PARIS: Le désaccord du PDG du premier éditeur français Hachette Livre Arnaud Nourry avec son actionnaire Arnaud Lagardère s'est soldé lundi par son éviction, alors qu'il s'opposait publiquement à une vente à l'empire de Vincent Bolloré.
PDG depuis 2003 du troisième groupe mondial d'édition, propriétaire des maisons Grasset, Fayard et Calmann Lévy, M. Nourry s'était récemment déclaré opposé à un démantèlement d'Hachette Livre ou à un rapprochement avec son concurrent Editis, propriété du géant des médias Vivendi (Canal+, Havas, Gameloft), contrôlé par Vincent Bolloré et devenu l'an dernier premier actionnaire de Lagardère.
Selon un communiqué du groupe Lagardère, Arnaud Nourry «quitte le groupe dans le cadre d'une séparation amiable» et a été remplacé par le cogérant de Lagardère Pierre Leroy, qui sera secondé par le secrétaire général d'Hachette Livre Fabrice Bakhouche, nommé directeur général délégué.
«Ces 18 années nous ont permis, ensemble, de faire rayonner Hachette Livre aux quatre coins du monde», a écrit lundi soir le dirigeant aux directeurs de ses maisons d'éditions, sans faire aucune allusion aux raisons de son départ.
«Je ne laisserai personne abîmer Hachette Livre» avait-il déclaré aux Échos fin février.
«Il n'y a aucune cohabitation possible entre nous et Editis, moins rentable, cela n'a pas de sens stratégique et c'est juridiquement impossible», avait-il ajouté.
Arnaud Nourry allait même encore plus loin en se prévalant d'«une culture de non-interventionnisme» nécessaire selon lui «pour avoir des talents comme David Shelley au Royaume-Uni, qui est devenu l'éditeur de JK Rowling, ou Sophie de Closets chez Fayard en France qui a récupéré les droits (pour la) France du livre de Barack Obama», une manière de s'opposer à l'interventionnisme parfois reproché à M. Bolloré dans ses médias.
L'édition a la cote
La semaine dernière dans Le Monde, le dirigeant surenchérissait, en affirmant qu'il souhaitait rester dans le groupe Lagardère.
Lagardère est le théâtre d'une âpre bataille actionnariale entre son gérant-commandité Arnaud Lagardère et le patron de LVMH Bernard Arnault d'un côté, et le raider breton Vincent Bolloré associé au fonds britannique Amber Capital de l'autre.
L'enjeu de la bataille est l'accès aux influents médias du groupe (Europe 1, Paris Match, le JDD), mais également la prise de contrôle de tout ou partie de sa juteuse branche d'édition.
En novembre, des discussions avaient eu lieu entre le géant des médias Vivendi et Lagardère au sujet de la cession du pôle international d'Hachette Livre, qui avaient provoqué l'inquiétude des salariés.
Hachette Livre a résisté en 2020 aux conséquences économiques de la crise sanitaire, affichant un chiffre d'affaires stable à 2,4 milliards d'euros et un résultat opérationnel en progression de 12%.
De plus, les groupes d'édition ont la cote avec l'essor des plateformes de streaming vidéo comme Netflix, très demandeuses de séries originales et donc de livres à adapter.
La maison d'édition Penguin Random House, filiale de l'allemand Bertelsmann, a notamment annoncé en novembre le rachat de l'éditeur américain Simon & Schuster pour 2,18 milliards de dollars.
«Il ne faut pas sur-interpréter l'annonce» du départ d'Arnaud Nourry et y voir forcément une cession ou un démantèlement à venir de l'éditeur, a prévenu une source proche de Lagardère.
Plus actives que jamais, les tractations entre actionnaires de Lagardère pourraient trouver une issue en juin lors de l'assemblée générale du groupe.