DUBAÏ: Réduire la dépendance excessive vis-à-vis du pétrole est depuis longtemps l’objectif des décideurs économiques de l’Arabie saoudite et du reste des États du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Toutefois, les revenus que les gouvernements régionaux tirent des exportations de brut demeurent fondamentaux.
Une nouvelle étude de Farouk Soussa, économiste chez Goldman Sachs, montre à quel point ce revenu est important, en particulier dans le climat actuel de hausse des prix du pétrole.
Le brut Brent a récemment atteint un pic, revenant au-dessus du niveau de 70 dollars (58,67 euros) le baril qu’il affichait quelque temps avant que la pandémie de Covid-19 ne soit officiellement déclarée, grâce au contrôle strict de l'offre par l'alliance Opep+.
L'effet à moyen terme sur les soldes publics du CCG à partir de ce niveau de prix est significatif, principalement parce que les gouvernements n’ont que partiellement réussi à limiter leur dépendance économique vis-à-vis du produit de base.
«En moyenne, la proportion des revenus du gouvernement qui proviennent directement des activités pétrolières dans le CCG a chuté de 20% du total au cours de la dernière décennie, mais elle plafonne à 60%», déclare M. Soussa.
Certains décideurs politiques régionaux ont jugé la notion de «seuil de rentabilité» du pétrole controversée; mais M. Soussa souligne qu'il fait partie de la vie économique. «Les seuils de rentabilité dépendent de paramètres politiques plus larges tels que les dépenses publiques et les taux de production pétrolière, mais ils sont également tributaires des politiques de diversification», explique-t-il.
Le seuil de rentabilité des budgets budgétaires est calculé à 70 dollars le baril dans le CCG, tandis que celui du commerce extérieur est inférieur, s’élevant à 50 dollars environ.
«Les trois pays qui, jusqu’à présent, ont introduit la TVA sont ceux qui ont le mieux réussi à diversifier leurs revenus, l'Arabie saoudite surpassant considérablement ses pairs.»
Farouk Soussa, économiste chez Goldman Sachs
Si les niveaux de prix actuels se maintiennent à court ou moyen terme, l'effet sur les économies régionales serait significatif et pourrait commencer à se manifester dès cette année. Les budgets établis au mois de décembre prévoyaient un prix du pétrole d'environ 50 dollars le baril, prix largement dépassé au premier trimestre. Goldman Sachs prévoit une moyenne de 73 dollars le baril en 2021.
Cela donne aux décideurs une marge de manœuvre importante. Malgré tous les discours récents sur la fuite des réserves de change des gros budgets et l’augmentation de la dette, il est remarquable de voir à quel point ces indicateurs réagissent à une hausse, même modeste, du prix du brut.
M. Soussa estime que le CCG devrait emprunter un total de 270 milliards de dollars (soit 226 milliards d’euros) au cours des trois prochaines années si le Brent reste à 45 dollars le baril, mais que cela se réduirait pratiquement à 65 dollars le baril – un besoin d'emprunt de 10 milliards de dollars.
Cela pourrait se traduire par l’inversion des déficits budgétaires, ou par le fait que les décideurs pourraient continuer à enregistrer des déficits aux niveaux actuels et à emprunter de l'argent pour financer les grands programmes d'investissement tels que la stratégie Vision 2030 de l'Arabie saoudite, qui a pour objectif d’accélérer la diversification afin de moins dépendre du pétrole.
M. Soussa souligne également le succès apparent de l'introduction de la TVA dans l'équation économique de la région, et le rôle qu’elle a joué dans la diversification des recettes publiques.
«Les trois pays qui, jusqu’à présent, ont introduit la TVA sont ceux qui ont le mieux réussi à diversifier leurs revenus, l'Arabie saoudite surpassant considérablement ses pairs et réduisant de près de moitié la part du pétrole dans les revenus totaux», explique-t-il, mettant en exergue le système de la taxation «proactive» du Royaume, qui a porté la TVA à 15% au plus fort des confinements de la pandémie de Covid-19, l'été dernier.
Quelles que soient les incursions futures dans d'autres formes de taxation dans le CCG, le prix du brut restera l'indicateur le plus important de la santé économique régionale des prévisions d’avenir.
C'est un cercle vertueux économique: la hausse des prix du pétrole donne aux décideurs les ressources nécessaires pour éviter une augmentation des prix du pétrole.