Explosion, reconstruction et déception. Un businessman libanais raconte

Le drapeau libanais flotte à côté du silo du port de Beyrouth, endommagé lors de l'explosion du 4 août, alors que la fumée s'échappe d'un énorme incendie le 10 septembre 2020. (AFP / File Photo)
Le drapeau libanais flotte à côté du silo du port de Beyrouth, endommagé lors de l'explosion du 4 août, alors que la fumée s'échappe d'un énorme incendie le 10 septembre 2020. (AFP / File Photo)
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Publié le Mardi 30 mars 2021

Explosion, reconstruction et déception. Un businessman libanais raconte

  • Paoli avoue que sa vision de son pays a complètement changé
  • Il va sans dire que la gestion officielle des séquelles de la catastrophe laisse à désirer

DUBAÏ: Depuis l'explosion qui a ravagé Beyrouth le 4 août de l'année dernière, un homme libanais travaille d’arrache-pied, pour s'assurer que les fruits de toute une vie de labeur ne finissent pas ensevelis sous les décombres. En moins de six mois, Robert Paoli devient ainsi le premier commerçant après la catastrophe à rouvrir son entrepôt dans la zone franche logistique du port de Beyrouth.

«J'ai passé toute ma vie professionnelle dans le secteur du transit maritime», déclare l’homme de 57 ans à Arab News. «J'ai toujours cru au Liban, dès le départ, et j'ai travaillé très fort pour créer mes unités dans la zone franche».

L’emplacement stratégique de Beyrouth sur la côte est de la Méditerranée fait du port un atout économique prospère. Mais tout change ce mardi après-midi, quand un entrepôt voisin qui contient près de 3 000 tonnes de nitrate d'ammonium, une substance extrêmement volatile, prend feu.

Les deux explosions subséquentes envoient une onde de choc colossale à travers le port et les quartiers environnants, emportant les entrepôts de Paoli avec elle.

Paoli avait dépensé plus de 1,5 million de dollars et consacré des années de travail acharné à son nouvel entrepôt, qui devait ouvrir ses portes à peine quelques semaines plus tard. Des stocks de marchandise de tous genres s’y trouvaient déjà, des appareils électro-ménagers aux pneus en passant par des produits chimiques.

Paoli se souvient des événements de cette affreuse journée. Il avait eu la chance de quitter son bureau tôt, contraint par les mesures sanitaires relatives à la Covid-19 en vigueur dans la zone franche logistique. Plus tard, alors qu'il rejoint son fils pour une partie de tennis au club situé à 20 minutes de la capitale, Paoli reçoit un appel téléphonique alarmant d'un ami au sujet d'un incendie dans le port.

«J’ai trois unités là-bas et un nouvel entrepôt dans la région de Karantina, très près du port, j'étais anxieux», a déclaré Paoli. «Mon autre ami, qui habite de l'autre côté du port, ne voyait rien. Mais cinq minutes plus tard, j'ai entendu l'explosion».

La déflagration est tellement forte qu’elle est entendue à Chypre, à une distance de plus de 200 kilomètres. Près de 210 personnes sont tuées et 7 500 blessées, et l’onde de choc rase les bâtiments voisins et renversent des véhicules.

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Robert Paoli a dépensé des millions pour reconstruire des entrepôts dévastés après l'explosion de Beyrouth le 4 août 2020. (Fourni)

«J’ai cru qu'une bombe venait de toucher mon club», a déclaré Paoli. «Nous étions loin, mais nous avons quand même été projetés contre le sol, et les vitres se sont brisées».

Une gigantesque colonne de fumée noire s'élevait du port lointain. Paoli saute dans sa voiture et se précipite vers la ville en courant. En chemin, le gardien de l'entrepôt de Karantina l’appelle et lui dit qu’il n’en reste plus rien.

