PARIS: Des accents libéraux du début au « quoi qu'il en coûte », la crise Covid a bouleversé le quinquennat Emmanuel Macron, qui doit, en vue de 2022, concilier ses nouvelles orientations et ses promesses réformatrices initiales.
Comme un virus dans le logiciel : un an après avoir ordonné un confinement historique du territoire, le chef de l'Etat a dû infléchir en profondeur son agenda politique. Peut-être une chance de se « réinventer » pour celui qui n'a jamais su réellement convaincre l'opinion de sa capacité à « protéger » autant que « libérer », selon le mantra de sa campagne de 2017.
Voilà les mannes de l'Etat-providence réhabilitées par un président qui avait professé la rigueur budgétaire à son arrivée à l'Elysée, tout en enclenchant des mesures polémiques (réforme de l'ISF, baisse annoncée des aides au logement) qui avaient encodé le quinquennat à droite.
Mais « la perception de Macron ‘président des riches’ s'est écroulée » à la faveur de la crise, assure un de ses proches. « Et c'est le 'quoi qu'il en coûte' qui a changé ça », veut croire le même, en référence aux dizaines de milliards d'aides en tout genre injectés pour circonscrire les dégâts économiques et sociaux de la crise.
Désormais au volant d'un plan de relance de 100 milliards, observant du coin de l'œil le compteur de la dette défiler à grande vitesse, Macron s'est également mué en chantre de la souveraineté nationale - et plus seulement européenne comme il le vantait jusqu'ici.
Une manière de renouer avec ses premières amours politiques, pour celui qui vota en 2002 pour le souverainiste de gauche Jean-Pierre Chevènement et a affirmé dans L'Express à Noël que les Français avaient la « volonté farouche, absolue » de « reprendre le contrôle (...) de la France comme nation ».
Masques, vaccins, médicaments... La crise a effectivement projeté une lumière crue sur la dépendance de la France, une faille que Macron ne compte pas laisser à ses concurrents en vue de la prochaine élection présidentielle.
« La crise a ramené le collectif sur le dessus de la pile », analyse le patron de La République en marche Stanislas Guerini.
« Discours de raison »
« En 2017, la volonté était de donner à chacun les moyens de réussir sa vie », en se focalisant sur l'émancipation individuelle. « Aujourd’hui, la dynamique c’est de prendre en main notre destin collectif et dire où l’on va en tant que nation », poursuit-il.
À un an d'une nouvelle échéance présidentielle, comment Macron va-t-il articuler ce nouvel ‘en même temps’ pour tenir tous les bouts de son électorat, alliant par exemple largesses et sérieux budgétaires, et ce sans choc fiscal ?
« Il y a un discours de raison à porter. Si on n'avait pas fait des efforts ces trois dernières années, on n'aurait pas pu s'endetter par tonneaux », avance ainsi le député LREM Roland Lescure, président de la Commission des affaires économiques, tout en appelant à « un certain nombre de règles, de la discipline sur les dépenses de fonctionnement dans le quinquennat suivant ».
Élu en 2017 sur une promesse de transformation, Macron doit aussi trouver un débouché pour ses grandes réformes (retraites, dépendance, assurance chômage) suspendues ou rabotées par la crise de la Covid et dont on ne sait si elles seront ranimées avant 2022.
La question se pose aussi de la place de l'Europe dans son discours. Marqueur fort de sa campagne 2017, la coopération européenne a montré autant de forces pour établir un plan de relance commun que de limites sur la vaccination. En ce sens, peut-il réellement compter sur la présidence française de l'UE à partir du 1er janvier 2022 pour insuffler une dynamique à sa campagne ?
Enfin, reste la dimension régalienne, sur laquelle Macron peine à être identifié. Un créneau toujours préempté par la droite ou l'extrême droite et pour lequel l'entourage du chef de l'Etat prône « un ressaisissement » à venir, en s'appuyant sur les textes sécuritaires de 2021 qui devraient imprégner l'opinion.