PARIS : Le président Emmanuel Macron a soutenu jeudi son ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a accusé la mairie de Strasbourg de « financer une ingérence étrangère en France », déplorant des « collectivités peut-être un peu trop complaisantes ».
« Il y a l'existence de groupes constitués, l'existence de groupes politiques sur le continent européen, qui sont eux, aujourd'hui, activés par des organes de propagande officielle », a affirmé le président en réponse à une question sur des « ingérences » de la Turquie lors d'une prise de parole depuis l'Elysée.
« Parfois ils se mêlent de nos élections, d'autres fois ils se mêlent de financement d'associations. Nous l'avons encore vu ces derniers jours avec les alertes légitimes faites par le ministre de l'Intérieur à l'égard de quelques collectivités territoriales, peut-être un peu trop complaisantes », a-t-il déclaré à l'issue d'un Conseil européen.
Le président faisait allusion au financement par la municipalité de Strasbourg du chantier d'une mosquée soutenue par une association pro-turque appelée Confédération islamique Millî Görüs (« Vision nationale », en turc), qui a donné lieu à un bras de fer entre le ministre de l'Intérieur et la maire EELV, Jeanne Barseghian.
M. Darmanin, qui souligne « l'islam politique » de Millî Görüs, a dit avoir averti en janvier « élus locaux » et « services de la préfecture de tentatives d'ingérences extrêmement fortes » en France, « notamment de la part de la Turquie ».
Dans un courrier adressé à Emmanuel Macron et rendu public mercredi, la maire de Strasbourg a réfuté toute « mise en garde ».
Pour leur part, les présidents LR de la Région Grand Est et de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA) ont déclaré ne pas être favorables au financement par leur collectivité du chantier de la mosquée.
« Aujourd'hui, je n'ai aucun dossier, aucune demande » de la part de la Confédération islamique Millî Görüs , mais « nous ne soutiendrons en tout cas pas la construction de ce bâtiment cultuel », a déclaré à des journalistes le président du Conseil régional du Grand Est, Jean Rottner, à Mulhouse.
Millî Görüs « revendique » de ne pas avoir signé la charte des principes pour l'islam de France, (qui affirme la « compatibilité » de la foi musulmane avec la République), et "ça me dérange", a poursuivi M. Rottner.
« J'ai eu des alertes de la part de Gérald Darmanin (...) le 15 janvier lors de sa venue en Alsace », a indiqué de son côté Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA), qui fusionne depuis le 1er janvier les conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Sans entrer « précisément dans le détail », le ministre avait souligné que l'association porteuse du projet « n'était pas respectueuse des principes de la République », a ajouté M. Bierry.
« Je ne serai pas favorable personnellement au financement de ce projet si nous étions sollicités » : « les Finances publiques légitimeraient » alors « une mouvance à la droite d'Erdogan qui aujourd'hui méprise la démocratie et méprise la France », a déclaré M. Bierry.
La préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier, a aussi indiqué mercredi avoir alerté Jeanne Barseghian sur ce projet.
Le président de la Confédération islamique Millî Görüs France, Fatih Sarikir, a estimé que M. Darmanin tenait « des propos ambigus et inexacts en nous accusant de faire de "l'islam politique" et d'être des "pro turc" ».
Il a rappelé les « réticences » de plusieurs conseils régionaux du culte musulman (CRCM) et de « centaines » de mosquées face à la Charte « dans son état actuel », ratifiée « seulement » par cinq des neuf fédérations du Conseil français du culte musulman (CFCM).
Le conseil municipal de Strasbourg a voté lundi le « principe d'une subvention » de 2,5 millions d'euros destinée au chantier de la mosquée Eyyub Sultan.
Un versement qui doit faire l'objet d'un second vote et reste conditionné à la présentation par Millî Görüs d'un plan de financement transparent.