«J'étais sous le choc», confie Paoli. «J'ai demandé s'il y a eu des blessés, et heureusement, il n'y en avait pas. Ma femme m'a appelé en pleurant, elle avait vu à la télévision mon entrepôt dans la zone franche entièrement détruit».

À son arrivée, Paoli est confronté à un spectacle cauchemardesque; ce qui restait de ses marchandises est piégé sous des tonnes de gravats. «Tous mes employés sont venus, ils pleuraient», a-t-il dit. «Rien que de penser à cette scène me fait revivre le moment. Quand j'ai réalisé l'ampleur des dégâts, j’ai pris conscience de la réalité».

L’armée libanaise est rapidement dépêchée sur les lieux afin de dissuader les pilleurs. C'est à ce moment-là que Paoli prend la résolution de reconstruire. «C'était un défi pour moi, nous n’allions pas nous laisser abattre», a-t-il déclaré. «Il m’était impossible de ne pas reconstruire.»

Cette nuit-là, la première priorité de Paoli était de sécuriser son stock, réparti sur différents sites. Pour compléter la présence de l’armée, son personnel monte la garde 24 heures sur 24.

ENQUÊTE SUR L'EXPLOSION DE BEYROUTH

 

* Le juge d'instruction Fadi Sawan a porté plainte contre 37 personnes depuis août 2020.

* 25 d’entre eux sont détenus dans des conditions qui semblent violer leurs droits civils, selon HRW.

* Parmi les individus accusés de négligence figurent deux anciens ministres et le premier ministre par intérim, Hassan Diab.

* Diab a refusé de comparaître pour un interrogatoire, qualifiant de «diabolique» de le montrer du doigt.

* Les ministres ont demandé à la cour suprême de remplacer Sawan, ce qui impose une suspension de l’enquête depuis décembre 2020.

«Nous nous devions de le protéger, pour nos clients», a déclaré Paoli. «Mon équipe est incroyable. J'ai vraiment ressenti à quel point cette entreprise compte pour eux et à quel point ils me respectent.

À l’aube le lendemain, l'effort de reconstruction commence. Avec à peine quatre heures de sommeil par nuit en moyenne, Paoli arrive à 6 h 30 tous les jours pendant les six mois qui suivent afin de nettoyer les débris et récupérer ce qu'il peut.

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Robert Paoli, son épouse Mona, sa fille Andrea et son fils Philippe, ont perdu espoir dans leur pays après l'explosion de Beyrouth le 4 août 2020, qui a dévasté leurs entrepôts. (Fourni)

«La responsabilité sur mes épaules était de taille, car nos unités d'entrepôt étaient entièrement chargées de marchandises», explique-t-il. «Nous avions de 80 à 90 conteneurs de 40 pieds. C'était un enfer».

La cargaison qui a été épargnée est retirée, et ensuite, soit livrée aux clients, soit stockée de manière sécuritaire. Mais Paoli n’est pas au bout de ses peines. Un mois plus tard, un autre incendie s’est déclaré dans un entrepôt voisin.

«L'armée a tenté de nous empêcher d'entrer pour essayer de contenir le feu, mais nous avons réussi à le faire en trois à quatre heures», se souvient Paoli. «Tous les entrepôts voisins ont brûlé sauf le nôtre. Nous avons eu la chance de pouvoir le sauver».

Comble de l'insulte, Paoli est détenu et interrogé au sujet de l'incendie. Il est relâché 24 heures plus tard, en colère et démoralisé.

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Rappelant cette journée horrible, Paoli a déclaré qu'il avait eu la chance d'avoir quitté son bureau tôt, une décision rendue nécessaire par les restrictions du COVID-19 en place dans la zone franche logistique. (Fourni)

«J'étais épuisé et déprimé parce que j'essayais de faire quelque chose de bien, et j'ai été mis en arrestation», dit-il. «J'avais l'impression d'être revenu à la case départ. J'étais anéanti, mais j’étais animé par cette volonté constante de reconstruire, et ça m'a donné la force de continuer».

