«Pire qu'une jungle»: le cartel de la corruption aux frontières de l'Irak

Le poste-frontière de Mandali, entre l’Iran et l’Irak (Photo, AFP).
Le poste-frontière de Mandali, entre l’Iran et l’Irak (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 29 mars 2021

«Pire qu'une jungle»: le cartel de la corruption aux frontières de l'Irak

  • En Irak, un cartel de partis politiques et de groupes armés siphonne droits de douane et importations, pour des montants vertigineux
  • Dans une économie pétrolière, sans industrie ni agriculture ou presque, les taxes douanières sont l'une des rares richesses à accaparer

BAGDAD: C'est une pieuvre dont les tentacules recouvrent des milliers de kilomètres de frontière, chaque dock ou terminal terrestre : en Irak, un cartel de partis politiques et de groupes armés siphonne droits de douane et importations, pour des montants vertigineux.

« C'est pire qu'une jungle parce qu'au moins, dans la jungle, quand les animaux sont repus, ils s'arrêtent. Ces gens-là n'en ont jamais assez », affirme un responsable des douanes.

Comme tous les fonctionnaires, officiels ou hommes d'affaires interrogés ces six derniers mois, l'homme accepte de parler uniquement si son identité n'est pas révélée car tous affirment risquer leur vie en s'exprimant.

Dans le 21e pays le plus corrompu au monde selon l'ONG Transparency International, les deux mamelles du système sont connues : froide bureaucratie et corruption endémique, deux phénomènes qui se sont amplifiés après l'invasion américaine ayant renversé Saddam Hussein en 2003.

Et le cadre est des plus adaptés : dans une économie pétrolière, sans industrie ni agriculture ou presque, les taxes douanières sont l'une des rares richesses à accaparer. Quant à l'Etat central irakien, il est régulièrement débordé par d'autres acteurs, politiques ou miliciens.

La « collusion entre officiels, partis politiques, gangs et hommes d'affaires véreux aboutit au pillage des fonds publics », reconnaît le ministre des Finances Ali Allawi.

Le ministre irakien des Finances Ali Allawi (Photo, AFP).

Autant d'acteurs « imbriqués dans les rouages de l'Etat », renchérit Renad Mansour, chercheur de Chatham House. Et donc impossible à déraciner.

Directement chez les milices

En 2019 - le dernier chiffre officiel disponible -, l'Irak a importé pour 21 milliards d'euros de produits hors hydrocarbures, majoritairement d'Iran, de Turquie et de Chine.

Dans leur grande majorité, ces biens ont transité par les cinq terminaux officiels parsemant les 1 600 km de frontière avec l'Iran, par le seul poste-frontière couvrant tout aussi officiellement les 370 km de frontière avec la Turquie et par l'unique port d'Irak, Oum Qasr, à la pointe sud.

Là, selon la Banque mondiale, règnent « délais interminables, taxes élevées et abus ».

« Même en faisant tout dans les règles, ça dure un mois et on se retrouve à payer des frais de stationnement à trois zéros », rapporte un importateur basé au Moyen-Orient.

Alors, pour contourner la bureaucratie, les importateurs vont « directement voir les milices ou les partis » politiques, explique un agent du renseignement irakien. « Ils se disent qu'il vaut mieux perdre 100 000 dollars (en pot-de-vin) que toute une cargaison. »

En recoupant de longs entretiens avec différents acteurs, l’enquête est parvenue à établir que ce sont principalement des groupes du Hachd al-Chaabi, une coalition de paramilitaires pro-Iran intégrés à l'Etat, qui tiennent les terminaux terrestres et les docks d'Oum Qasr --l'endroit le plus corrompu d'Irak, selon ces sources.

Selon tous les acteurs irakiens rencontrés, c'est par exemple l'organisation Badr, puissante faction armée créée par d'ex-opposants à Saddam Hussein, qui tient Mandali, un poste-frontière avec l'Iran, pays où ils ont vécu en exil.

D'autres terminaux avec l'Iran sont tenus par d'autres factions du Hachd, comme Assaïb Ahl al-Haq et les brigades du Hezbollah, ajoutent-ils.

Des cigarettes ou des mouchoirs ?

Dans tous ces postes-frontières, partis et factions placent des douaniers, des inspecteurs ou des policiers. Ils facilitent le passage des cargaisons lorsque des importateurs les ont payés au préalable ou bloquent ceux qui ne seraient pas passés à la caisse, affirment les différents responsables.

