L'UE prête à renouer avec Ankara mais pose des conditions à Erdogan

Des manifestants lors d'un rassemblement sur la place Schuman pour protester contre le retrait de la Turquie de la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique à Bruxelles, le 25 mars 2021. (Photo, AFP)
Des manifestants lors d'un rassemblement sur la place Schuman pour protester contre le retrait de la Turquie de la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique à Bruxelles, le 25 mars 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 26 mars 2021

L'UE prête à renouer avec Ankara mais pose des conditions à Erdogan

  • Les dirigeants de l'UE ont approuvé une démarche « progressive, conditionnelle et réversible afin de renforcer la coopération dans un certain nombre de domaines d'intérêt commun »
  • L'UE est prête à engager la modernisation de l'Union douanière, à reprendre le dialogue à haut niveau et à négocier des facilités de visas pour les ressortissants turcs

BRUXELLES : L'Union européenne a demandé jeudi au président Recep Tayyip Erdogan des gages pour relancer ses relations avec la Turquie et a placé Ankara sous surveillance jusqu'au mois de juin pour marquer sa désapprobation face à la détérioration des droits et des libertés.

Les dirigeants de l'UE réunis en sommet ont approuvé une démarche « progressive, conditionnelle et réversible afin de renforcer la coopération dans un certain nombre de domaines d'intérêt commun », indique la déclaration approuvée par les dirigeants.

« Nous avons un cadre pour améliorer nos relations, mais il est indispensable que la Turquie modère son comportement. Nous restons donc prudents », a expliqué le président du Conseil européen Charles Michel à l'issue du sommet.

L'UE est prête à engager la modernisation de l'Union douanière, à reprendre le dialogue à haut niveau et à négocier des facilités de visas pour les ressortissants turcs. Et une visite « en avril » est en préparation avec Ankara, a annoncé Charles Michel.

« Mais si la Turquie mène à nouveau des actions unilatérales et se livre à des provocations, nous suspendrions les mesures de coopération », a-t-il averti.

La Turquie a critiqué dans la soirée les conclusions du sommet de l'UE, tout en promettant de répondre par « des pas positifs » aux éventuels gestes des Vingt-Sept.

« Même si la nécessité d'un agenda positif a été souligné, il a été constaté que le rapport a été écrit d'un point de vue unilatéral et sous l'influence des allégations étroites d'esprit de quelques pays membres », a déclaré le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué.

Les Européens souhaitent normaliser les relations avec la Turquie après une année de tensions. Mais ils demandent au président turc Recep Tayyip Erdogan des actes, notamment le règlement de ses contentieux avec la Grèce et Chypre, le retrait de Libye et le respect des droits fondamentaux dans son pays.

En raison d'une nouvelle vague de contaminations par la Covid-19, le sommet s'est déroulé en visioconférence, une formule qui ne permet pas les débats.

Les conclusions sur la Turquie préparées par Charles Michel ont été approuvées avant l'intervention du président américain Joe Biden. 

Invité à se joindre aux dirigeants européens, M. Biden s'est connecté à 20h45 (19h45 GMT) pour un échange sur la lutte contre la pandémie et la reconstruction de la relation entre l'UE et les Etats-Unis, mise à mal par Donald Trump.

L'administration américaine est également en froid avec Ankara. Mais les Américains comme les Européens refusent de couper les ponts avec Ankara.

La Turquie est d'une « importance stratégique » pour les Européens, a insisté la chancelière allemande Angela Merkel.

Ankara a accepté de contrôler ses frontières avec l'UE pour empêcher les passages illégaux de migrants et de réfugiés par son territoire et accueille depuis 10 ans près de 4 millions de Syriens qui ont fui le conflit dans leur pays.

L'UE prépare la poursuite des financements pour les Syriens en Turquie, au Liban et en Jordanie.

« Pas être naïfs »

Mais les Européens ont été échaudés par le comportement jugé « agressif » du président turc au cours de l'année 2020 et n'ont pas totalement confiance en lui.

« Nous observons une absence de signaux négatifs depuis le début de l'année, mais personne n'est naïf, car plusieurs facteurs expliquent ce comportement: le changement de président aux Etats-Unis, la fragilité de l'économie turque et les conséquences des possibles sanctions européennes », a expliqué un diplomate européen à l'AFP.

La décision du président turc de quitter la convention d'Istanbul contre les violences sexistes, au lendemain d'un entretien avec Charles Michel et avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, a été vécue comme un camouflet.

Angela Merkel a déploré « un signal très, très regrettable ».

« Les questions liées à l'état de droit sont dans l'ADN de l'UE et sont parties de discussions avec la Turquie », a assuré Charles Michel.

Le président turc a été invité à éviter tout comportement hostile à l'égard des Etats membres, alors que des échanges acrimonieux ont repris mercredi entre Ankara et Paris après l'accusation lancée par le président Emmanuel Macron de futures tentatives d'ingérence de la Turquie dans la prochaine élection présidentielle en France.

« Une vigilance accrue va être observée pendant les prochains mois afin de déterminer en juin si les conditions sont réunies pour renouer », a expliqué le diplomate.

« Si un recul est constaté, l'UE saura défendre ses intérêts. Les instruments sont prêts », a-t-il assuré. Le rapport préparé par le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell cite plusieurs options, dont des sanctions pour le secteur du tourisme.


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.