Quelque temps plus tard, le labeur de Paoli porte ses fruits lorsque son entrepôt a rouvert ses portes dans la zone franche.

Ce qui le perturbe le plus cependant, c'est le manque de soutien du gouvernement et des agences d'aide. «Personne ne s'est soucié de nous, ou nous a proposé son assistance», se désole-t-il. «Des associations sont venues pour aider les gens, mais pas nous, même si nous nous trouvions dans la zone la plus touchée, et que nos employés risquaient de perdre leur emploi».

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L’industrie et le labeur de Paoli ont porté leurs fruits lorsque son entrepôt a rouvert ses portes dans la zone franche. (Fourni)

Ses enfants, Andrea et Philippe, sont fiers de l'endurance de leur père pendant ces mois éprouvants.

«J'ai été impressionné par son attitude», déclare Philippe, ancien footballeur professionnel. «Il était le seul à exprimer sa gratitude pour le fait que tout le monde soit en sécurité, et la reconstruction est devenue sa tâche quotidienne. Avec le recul, nous étions les seuls à pouvoir reconstruire dans cette période grâce à cette attitude. Son dévouement envers ses employés vous touche et vous fait prendre conscience qu’ils font partie de notre famille».

Andrea, une ancienne championne nationale de taekwondo, félicite son père d'avoir pris sur lui de reconstruire son entreprise et prendre soin de son personnel, ce qu’un autre n’aurait pas fait.

«Il aurait été beaucoup plus facile de ne rien faire, d'abandonner, de rejeter la faute sur les autres et, éventuellement, de congédier les employés. Mon père s’est frayé un chemin difficile, avec son intégrité à toute épreuve, sa sollicitude, ainsi que ses compétences exceptionnelles en gestion de crise. J'espère que ceci inspire les autres autour de lui alors que le pays plonge dans un cauchemar sans fin», déclare la jeune femme.

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Le silo détruit est photographié le 26 octobre 2020 au port de Beyrouth à la suite de l'explosion chimique massive du 4 août sur le site qui a causé de graves dommages dans des pans de la capitale libanaise. (AFP / Fichier Photo)

Il va sans dire que la gestion officielle des séquelles de la catastrophe laisse à désirer. Huit mois plus tard, l'enquête sur l'explosion est toujours en cours ce qui signifie que Paoli n'a pas encore reçu le moindre dédommagement de la part de la compagnie d'assurance.

Alors qu'il fait de son mieux pour absorber sa part (3 millions de dollars) des pertes collectives de 50 millions de dollars de la zone franche, Paoli avoue que sa vision de son pays a complètement changé.

«Avant l'explosion, j'ai toujours cru que, quoi qu'il arrive, je continuerai de grandir et de travailler au Liban. C’est notre pays, nous devons rester ici», dit-il.

«Mais pour le moment, je ne dirai pas un mot de plus. Je protégerai ce que j'ai, mon entreprise et mes employés parce qu'ils sont comme une famille pour moi, mais je ne ferai plus de plans d'expansion dans ce pays. Pour la première fois de ma vie, je commence à réfléchir à faire quelque chose en dehors du Liban.

Mona, l’épouse de Paoli, reconnaît que la foi qu’ils avaient autrefois dans le pays s’est épuisée.

«L’optimisme de Robert est contagieux», dit-elle. «Mais pour nous, l'aventure s'arrête ici, et une nouvelle page s'ouvre dans notre vie».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le procureur de la CPI demande des mandats d'arrêts contre Netanyahu et des dirigeants du Hamas

Une activiste musulmane tient un écriteau représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation contre Israël et en soutien aux Palestiniens à Gaza, devant l'ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, le 17 mai 2024. (REUTERS)
Une activiste musulmane tient un écriteau représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation contre Israël et en soutien aux Palestiniens à Gaza, devant l'ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, le 17 mai 2024. (REUTERS)
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  • Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant
  • Pour des crimes tels que « le fait d’affamer délibérément des civils », «homicide intentionnel » et «extermination et/ou meurtre »

LA HAYE : Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé lundi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et des dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza.

Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant pour des crimes tels que "le fait d’affamer délibérément des civils", "homicide intentionnel" et "extermination et/ou meurtre".

"Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis", a affirmé M. Khan en référence à MM. Netanyahu et Gallant.

Les accusations portées contre les dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinwar, le chef du mouvement, incluent "l'extermination", "le viol et d'autres formes de violence sexuelle" et "la prise d'otages en tant que crime de guerre".

"Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique menée par le Hamas ainsi que d’autres groupes armés dans la poursuite de la politique d'une organisation", est-il écrit dans le communiqué.

 


L'Iran en deuil après la mort du président Raïssi dans un accident d'hélicoptère

Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
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  • Le décès de M. Raïssi à 63 ans ouvre une période d'incertitude politique en Iran
  • En attendant, c'est le premier vice-président Mohammad Mokhber, un homme de l'ombre de 68 ans, qui assumera les fonctions de président par intérim

TEHERAN: L'Iran a décrété lundi cinq jours de deuil pour rendre hommage à son président, Ebrahim Raïssi, décédé dans un accident d'hélicoptère trois ans après l'arrivée au pouvoir de cet ultraconservateur qui était considéré comme l'un des favoris pour succéder au Guide suprême, Ali Khamenei.

Le décès de M. Raïssi à 63 ans ouvre une période d'incertitude politique en Iran, au moment où le Moyen-Orient est secoué par la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas palestinien, un allié de la République islamique.

Sa mort brutale va entraîner une élection présidentielle au suffrage universel qui devra être organisée "dans les 50 jours", soit d'ici au 1er juillet.

Mohammad Mokhber

En attendant, c'est le premier vice-président Mohammad Mokhber, un homme de l'ombre de 68 ans, qui assumera les fonctions de président par intérim.

A ce stade, aucun nom ne se dégage comme prétendant pour la présidentielle, qui se déroulera quatre mois avant le scrutin présidentiel aux Etats-Unis, principal ennemi de la République islamique avec Israël.

Elu président en 2021, Ebrahim Raïssi était, lui, considéré comme l'un des favoris pour succéder au Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, âgé de 85 ans.

"La nation iranienne a perdu un serviteur sincère et précieux", a déclaré le chef de l'Etat dans une déclaration. En soulignant que "ses ennuis dus à l'ingratitude et aux railleries de certains méchants ne l'empêchaient pas de travailler jour et nuit".

Le gouvernement a rendu hommage au "président du peuple iranien, travailleur et infatigable" qui "a sacrifié sa vie pour la nation".

L'annonce de son décès avait été faite en début de matinée par les agences de presse et les sites d'information après la découverte de l'épave de l'hélicoptère à l'aube. La télévision d'Etat a parallèlement diffusé des chants religieux en montrant des photos du président.

L'hélicoptère du président avait disparu dimanche en début d'après-midi alors qu'il survolait une région de l'Iran escarpée et boisée dans des conditions météorologiques difficiles, avec de la pluie et un épais brouillard.

«grande perte»

La perspective de découvrir vivants le président et les huit autres passagers, avait progressivement diminué durant la nuit.

Parmi eux figurait Hossein Amir-Abdollahian, 60 ans, nommé à la tête de la diplomatie par M. Raïssi en juillet 2021. Etaient également présents le gouverneur de la province d'Azerbaïdjan oriental, le principal imam de la région, ainsi que le chef de la sécurité du président et trois membres d'équipage.

Les secours ont récupéré lundi matin les dépouilles des neuf passagers éparpillés au milieu des débris de l'appareil, un Bell 212. Elles ont été transportées à  Tabriz, la grande ville du nord-ouest, où débuteront mardi les cérémonies de funérailles.