Officiellement, le Hachd dément. Mais des sources proches d'Assaïb et des brigades du Hezbollah racontent le système de répartition, évoquant les mêmes docks ou terminaux cités par le douanier et l'agent du renseignement.

« Pour importer des cigarettes par exemple, il faut passer par le bureau des brigades du Hezbollah à Jadriya (un quartier de Bagdad, NDLR) et dire qu'on veut coopérer », avance cette source du renseignement.

Le maître des horloges de ce système huilé, c'est le « moukhalles », l'agent assermenté des douanes censé contrôler chaque cargaison. Or, « il n'y a aucun moukhalles sans affiliation » à un parti ou groupe armé, poursuit la même source.

Une fois soudoyés, ces agents doubles trafiquent les documents pour changer nature, quantité ou prix des produits et réduire ainsi les taxes. 

Pour l'importateur interrogé, certains réalisent jusqu'à 60% d'économies. Un gain particulièrement intéressant sur les cigarettes --taxées à 30% sur leur valeur puis à 100% supplémentaires, pour protéger officiellement la production locale.

Souvent, les containers de cigarettes sont donc étiquetés « mouchoirs » ou « plastique », pour payer « 50 000 dollars au lieu de 65 000 » en taxes, rapporte le douanier.

Ecrasé par la «pyramide» de la corruption en Irak, Hassanein rêve de s'exiler

Pendant des mois, il a manifesté contre la corruption, déposé plaintes et recours, en vain. De guerre lasse, Hassanein Mohsen ne pense désormais plus qu'à une chose : quitter son pays, l'Irak.

« Ce n'est pas possible de vivre ici sans payer des pots-de-vin », assène ce père de quatre enfants dans sa maison de Kerbala, à 100 km au sud de Bagdad.

« J'ai fait tout ce que j'ai pu mais ce pays coule de plus en plus », affirme ce chômeur de 36 ans, alors que l'Irak est désormais à la 21ème place des pays les plus corrompus au monde selon Transparency International.

Il assure avoir déboursé plus de 1 000 dollars (environ 836 euros) en pots-de-vin pour renouveler son passeport, régulariser ses impôts ou simplement faire corriger des coquilles sur des documents d'identité.

Quand il s'est essayé à l'importation de meubles jordaniens, il a dû donner un lit, une armoire, des tables de chevet à un garde-frontière pour faire entrer en Irak sa cargaison --pourtant légalement enregistrée.

En Irak, toutes les étapes de la vie sont rythmées par la corruption : pour la naissance d'un enfant, il vaut mieux offrir un bakchich aux soignants pour être bien traité, pour construire sa maison, il faut s'assurer d'avoir graissé la patte de militaires pour qu'ils laissent passer béton et autres briques au check-point installé à l'entrée de chaque quartier...

Tout en haut, « des politiciens volent depuis des années l'argent destiné aux services publics », accuse Hassanein qui, lui, doit payer des compagnies privées « pour l'eau potable, l'électricité ou les soins médicaux ». 

Dans ce pays, aux infrastructures détruites par les guerres à répétition ou tombées en ruines faute d'entretien, les générateurs pallient depuis des années aux longues heures de la journée où l'électricité nationale ne fonctionne pas. La santé, gratuite sous le régime du dictateur déchu Saddam Hussein, s'y paie à prix d'or dans des cliniques privées.

« Parfois je regrette, je me demande pourquoi je suis allé manifester », dit Hassanein, qui ne cache pas sa peur après l'assassinat et l'enlèvement de dizaines de militants ayant dénoncé le clientélisme et le népotisme dans le pays. 

« Je reçois des appels menaçants de gens qui se présentent comme des agents du renseignement. Maintenant, je ne sors plus sans un pistolet. »

« Ce n'est pas normal »

Les moukhalles ont aussi le pouvoir de modifier la valeur d'une cargaison sur la licence d'importation.

Un responsable à Oum Qasr rapporte avoir vu passer une cargaison de barres métalliques tellement sous-évaluée que les taxes de plus d'un million de dollars avaient été ramenées à 200 000 dollars.

« On donne beaucoup trop de pouvoir aux douaniers, ce n'est pas normal », s'emporte l'importateur.

Parfois, rétorque l'agent des douanes, la pression est trop forte. « Je ne suis pas corrompu mais j'ai dû laisser passer des cargaisons sans inspection sous l'injonction de partis très puissants. »

Dans ce paysage, il arrive que la cargaison n'existe même pas. Des documents falsifiés sont présentés à la Banque centrale, qui autorise des paiements en dollars à des compagnies fantômes hors d'Irak.

