certains analystes prévoient que, en raison de la hausse des prix du pétrole, l'offre de schiste américain fera un retour en force, après avoir souffert des mesures de confinement imposées par la pandémie en Amérique. Néanmoins, l'analyse d'Oxford ne prévoit pas une telle évolution dans un avenir proche. «Un nouveau consensus veut que la croissance du schiste américain sera plutôt restreinte et qu'elle déclinera en 2021», comme le soulignent les auteurs du rapport.
Par ailleurs, le risque que le pétrole iranien inonde le marché en cas de conclusion d'un accord sur le nucléaire entre Téhéran et Washington est lui aussi surestimé, ajoutent les auteurs. «Même si l'accord sur le nucléaire iranien parvient à être rétabli, la hausse des exportations sera modérée par rapport aux niveaux actuels», précisent-ils.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.