L'épave de l'hélicoptère a été découverte à l'aube sur le flanc d'une montagne qu'il aurait heurté pour une raison encore inconnue, selon des médias. Il s'était envolé dans des conditions météorologiques difficiles, avec des pluies et un épais brouillard.

De nombreux dirigeants, dont certains de pays entretenant des relations tièdes avec Téhéran, ont envoyé des messages de condoléances.

Le président russe, Vladimir Poutine, a rendu hommage à un  "politicien remarquable" et à un "véritable ami" de la Russie. Son décès est une "grande perte pour le peuple iranien", a salué le président chinois Xi Jinping.

«Pas de perturbations»

M. Raïssi, qui avait le titre d'ayatollah, présidait la République islamique depuis près de trois ans.

Considéré comme un ultraconservateur, il avait été élu le 18 juin 2021 dès le premier tour d'un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle et l'absence de concurrents de poids.

Toujours coiffé de son turban noir et vêtu d'un long manteau de religieux, il avait succédé au modéré Hassan Rohani, qui l'avait battu à la présidentielle de 2017.

Il était soutenu par la principale autorité de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a appelé dimanche "le peuple iranien" à "ne pas s'inquiéter" car "il n'y aura pas de perturbation dans l'administration du pays".

Dernier message pro-palestinien 

Raïssi s'était rendu dimanche dans la province d'Azerbaïdjan oriental, où il a notamment inauguré un barrage en compagnie du président d'Azerbaïdjan, Ilham Aliev, à la frontière entre les deux pays.

Au cours d'une conférence de presse commune, il a de nouveau apporté son soutien au Hamas face à Israël. "Nous pensons que la Palestine est la première question du monde musulman", a-t-il dit.

Dans un message de condoléances, le Hamas a salué un "soutien à la résistance palestinienne".

L'Iran avait lancé une attaque inédite le 13 avril contre Israël, avec 350 drones et missiles, dont la plupart ont été interceptés avec l'aide des Etats-Unis et de plusieurs autres pays alliés.

M. Raïssi était sorti renforcé des législatives qui se sont tenues en mars, premier scrutin national depuis le mouvement de contestation qui a secoué l'Iran fin 2022 à la suite du décès de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict de la République islamique.

Né en novembre 1960, Raïssi a effectué l'essentiel de sa carrière dans le système judiciaire, en étant notamment procureur général de Téhéran puis procureur général du pays, des postes où s'est construite sa réputation de fermeté envers les "ennemis" de la République islamique.

M. Raïssi figurait sur la liste noire américaine des responsables iraniens sanctionnés par Washington pour "complicité de graves violations des droits humains", des accusations balayées comme nulles et non avenues par Téhéran.


Dans le désert syrien, des milliers de déplacés oubliés

Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes. (AFP)
Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes. (AFP)
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  • "Nous sommes pris au piège", regrette Khaled, un policier de 50 ans ayant fait défection, qui refuse de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité
  • Khaled a fui il y a huit ans sa région du centre de la Syrie, pour échapper aux exactions des jihadistes du groupe Etat islamique et aux forces du régime

BEYROUTH: Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes.

Au milieu d'un paysage lunaire balayé par les tempêtes du désert, le camp de Rokbane est situé dans un no man's land près de la frontière avec l'Irak et la Jordanie, qui ont tous deux fermé leurs frontières aux réfugiés syriens.

"Nous sommes pris au piège", regrette Khaled, un policier de 50 ans ayant fait défection, qui refuse de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité.

"Nous ne pouvons pas nous rendre (dans les autres régions) de Syrie car nous sommes recherchés par le régime, et nous ne pouvons pas entrer en Jordanie ou en Irak", ajoute-t-il.

Khaled a fui il y a huit ans sa région du centre de la Syrie, pour échapper aux exactions des jihadistes du groupe Etat islamique et aux forces du régime.