De quoi alimenter le blanchiment d'argent, affirment le douanier et plusieurs responsables du secteur bancaire irakien.

Les pots-de-vin servent aussi à faire entrer des biens normalement interdits.

Un importateur avoue avoir payé 30 000 dollars à un douanier d'Oum Qasr pour faire entrer un équipement électrique reconditionné --alors qu'importer des produits d'occasion est illégal.

Il reconnaît également payer régulièrement un officier de police du port pour être prévenu des inspections « surprises ». Cet officier lui a même offert, en échange de plus d'argent, d'envoyer ces inspections chez la concurrence.

Vue aérienne du poste-frontière de Mandali (Photo, AFP).

« Une vraie mafia »

De telles opportunités d'empocher des pots-de-vin... se vendent cher, commente le ministre Allawi.

« L'attribution de postes subalternes dans certains terminaux se négocie à 50 000 ou 100 000 dollars, parfois beaucoup plus », disait-il récemment lors d'une conférence publique.

Pour parvenir à leurs fins, élus et miliciens ont deux atouts : l'influence politique et la violence.

Un douanier de Mandali en a fait les frais. Il raconte avoir dû lever les scellés qu'il avait fait poser sur une cargaison venue d'Iran parce qu'un moukhalles faisait valoir son appartenance au Hachd pour l'obliger à obtempérer.

L'agent du renseignement confirme : même ses meilleurs informateurs craquent. L'un d'eux a cédé après de multiples suspensions administratives pour avoir bloqué des marchandises en provenance d'Iran au terminal de Zerbatiya, tenu par Assaïb Ahl al-Haq.

« Quand on est revenu, il était devenu membre d'Assaïb », témoigne-t-il.

Un haut responsable de l'Autorité des frontières raconte recevoir régulièrement des appels de numéros inconnus menaçant nommément ses proches.

« On ne peut rien dire parce qu'ils nous tueraient, tout le monde a peur », renchérit le douanier. « C'est une vraie mafia ».

Car il en va de la survie pour des partis et surtout des groupes armés qui ne peuvent plus allègrement piocher dans le budget de la Défense comme au temps de la guerre antijihadistes, affirme le chercheur Renad Mansour. 

Comme la plupart sont pro-Iran, ils souffrent en outre des sanctions américaines contre le grand voisin.

Siphonner l'Etat

En mars, Washington a mis sur sa liste noire Al Khamael Maritime Services (AKMS), une compagnie de transport maritime opérant à Oum Qasr, l'accusant d'aider les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique d'Iran, à « échapper aux protocoles d'inspection » grâce à des paramilitaires chiites.

Les Etats-Unis ont également sanctionné deux Irakiens et deux Iraniens liés à AKMS, pour contrebande et aide aux brigades du Hezbollah irakiennes et au Hezbollah libanais.

Pour siphonner les caisses de l'Etat, les groupes concurrents se serrent les coudes « parce qu'ils savent que si l'un d'eux tombe, tout le monde tombe », assure Mansour.

« Un poste-frontière, c'est jusqu'à 120 000 dollars par jour que se partagent plein de groupes qui, si on élargit le champ, sont parfois ennemis », explique le chercheur.

Parfois, il y a des morts. En février, deux membres d'Assaïb ont été assassinés pour « des motifs commerciaux », assurent des sources proches du Hachd.

Mais, généralement, les règles tacites du cartel empêchent ces violences.

C'est l'Etat qui paie le prix de cette entente : il ne perçoit que « 10 à 12% des recettes douanières qui devraient atteindre sept milliards de dollars » par an, déplore le ministre Allawi.

Car, outre les acteurs irakiens, Transparency affirme dans son rapport 2020 que les principaux partenaires commerciaux de l'Irak, la Turquie et la Chine, sont parmi les pays contrôlant le moins la corruption sur leurs exportations.

En bout de chaîne, loin des échanges internationaux, la répercussion des pots-de-vin est palpable.

« Le consommateur irakien paie plus à la caisse à cause de la corruption », assure un responsable gouvernemental. Et les écoles, hôpitaux et autres infrastructures ne sont jamais construits faute de fonds.

« On paie le double »

Dès ses premières semaines, en mai 2020, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi a fait des taxes douanières son cheval de bataille pour renflouer les caisses, avec un pétrole au plus bas.

A Oum Qasr ou Mandali, celui qui est également le chef du renseignement a annoncé déployer de nouvelles troupes avec plus de roulement pour éviter la formation de réseaux de corruption.

