PARIS: « Tu peux m'aider à me tuer ? ». Comme Yoann, 15 ans, nombre d'adolescents redoutent de nouvelles restrictions liées à l'épidémie de Covid-19, qui les plongeraient davantage dans une souffrance psychique, que le gouvernement veut mieux prendre en charge avec un nouveau plan.
Comme beaucoup d'adolescents, la vie de ce lycéen de 15 ans tourne « autour des copains et du sport », confie sa mère, Johanne (les prénoms ont été changés, ndlr). Alors, l'an dernier ; lorsque le confinement total a imposé de vivre reclus, l'expérience a viré au cauchemar pour le lycéen : Yoann « dépérissait, n'avait envie de rien, mangeait moins... il était différent », se souvient, émue, cette cadre commerciale de 48 ans.
« Un jour, il a débarqué dans la chambre, une corde autour du cou et a dit : Tu veux pas m'aider à me tuer ? ».
Yoann « a besoin de faire du sport, c'est sa passion. Et le fait de ne plus en faire, ça a été dur... ». Depuis, « avant chaque annonce du gouvernement, il répète qu'il espère qu'on n'arrêtera pas le sport », confie sa mère.
Les gens « sont à bout »
A l'heure de nouvelles mesures restrictives dans 16 départements, le psychiatre Serge Hefez a fait part de ses « inquiétudes » tant les gens « sont à bout », « surtout les jeunes ».
Ces dernières semaines, ce responsable de l'unité de thérapie familiale à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière a assisté à une « augmentation de la symptomatologie » chez les plus jeunes : « crises d'angoisse, scarifications, violences, comportements addictifs... » Et il constate « une hausse des tentatives de suicide, y compris pour des enfants âgés de 8 ou 10 ans ».
« Même si c'est un confinement un peu light, il aura des conséquences et les centres médico-psychologiques et services hospitaliers tirent la sonnette d'alarme », s'inquiète-t-il.
Au total, près des deux tiers des 18-25 ans (61%) estiment que la crise sanitaire aura des conséquences négatives sur leur santé mentale, selon un sondage, réalisé en janvier par l'institut Ipsos pour la Fondation Fontamental, réseau de chercheurs sur les maladies psychiatriques.
Interrogés spontanément, près d'un jeune sur trois (32%) déclare être personnellement concerné par au moins un des troubles suggérés : dépression, anorexie, troubles obsessionnels compulsifs, phobies, troubles anxieux, etc.
Vers un nouveau plan
Un mois et demi après l'entrée en vigueur d'un « chèque psy » pour les étudiants (trois séances gratuites chez un professionnel après avis d'un généraliste), plusieurs ministres se réunissent lundi à Matignon autour de Jean Castex pour ébaucher un plan censé améliorer la prise en charge des troubles psychiques chez les adultes et les enfants.
Les professionnels, eux, redoutent d'être davantage dépassés par la demande de soins, déjà importante. Il faudrait « recruter des psychologues, ouvrir des centres médico-psychologiques, rénover des locaux », plaide Marion Angel Salis, psychologue en Seine-Saint-Denis.
A l'instar des professionnels, les associations sont également prises d'assaut comme Nightline - une ligne d'écoute (01 88 32 12 32) et un tchat, tenus par des étudiants pour les étudiants. Bénévole, Benoît estime « en moyenne à 40 contacts par nuit en ce moment », et des « pics d'appel les soirs d'annonces du gouvernement ».
« Il y a des gens qui veulent simplement raconter leur journée, d'autres qui évoquent des troubles relationnels avec leurs familles ou amis, des problèmes de couple ou des idées noires », dit-il avec pudeur pour évoquer le suicide.
« Il y a un avant et un après confinement » pour les familles, estime Angel Salis. « Pour certaines, cela a été une période de retour à l'entre-soi, on s'est recentré et cela a été bénéfique. Mais pour d'autres, très nombreuses, cette période a engendré beaucoup de souffrances (...) et les enfants ont particulièrement souffert des restrictions et de l'absence de l'école », constate-t-elle.
Arnaud, 45 ans, se souvient encore des nombreuses crises de larmes incontrôlées de sa fille de 12 ans pendant le confinement.
Habituellement joviale, elle « avait un mal-être un peu global. On avait l'impression que rien n'allait, mais sans comprendre vraiment ni quoi, ni pourquoi », raconte-t-il. « La puberté est déjà une période difficile, mais le manque de contacts, d'activités extérieures et l'école à la maison sont venus tout compliquer ».