BEYROUTH: Depuis plus d'un an, le monde vit au ralenti. Pour une grande majorité, la Covid-19 restera synonyme de confinement, de travail à domicile, de masques, de distanciation sociale, de vaccins, etc. Cependant, ce bouleversement au niveau planétaire a créé, pour certains, des opportunités.
Brisant le cycle effréné d’un monde en mouvement permanent, le ralentissement des marchés généré par la pandémie a donné lieu à une réflexion différente, parfois plus conforme à nos aspirations qu’aux nécessités du travail. Cet état d'esprit a notamment permis l’émergence d’une plate-forme reliant l’art au luxe, comme celle de Jean-Marc Shammas, fondateur de TheWincolab.
Arab News a rencontré Shammas lors de la préparation de l'exposition Sense of Women, qui a ouvert ses portes le 28 mars et se poursuivra jusqu'au 20 avril au ME Dubai Hotel. Cet événement auquel Shammas a activement contribué en partenariat avec ME Dubai, MIA Art Collection, Arab News et ses éditions internationales, met en lumière le travail créatif des femmes artistes de différentes régions du monde.
«Nous achetons des émotions»
Plutôt qu'une approche classique consistant à utiliser l'art pour promouvoir le luxe ou vice-versa, TheWincolab choisit de garder dans sa ligne de mire l'objectif de «créer, simultanément, une beauté qui génère des émotions». Avec une telle devise, tout devient une question de «manières de penser qui se rencontrent dans le but de créer des partenariats gagnants, pour une meilleure exposition des marques de luxe, et une plus importante promotion des artistes».
L’émotion, dit Shammas, est l’un des piliers forts du concept très tendance d’«artketing», qui fait le lien entre art et luxe. Selon lui, aujourd’hui, un acheteur de produits de luxe ou un collectionneur d’art peut soit acheter des produits de luxe onéreux soit investir dans des créations artistiques. Cependant, ces deux actes d'investissement distincts sont fortement liés à une valeur commune, alliant l'art et le luxe: l’émotion. «Nous achetons certes des émotions, mais connaître les dernières tendances dans les domaines du luxe et de l'art est exigeant. C’est là qu’entre en jeu TheWincolab, qui conseille les clients et les aide à élaborer un plan d’“artketing réussiʺ», explique Shammas.
«TheWincolab est une idée née durant le confinement», raconte son fondateur. Cette période lui a permis «de faire deux pas en arrière, de réfléchir sur le passé, et de se projeter dans un nouvel avenir».
Après avoir récemment quitté le groupe Piaget, spécialisé dans les bijoux et les montres de luxe, au sein duquel il a passé quinze ans dans la direction et la gestion de la marque au Moyen-Orient, il a été «étonné de voir à quel point le confinement avait ralenti l'incroyable tourbillon professionnel, laissant davantage place à la réflexion et à la créativité, à une nouvelle approche sur les racines, les valeurs intérieures, la famille et les amis proches».
L'Arabie saoudite, un exemple phare
Passionné du luxe, Shammas pense que le confinement l'a conduit à passer plus de temps avec une autre de ses passions, l'art. C'est au cours de cette période qu'il a «ressenti le lien très fort existant entre l'art et le luxe, et les synergies authentiques et interdépendantes entre ces deux mondes». Cette prise de conscience et son amitié avec la collectionneuse d'art Alejandra Castro Rioseco ont enclenché le processus. C’est ainsi que TheWincolab a vu le jour.
Cette vision fait fortement écho aux tendances mondiales des marques haut de gamme qui cherchent de plus en plus à allier art contemporain et luxe. Les marchés émiratis et saoudiens ne sont pas étrangers à une telle dynamique. «Dubaï, Sharjah, Abu Dhabi, Riyad et Djeddah investissent énormément dans la promotion des arts, suscitant l’intérêt des visiteurs du monde entier», fait remarquer Shammas. «L'Arabie saoudite est l’exemple phare d'une nation avec un fort marché du luxe, qui investit clairement ces dernières années dans la promotion de l'art et de la culture. Ce pays comme d’autres dans la région, sont conscients que leur patrimoine, leurs traditions ainsi qu’une nouvelle génération pleine de talents n’ont pas bénéficié du soutien qu’ils le méritaient par le passé.»
En parallèle, explique Shammas, «les marques de luxe occidentales ont investi dans la région en essayant d'établir des liens étroits avec les clients locaux». C’est dans ces pays que l’art et le luxe peuvent se rencontrer et «créer un pont entre modernité et tradition, entre ‘’l'artisanat’’ occidental ancestral et les traditions locales des pays du Golfe», assure-t-il. Dans ce contexte, TheWincolab pourra jouer un rôle actif en guidant les marques de luxe à mieux investir de manière créative, à tisser des liens avec les populations locales ayant du talent et s’y connaissant en art.
Vivre un ralentissement prolongé pendant plus d'un an a permis à de nombreux entrepreneurs de sortir des sentiers battus et de se rendre compte que «nous vivons dans une région où les rêves peuvent se transformer très rapidement en réalité», explique Shammas. «Le Moyen-Orient abrite certaines des start-up les plus prospères au monde comme Careem, Anghami et bien d'autres, qui sont nées grâce à un écosystème dynamique encourageant l'entrepreneuriat et facilitant la création d'entreprises», ajoute le fondateur de TheWincolab. Il a un message à adresser aux jeunes entrepreneurs de la région: «Vous avez une idée, foncez, rencontrez de nouvelles personnes, discutez de votre projet et vous serez surpris de voir combien de personnes à l’esprit ouvert vous aideront, vous encadreront, vous guideront. Soyez passionnés dans tout ce que vous faites.»