Depuis, chaque jour, l'Autorité des frontières annonce la saisie de cargaisons pour non-paiement des taxes et elle affirme avoir récolté 818 millions de dollars en 2020. Mais l'augmentation est bien faible : en 2019, elle récoltait 768 millions.

Pour importateurs, intermédiaires et même responsables gouvernementaux, ces mesures sont de la poudre aux yeux.

Pire, assurent des importateurs, leurs frais ont augmenté puisqu'ils paient maintenant les taxes mais aussi des intermédiaires pour éviter des mesures de rétorsion des barons de la corruption --possibles même avec tous les documents légaux en main.

« En fait, on paie double », résume un homme d'affaires arabe qui importe en Irak depuis plus de dix ans.

Les seuls pour lesquels rien n'a changé, ce sont ceux qui ont les bons contacts.

« On peut ramener des armes, tout ce qu'on veut à Mandali. Sans autorisation et sans payer les douanes », affirme un importateur qui a lui-même fait passer des matériaux de construction sans payer de taxes après les annonces de Kazimi.

Les nouvelles troupes dépêchées sur place n'ont aucun pouvoir, assure un soldat posté un temps à Mandali.

« Tous les policiers sont impliqués, les importateurs les inondent d'argent. Une fois, on a arrêté un corrompu et ils ont réussi à le faire sortir », raconte-t-il.

Et, ajoute le responsable de l'Autorité des frontières, il arrive que « les nouvelles troupes n'arrivent jamais » ou en nombre insuffisant.

« Fruit pourri »

Surtout, la nouvelle campagne ignore totalement le nœud du problème : les moukhalles.

Ils sont « toujours là et ce fruit pourri va corrompre tous les autres », assure le responsable.

De fait, la corruption s'est déplacée : des guichets elle est passée derrière des portes fermées et des appels téléphoniques vers des applications sécurisées.

A Mandali, « il y a un préfabriqué où tout peut se régler », affirme l'importateur.

Pour l'agent du renseignement, la récente campagne n'a fait que compliquer sa tâche : « maintenant, ils prennent plus de précautions ».

A l'aéroport de Bagdad, les brigades du Hezbollah --accusées par Washington de tirer régulièrement des roquettes sur son ambassade-- ont été formellement forcées de quitter leurs locaux, rapporte un haut gradé américain.

« Mais leurs hommes peuvent toujours accéder aux avions et faire ce qu'ils veulent » dans la zone hors taxe, poursuit-il.

In fine, les intermédiaires pourraient bientôt éviter les terminaux officiels pour faire passer les importations ailleurs le long des frontières.

Plus facile encore, ils peuvent se replier au Kurdistan irakien, où l'opacité règne sur les droits de douane et leur versement à Bagdad, affirment les différents acteurs interrogés.

« On parle de millions de dollars. Un seul dock à Oum Qasr vaut le budget d'un Etat tout entier », assène l'agent du renseignement.

« Ils ne cèderont pas facilement ».


Le prince héritier saoudien rassure la nation sur l’état de santé du roi lors d’une réunion du Conseil des ministres

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a présidé la réunion du cabinet mardi (Photo, SPA).
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a présidé la réunion du cabinet mardi (Photo, SPA).
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  • Le roi Salmane suit un traitement pour une inflammation des poumons
  • Le prince héritier a également informé le Conseil des ministres des résultats du sommet de la Ligue arabe

RIYAD: Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, a tenu des propos rassurants sur la santé du roi Salmane lors d’une réunion du Conseil des ministres aujourd’hui, rapporte l’agence de presse saoudienne (SPA).

Dimanche, le roi a subi des examens médicaux dans les cliniques royales du palais Al-Salam après avoir souffert de fortes fièvres et de douleurs articulaires, selon SPA.

On lui a diagnostiqué une inflammation des poumons et on lui a prescrit un traitement antibiotique au palais de Djeddah.

Le prince héritier a également informé le Conseil des ministres des résultats du sommet de la Ligue arabe, soulignant l’engagement du Royaume à l’égard des questions arabes, du développement de l’action commune, du renforcement de la sécurité régionale et de la défense des intérêts arabes.

Le ministre de l’Information, Salmane ben Youssef al-Dosari, a déclaré après la réunion que le Conseil avait discuté des activités récentes de l’État, en particulier des efforts visant à renforcer la coopération régionale et internationale.

Le Conseil a réaffirmé l’engagement du Royaume dans la coopération internationale en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la corruption.