Le conflit en Syrie s'est déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, et s'est complexifié au fil des ans avec l'implication d'acteurs régionaux, de puissances étrangères et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé.

Le camp de Rokbane est situé dans une enclave protégée par une base militaire de la coalition internationale antijihadiste dirigée par Washington.

Le régime syrien contrôle les zones tout autour et le passage de l'aide est tributaire de son bon vouloir.

Rokbane a été établi en 2014, au plus fort de la guerre et a compté à un moment plus de 100.000 résidents, mais il n'en reste plus que 8.000 aujourd'hui.

« De pain et de thé »

Poussés par la faim, la pauvreté et l'absence de soins, un grand nombre de déplacés sont partis, surtout depuis que la Jordanie a fermé sa frontière en 2016.

L'ONU qualifie la situation de "désespérée" dans le camp où aucun convoi d'aide humanitaire n'a pénétré depuis 2019. Les vivres y sont acheminées en contrebande et revendues à prix d'or.

Mais les habitants risquent de ne plus recevoir ces maigres réserves. Ils affirmant que les postes de contrôle du régime ont mis fin à tous les itinéraires de contrebande vers le camp il y a environ un mois.

"Mes filles vivent de pain et de thé. Les vivres commencent à manquer", déplore Khaled, joint au téléphone par l'AFP.

La plupart des familles subsistent grâce à l'envoi d'argent par leurs proches à l'étranger ou aux salaires de quelque 500 hommes qui travaillent dans la base américaine voisine pour 400 dollars par mois, explique Mohammad Derbas al-Khalidi.

Ce père de 14 enfants, qui dirige le conseil local du camp, indique être recherché par le régime pour avoir aidé des déserteurs au début de la guerre.

"Si je n'avais pas peur pour mes enfants et pour moi-même, je ne serais pas resté dans ce désert", assure-t-il.

Déportés de Jordanie

Les seuls nouveaux arrivants dans le camp sont chaque année quelques dizaines de Syriens déportés à leur sortie de prison par les autorités jordaniennes, selon le conseil local du camp et l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Depuis début 2024, 24 Syriens ont été déportés, dont Mohammed al-Khalidi, un mécanicien de 38 ans, qui était emprisonné en Jordanie pour trafic de drogue.

Il dit craindre d'être arrêté s'il revient dans la région de Homs dont il est originaire, sous contrôle des forces gouvernementales syriennes, et où il ne lui reste ni maison ni famille.

"Mes proches sont tous en Jordanie, et tous ceux qui étaient en Syrie ont été tués ou sont partis", affirme-t-il à l'AFP qui l'a contacté par téléphone.

Interrogé par l'AFP, un responsable jordanien a affirmé sous couvert de l'anonymat que le royaume "n’a pas forcé et ne forcera aucun réfugié syrien à retourner en Syrie".

« Comme une prison »

"Ce camp a les pires conditions de vie", affirme à l'AFP Mouaz Moustafa, de l'association Syrian Emergency Task Force, basée aux Etats-Unis, qui s'est rendu à Rokbane.

Son groupe a réussi à y acheminer de l'aide par avion, avec l'aide de la base américaine voisine.

"Mais ils ont besoin en premier, avant même la nourriture, de médecins", souligne Mouaz Moustafa, évoquant le cas d'un nouveau né souffrant de problèmes respiratoires ou d'accouchements compliqués.

Après un appel aux dons, Mohammed, 22 ans, a pu partir pour Homs dans le centre de la Syrie, pour subir une intervention chirurgicale au foie.

Quelques mois plus tard, il a échappé au service militaire en Syrie en fuyant au Liban. "N'importe quel endroit sur terre est mieux que Rokbane", dit-il à l'AFP, joint au téléphone.

Il n'a plus vu sa mère et ses deux frères depuis deux ans, ces derniers étant toujours bloqués à Rokbane. "Ma famille sait qu'elle ne sortira jamais (...) Ce camp est comme une prison."