La Covid-19 et l'essor des partenariats public-privé au Moyen-Orient

Des individus portant des masques protecteurs attendent des essais de vaccins au Centre national des expositions d'Abu Dhabi (Adnec), Émirats arabes unis, le 6 octobre 2020. (Reuters)
Des individus portant des masques protecteurs attendent des essais de vaccins au Centre national des expositions d'Abu Dhabi (Adnec), Émirats arabes unis, le 6 octobre 2020. (Reuters)
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Publié le Samedi 27 mars 2021

La Covid-19 et l'essor des partenariats public-privé au Moyen-Orient

 La Covid-19 et l'essor des partenariats public-privé au Moyen-Orient
  • Il y a aujourd’hui de plus en plus d’indicateurs qui confirment que les états ont soutenu l'innovation privée en s'associant aux entreprises plutôt qu'en les retenant
  • Toutes ces collaborations sont peut-être les premiers signes d'un allègement de l'influence de l'État dans les économies du Moyen-Orient

Il y a aujourd’hui de plus en plus d’indicateurs qui confirment que les états ont soutenu l'innovation privée en s'associant aux entreprises plutôt qu'en les retenant

Toutes ces collaborations sont peut-être les premiers signes d'un allègement de l'influence de l'État dans les économies du Moyen-Orient

Le président américain, Joe Biden, a promis le mois dernier 4 milliards de dollars (1 dollar = 0,85 euro) au programme mondial Covax, qui tente de distribuer des vaccins contre le coronavirus (Covid-19) à 92 pays à revenu faible et intermédiaire. À l’inverse de son prédécesseur et son slogan «L’Amérique d’abord». Il est important de souligner que cette déclaration n’est en aucun cas le seul fait des États-Unis, mais elle met en évidence les principales inégalités mondiales en matière de vaccins, les pays les plus pauvres étant laissés pour compte, en particulier ceux qui ont peu ou pas d’infrastructure de recherche médicale et de production.

Au cours de l'année écoulée, conscientes qu'elles appartenaient à la deuxième catégorie, certaines parties du Moyen-Orient – mais pas l'Iran – ont déployé des efforts intensifs pour combler cette lacune flagrante pour lutter contre la Covid-19. Alors que des analystes et universitaires affirment que les économies de certains pays du Moyen-Orient sont dominées par les revenus pétroliers générés par l'État, on observe une tendance récente à accroître le rôle du secteur privé, en particulier en Arabie saoudite, à Bahreïn et aux Émirats arabes unis (EAU). L’assouplissement des réglementations sur la propriété étrangère, des lois de résidence permanente plus généreuses, des allégements fiscaux et des subventions de l'État ont tous été déployés afin de développer des programmes toujours plus attractifs pour inciter les entreprises étrangères à se délocaliser. Ces mesures ont relativement porté leurs fruits.

En 2016, la Banque européenne d'investissement (BEI) a publié un rapport soulignant à quel point le faible soutien aux entreprises étouffait l'innovation et limitait le développement de l'industrie privée au Moyen-Orient. Cela, selon le rapport, explique pourquoi la région a un secteur privé relativement réduit – depuis longtemps une caractéristique des États du Moyen-Orient.

Néanmoins, cinq ans et une pandémie plus tard, il y a maintenant de plus en plus d’indicateurs qui confirment que les États ont soutenu l'innovation privée en s'associant aux entreprises plutôt qu'en les retenant, dans un effort conjoint pour lutter contre la Covid-19.

La pandémie de coronavirus, comme de nombreux autres aspects de la vie, a mis en avant l'importance des entreprises privées. Elles sont devenues des partenaires essentiels de l'État. À titre d’exemple, le programme mondial de vaccination, qui ne voit le jour que grâce à l'expertise du secteur privé, associée au soutien et à l'infrastructure de l'État. Dans les pays occidentaux, où c'est la norme depuis des siècles, c'est peut-être moins un prétexte à s’étonner. Cependant, au Moyen-Orient, cela pourrait marquer le développement d'une véritable nouvelle culture économique.

Au Moyen-Orient, des pays ayant une expérience plus limitée du partenariat public-privé ont déployé des efforts inédits. Aux EAU, par exemple, G42 Healthcare a ouvert la voie au développement d'essais cliniques et a une infrastructure de production de vaccins, deux premières pour une région qui disposait peu de capacités de recherche médicale avant la pandémie.

Le soutien du gouvernement a été crucial. Il a reconnu clairement le potentiel économique et social à long terme pour permettre à une entreprise comme G42 Healthcare de mettre en place cette infrastructure auparavant inexistante.

En Arabie saoudite, le Conseil des ministres a approuvé ce mois-ci la loi sur la participation du secteur privé (loi sur la PSP), qui vise à moderniser l’économie du pays en portant la contribution du secteur privé à 65 % du produit intérieur brut (PIB).

À Bahreïn, la collaboration entre les secteurs public et privé a été essentielle pour le développement de son application de test et de traçage de premier plan «BeAware», qui devrait devenir l'un des premiers passeports de vaccination du monde – une option que de nombreux pays sont susceptibles de prendre.

 

Il est de plus en plus évident que les États ont soutenu l'innovation privée en s'associant aux entreprises plutôt qu'en les retenant.

Dr Majid Rafizadeh

 

Toutes ces collaborations, avec l'État qui reconnaît la nécessité d'un soutien du secteur privé comme jamais auparavant, sont peut-être les premiers signes d'un allègement de l'influence de l'État dans les économies du Moyen-Orient.

Bien entendu, le Moyen-Orient n'est en aucun cas la seule région à proposer des études de cas de partenariats public-privé efficaces liés au virus. Cependant, le souhait longtemps exprimé, mais rarement exaucé, de voir le secteur privé jouer un plus grand rôle dans les économies de la région a peut-être finalement connu un tournant décisif en raison de la pandémie. Les avantages sont évidents: il appartient désormais à chaque État de s’assurer qu’il n’inverse pas la courbe des progrès réalisés.

 

• Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. C’est un expert de premier plan de la politique étrangère de l'Iran et des États-Unis, un homme d'affaires et président de l'International American Council. Il siège aux conseils d'administration de la Harvard International Review, du Harvard International Relations Council et de l'US-Middle East Chamber for Commerce and Business. Twitter: @Dr_Rafizadeh

 

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