Le Cabinet saoudien a également autorisé le ministre de l’Énergie, le prince Abdelaziz ben Salmane, à finaliser un protocole d’accord avec le Pakistan sur la coopération énergétique.

Le Cabinet a par ailleurs approuvé l’adhésion du Royaume à un accord international sur les zones humides d’importance internationale, notamment en tant qu’habitats pour les oiseaux d’eau.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Qui sont les chefs du Hamas visés par les mandats réclamés par le procureur de la CPI?

Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du mouvement islamiste palestinien Hamas basé à Doha, alors qu'il s'adresse à la presse à Téhéran le 26 mars 2024, et présumé chef militaire palestinien du mouvement radical Hamas, Mohammed Deif (au centre) et chef de Yahya Sinwar, l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza (Photo, AFP).
Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du mouvement islamiste palestinien Hamas basé à Doha, alors qu'il s'adresse à la presse à Téhéran le 26 mars 2024, et présumé chef militaire palestinien du mouvement radical Hamas, Mohammed Deif (au centre) et chef de Yahya Sinwar, l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza (Photo, AFP).
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  • Mechaal, M. Haniyeh, 60 ans, s'était fait connaître aux yeux du monde en 2006 en devenant Premier ministre de l'Autorité palestinienne
  • Chef des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche militaire du Hamas, c'est lui qui a annoncé dans un enregistrement diffusé par le mouvement, le 7 octobre au matin

JERUSALEM: Trois dirigeants du Hamas sont visés par des mandats d'arrêt réclamés par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés commis depuis l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien en territoire israélien le 7 octobre.

Voici leurs portraits:

Ismaïl Haniyeh, le leader politique:

Elu chef du bureau politique du Hamas en 2017 pour succéder à Khaled Mechaal, M. Haniyeh, 60 ans, s'était fait connaître aux yeux du monde en 2006 en devenant Premier ministre de l'Autorité palestinienne après la victoire surprise de son mouvement aux législatives.

Mais la cohabitation avec Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, fut de courte durée. Le Hamas l'a évincé par la force de la bande de Gaza en 2007, deux ans après le retrait unilatéral d'Israël de ce territoire.

M. Haniyeh, qui vit en exil volontaire entre le Qatar et la Turquie, plaide de longue date pour concilier résistance armée et combat politique au sein du mouvement, considéré comme "terroriste" par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël.

Connu pour son calme et son discours posé, M. Haniyeh, le visage rond encadré par une barbe poivre et sel, entretient de bonnes relations avec les chefs des différents mouvements palestiniens, y compris rivaux.

Il a été emprisonné à plusieurs reprises par Israël et expulsé pour six mois vers le sud du Liban.

Sur des images diffusées par les médias du Hamas peu après le déclenchement de l'attaque sanglante contre Israël, on peut voir M. Haniyeh discuter sur un ton jubilatoire avec d'autres chefs du Hamas, dans son bureau à Doha, en train de regarder le reportage d'une télévision arabe montrant des commandos du Hamas s'emparer de jeeps de l'armée israélienne.

Alors que plus de sept mois de guerre ont laissé des pans entiers de Gaza en ruines, M. Haniyeh a insisté à plusieurs reprises sur le fait que le groupe ne libérerait les otages que si les combats cessaient définitivement.

Mohammed Deif, le «chef d'état-major»?

Chef des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche militaire du Hamas, c'est lui qui a annoncé dans un enregistrement diffusé par le mouvement, le 7 octobre au matin, le début de l'opération "Déluge d'Al-Aqsa".

Sur l'enregistrement, illustré par une photo de Mohammed Deif dans la pénombre comme le fait toujours le Hamas pour qu'il ne soit pas identifié, on l'entend annoncer que "les positions et les fortifications de l'ennemi ont été visées par 5.000 roquettes et obus lors des 20 premières minutes" de l'attaque.

L'attaque a fait plus de 1.170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. Le Hamas a pris en otage 252 personnes.

Celui que le Hamas présente comme "le chef d'état-major de la résistance" est une cible pour Israël depuis de nombreuses années. Il a échappé à au moins six tentatives d'élimination connues.

La plus récente a eu lieu en 2014 lorsqu'un raid aérien israélien le visant dans la bande de Gaza a entraîné la mort de son épouse et de l'un de leurs enfants.

Depuis près de 30 ans, l'homme, né en 1965 dans le camp de réfugiés de Khan Younès (sud de la bande de Gaza), est mêlé aux coups les plus durs portés contre Israël: enlèvements de soldats, attentats suicide, tirs de roquettes...

