BERLIN, Allemagne : Les parlementaires allemands ont approuvé vendredi le plan de relance post-Covid de l'UE, étape cruciale dans la ratification de ce fonds de 750 milliards d'euros financé par une dette commune inédite.
Le Bundesrat, la chambre haute du Parlement, a adopté ce plan vendredi matin, après le Bundestag (chambre basse) jeudi, un signal fort dans un pays longtemps opposé à tout mécanisme d'endettement commun au sein de l'Union européenne.
"Ce vote est un signal clair pour une Europe solidaire et forte", s'est félicité le ministre allemand des Finances Olaf Scholz.
Pour pouvoir être pleinement ratifié, le texte de loi sur le fonds doit encore être paraphé par le chef de l'Etat allemand, Frank-Walter Steinmeier.
Cette signature risque néanmoins d'être retardée car l'extrême droite allemande a annoncé son intention de déposer un recours.
La Cour constitutionnelle devrait dans ce cas au préalable se prononcer sur la compatibilité du projet avec la Loi fondamentale allemande, qui fixe des limites très strictes à tout ce qui peut ressembler à une mise en commun des dettes publiques en Europe.
Âprement négocié l'été dernier par les Vingt-Sept de l'UE, ce fonds est destiné à faire face aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 en Europe.
Il repose sur un mécanisme sans précédent de dette commune à tous les Etats membres, et une partie de l'argent sera versée sous forme de subventions (312,5 milliards), notamment aux pays ayant subi le plus lourd impact.
Cartes rebattues
Le vote des parlementaires allemands était très attendu: le pays a été pendant longtemps farouchement opposé à toute dette commune en Europe, craignant que les Etats les plus endettés ne profitent injustement des efforts financiers des pays rigoureux.
Mais la pandémie de coronavirus, qui frappe durement l'économie européenne, a rebattu les cartes. Et la chancelière Angela Merkel a fini par se rallier à cette idée défendue depuis longtemps par la France en particulier.
Après plusieurs semaines de discussions, marquées par de vives tensions avec les pays dits "frugaux", menés par l'Autriche, et réticents face à ce mécanisme, le plan a été adopté l'été dernier.
Il a été entériné formellement vendredi dernier par les institutions européennes après l'ultime feu vert des eurodéputés mercredi.
Désormais, le programme doit encore être ratifié par l'ensemble des Etats membres. La Commission européenne a appelé à "accélérer" ce processus.
D'autant que la pandémie n'en finit pas et continue de frapper l'économie européenne, où la campagne vaccinale a pris du retard.
Le président français Emmanuel Macron a d'ailleurs estimé jeudi que l'Europe devra "améliorer" et "compléter" ce plan, pour que la relance soit "plus vigoureuse", fustigeant la lenteur des institutions européennes.
Le commissaire européen au Budget Johannes Hahn a de son côté promis cette semaine, dans une interview au quotidien allemand Die Welt, que les premiers emprunts seraient effectués dès "le début du deuxième trimestre" de cette année.
La Cour suprême allemande suspend la ratification du plan de relance de l'UE
La Cour constitutionnelle allemande a suspendu vendredi le processus de ratification du Fonds de relance européen face à l'impact de la pandémie, en raison d'un recours contre ce mécanisme basé sur une dette commune.
L'instance suprême "a décidé que le texte de loi" sur ce plan, qui venait d'être approuvé par les parlementaires, "ne devait pas être paraphé par le chef de l'Etat" dans l'attente d'une décision sur ce recours en référé, selon un communiqué de la Cour.
Ce délai intervient alors que les deux chambres du Parlement national venaient tout juste d'approuver le texte de loi.
Il risque donc de ralentir encore la mise en place de ce Fonds doté de 750 milliards d'euros, au moment où la pandémie se prolonge en Europe et continue à affecter durement des pans entiers de l'économie.
C'est la mise en commun inédite des dettes des pays européens que contestent les initiateurs du recours devant la Cour constitutionnelle allemande.
L'extrême droite allemande, le parti AfD, a aussi annoncé son intention d'attaquer le Fonds pour inconstitutionnalité.
Les opposants au texte estiment que la Loi fondamentale allemande interdit au pays de partager le fardeau de la dette avec d'autres Etats.
Ils y voient une politique de "transfert financier" inacceptable des pays supposés budgétairement vertueux, vers des pays perçus comme laxistes.
La décision de la Cour sera donc très suivie.
Elle a déjà été saisie à plusieurs reprises dans le passé sur des questions similaires, liées cette fois aux mesures de soutien à l'économie de la Banque centrale européenne, installée à Francfort (ouest).
Les juges suprêmes ont jusqu'ici toujours fini par les accepter, mais avec de plus en plus de réserves, signifiant qu'on était à leurs yeux aux limites de ce qui est juridiquement possible en Allemagne.
Le délai imposé par la Cour est un coup dur pour le gouvernement de la chancelière Angela Merkel. Elle a soutenu à bout de bras ce Fonds avec le chef de l'Etat français Emmanuel Macron l'an dernier, brisant un tabou dans son pays.