PARIS: Après plusieurs mois d'invectives, Veolia et Suez ont enterré la hache de guerre : les deux fleurons français de l'eau et des déchets ont annoncé lundi un accord de principe pour leur rapprochement, qui donnera naissance à un « champion mondial de la transition écologique ».
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est réjoui de cet « accord à l'amiable » entre Suez et Veolia, parvenus à un compromis sur le rachat d'une grande partie du premier par le second après un long bras de fer.
« Cet accord préserve la concurrence au service des clients entre deux grandes entreprises industrielles nationales (...) Il garantit leur bon développement sur les marchés nationaux et internationaux. Il préserve l'emploi », s'est félicité le ministre.
« Toutes les parties prenantes des deux groupes sortent (...) gagnantes. Le temps de l'affrontement est terminé, le temps du rapprochement commence », s'est réjoui le PDG de Veolia, Antoine Frérot, cité dans une communiqué des deux entreprises.
« Nous avions appelé de nos vœux une solution négociée depuis de longues semaines et nous avons aujourd'hui trouvé un accord de principe qui reconnaît la valeur de Suez », a souligné le président de ce dernier, Philippe Varin, dans le même communiqué.
D'un vaste désaccord initial, les deux entreprises sont parvenues à une série de compromis et espèrent conclure des accords définitifs d'ici au 14 mai.
Veolia a notamment accepté de relever son offre à 20,50 euros par action Suez - il proposait initialement 18 euros, un montant jugé insuffisant par son rival qui exigeait 22,50 euros par titre. Le prix finalement retenu valorise l'ensemble de Suez à environ 13 milliards d'euros.
Ce rapprochement doit permettre la constitution d'un « champion mondial de la transformation écologique » dans un marché de plus en plus concurrentiel, avec un chiffre d'affaires d'environ 37 milliards d'euros, selon le communiqué de lundi.
Dans le même temps, un « nouveau Suez » doit être mis sur pied. Il sera détenu par des actionnaires majoritairement français comprenant des partenaires financiers des deux groupes - non précisés à ce stade - et les salariés.
Le secrétaire du comité européen de Suez exprime un «sentiment de trahison»
Le secrétaire CGT du comité d'entreprise européen de Suez a exprimé lundi un « réel sentiment de trahison de la part du conseil d'administration » de son entreprise, après l'annonce d'un accord intervenu avec Veolia, à l'initiative d'une OPA sur son concurrent dans la gestion de l'eau et des déchets.
« On l'a appris par Twitter et communiqué de presse et on a un réel sentiment de trahison de la part du conseil d'administration, qui semble s'être couché face à la pression de Veolia alors que les moyens de négocier autre chose existaient », a déploré Franck Reinhold von Essen.
« Nous voulons être partie prenante par rapport à toute négociation en cours. Or, c'est très flou. De prime abord, le périmètre ne nous satisfait pas car on parle de 6,9 milliards qui constituerait le ‘nouveau Suez’, ce qui ne fait pas la taille critique qui permettrait de garantir la pérennité des emplois par le développement de l'entreprise », a-t-il ajouté.
« Nous n'avons pas été associés à ce pré-accord, ce qui est frustrant. L'accord définitif serait le 14 mai, ce qui nous laisse penser que tout n'est pas fini. Nous allons essayer d'obtenir le détail de ce pré-accord », a-t-il conclu.
Son périmètre intègrera les activités actuelles de Suez dans l'eau municipale et le déchet solide en France, ainsi que d'autres activités de l'entreprise « notamment dans l'eau » et dans plusieurs zones géographiques dont l'Italie, l'Afrique, l'Inde, la Chine et l'Australie.
Décrit comme « cohérent et pérenne sur le plan industriel et social » avec « un réel potentiel de croissance », cet ensemble devrait afficher un chiffre d'affaires de l'ordre de 7 milliards d'euros.
La Bourse applaudit
Avant la conclusion de cet accord, Veolia proposait de maintenir un Suez France dont il céderait tous les actifs nationaux au fonds Méridiam. Mais Suez, soutenu par les fonds Ardian et GIP, souhaitait également conserver les activités « Eau et Technologie » à l'international.
A la Bourse de Paris, la signature de cet armistice était saluée par les investisseurs : à 11h00 (09h00 GMT), dans un marché atone, le titre Veolia bondissait de plus de 8%, tout comme celui de Suez. Ce dernier, coté à 19,94 euros, approchait ainsi du prix proposé dans le cadre de l'offre.
Multiplication des recours en justice, invectives par voie de presse, coups de pression et de semonce... Les deux groupes français s'affrontaient depuis l'année dernière, notamment depuis l'acquisition par Veolia en octobre de 29,9% de Suez auprès d'Engie. Veolia avait ensuite lancé une OPA sur le reste des actions Suez.
En parallèle, chacun affichait régulièrement sa volonté de tendre la main à son rival, mais à ses conditions, donnant l'impression d'un dialogue de sourds.
L'affaire avait aussi pris un tournant politique, Bruno Le Maire intervenant à plusieurs reprises, et encore fin mars, pour estimer qu'un accord restait « possible » entre les deux rivaux.
La tension était montée d'un cran supplémentaire lorsque Suez avait annoncé la semaine passée avoir signé un accord pour vendre à l'australien Cleanaway son activité « recyclage et valorisation » dans ce pays, que Veolia considérait comme « stratégique ».
L'accord annoncé lundi prévoit en outre la suspension des procédures juridiques en cours, ainsi que la désactivation d'une fondation néerlandaise prévue par Suez pour chapeauter ses actifs Eau France et en empêcher la cession. Veolia lui avait encore demandé d'y renoncer début avril.