Désigné en 2002 à la tête de la branche armée du Hamas, après la mort de son prédécesseur Salah Chéhadé, tué dans un raid israélien, Mohammed Deif a une longue histoire militante et clandestine entamée dans les années 1980.

En 2000, au début de la Seconde Intifada dans les territoires palestiniens contre l'occupation israélienne, il s'est échappé -- ou a été libéré -- d'une prison de l'Autorité palestinienne de Yasser Arafat. Au grand dam des Israéliens qui l'avaient dans le collimateur.

Juste après son accession au commandement des Brigades al-Qassam, il est la cible d'une tentative d'élimination par Israël dont il sort grièvement blessé, une paraplégie étant évoquée mais non confirmée.

Il gagne chez ses ennemis le surnom de "chat aux neuf vies" et devient aux yeux des Palestiniens une figure légendaire, aussi résolu dans son combat contre Israël que mystérieux.

Il a été inscrit en 2015 sur la liste américaine des "terroristes internationaux".


Syrie: l'épouse du président Bachar al-Assad atteinte de leucémie

Asma Assad, épouse du président syrien Bashar al-Assad (Photo, AFP).
Asma Assad, épouse du président syrien Bashar al-Assad (Photo, AFP).
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  • Elle a précisé que l'épouse du président syrien, âgée de 48 ans, allait subir un traitement spécialisé
  • En août 2019, l'épouse du président syrien, mère de deux garçons et d'une fille, avait annoncé être totalement guérie d'un cancer du sein

BEYROUTH: L'épouse du chef de l'Etat syrien Bachar al-Assad, Asma, qui s'était rétablie d'un cancer du sein, est atteinte de leucémie, a annoncé mardi la présidence du pays ravagé par 13 ans de guerre.

"Après avoir présenté différents symptômes et signes cliniques, et à la suite d'une série d'examens médicaux, la première dame, Asma al-Assad, a été diagnostiquée d'une leucémie myéloïde aiguë", a indiqué la présidence dans un communiqué.

Elle a précisé que l'épouse du président syrien, âgée de 48 ans, allait subir un traitement spécialisé pendant lequel elle allait renoncer à ses engagements publics.

En août 2019, l'épouse du président syrien, mère de deux garçons et d'une fille, avait annoncé être totalement guérie d'un cancer du sein au terme d'un an de traitement.

Elle apparaît souvent, selon les images sur les réseaux sociaux, rendant visite à des blessés de guerre ou menant des activités caritatives, comme elle a accompagné le président syrien au cours de ses récentes visites à l'étranger.

Qualifiée de "Rose du désert" par le magazine américain Vogue avant le déclenchement de la guerre en Syrie en 2011, Asma al-Assad a ensuite été vivement critiquée pour son silence face à la répression sanglante des manifestations prodémocratie puis de la rébellion.

Plus d'un demi-million de personnes ont été tuées depuis le soulèvement pacifique de 2011 qui a dégénéré en guerre civile et a morcelé la Syrie.

Née en 1975 en Grande-Bretagne d'un père cardiologue et d'une mère diplomate, Asma al-Assad travaillait avant son mariage pour JP Morgan à Londres, où elle avait fait la connaissance de Bachar al-Assad.

En 2000, il avait succédé à son père, Hafez al-Assad, à la mort de ce dernier, et Asma avait tenté de moderniser l'image de la première dame syrienne, avant l'éclatement de la guerre.

Elle a fondé l'organisation caritative Syria Trust for Development, basée à Damas et qui est l'une des rares organisations de ce type autorisées à travailler dans les zones contrôlées par le gouvernement.

Au cours des dernières années, elle a également consolidé son influence sur les milieux d'affaires syriens, selon ses détracteurs.

"Le secteur humanitaire en Syrie est devenu de plus en plus rentable, en particulier pour des personnes sanctionnées comme Asma", écrivait en 2023 la revue économique en ligne Syria report.

Elle fait l'objet de sanctions américaines depuis 2020 dans le cadre de la "loi César", aux côtés d'autres personnes et entités parmi lesquelles le président syrien et de nombreux membres de sa famille.

Elle avait alors été présentée par le secrétaire d'Etat américain de l'époque, Mike Pompeo, comme "l'une des plus célèbres profiteuses de la guerre en Syrie".

César est le pseudonyme d'un ex-photographe de la police militaire syrienne qui a fait défection en 2013 en emportant 55.000 images illustrant la brutalité et les abus commis dans les prisons syriennes.