PARIS: Un « hôtel cinéma » ou une terrasse offrant une vue à 360 degrés sur les monuments de la capitale : pour survivre à une crise sanitaire qui l'a privée de ses deux piliers, les touristes étrangers et les voyages d'affaires, l'hôtellerie doit séduire les Parisiens avec des expériences inédites.
Une révolution pour les hôtels, en particulier sur le segment du luxe, selon l'homme d'affaires Laurent Taïeb, car « les palaces qui ont ouvert dans la capitale ces dernières années avaient tourné le dos aux Parisiens... or depuis la Covid, ça n'est plus possible ».
Après avoir « grandi aux Puces » et créé une dizaine de lieux dont le restaurant Kong et le café Le Trésor, il mène à bien deux projets d'envergure : les tours Duo dessinées par Jean Nouvel, et le Grand Hôtel de la Poste : ce cinq étoiles de 82 chambres ouvrira en 2022 après cinq ans de travaux, au cœur du 1er arrondissement, dans les murs de l'ancienne et monumentale « Grande poste de Paris », datant de 1886.
Deux restaurants, un jardin arboré et un bar sur le toit offrant une vue à 360 degrés -réservée aux clients de l'hôtel- sur tous les monuments de la capitale, y seront accessibles à la clientèle locale que l'hôtelier veut capter.
Dotées de verrières comme des ateliers d'artistes, les chambres offriront une vue « à la Doisneau » sur la ville, espère Taïeb, qui juge « très important que les Parisiens se sentent bien dans ce lieu : ils auront un tarif préférentiel, pour venir passer un week-end en amoureux ».
Cette réorientation est vitale pour le secteur : l'an dernier, la pandémie de Covid-19 a provoqué « une chute vertigineuse des recettes de l'industrie hôtelière » et les professionnels, prudents, n'anticipent pas un retour à un niveau pré-Covid avant « 2023 ou 2024 », a rapporté Béatrice Guedj, directrice de la recherche et de l'innovation au sein de Swiss Life Asset Management, lors de la conférence annuelle sur l'hôtellerie d'In Extenso.
Ainsi « dans les deux ans à venir, les hôteliers vont-ils devoir opérer un repositionnement pragmatique », car « une partie des touristes ne seront pas de retour aussitôt ».
« Remède à la mélancolie »
Même ambition pour le Paradiso qui vient d'ouvrir : ce premier « hôtel-cinéma » a été créé au-dessus du flambant neuf cinéma mk2 Nation, dans l'est parisien, par les frères Karmitz, Nathanaël et Elisha, à la tête du groupe cinématographique mk2.
Equipées et insonorisées comme des salles obscures, les chambres deviennent des espaces de projection privée à l'écran déployé face au lit, tandis qu'une « loge cinéma » privatisable offre une vue plongeante sur l'écran d'une des salles du mk2 Nation. Aux beaux jours, un toit-terrasse offrira des projections en plein air.
« L'hôtel Paradiso c'est une expérience : vous venez pour une programmation faite pour vous par les équipes de mk2, mais vous pouvez aussi regarder le film ou la série de votre choix, jouer à la PS5 dans des conditions exceptionnelles, avec des projecteurs laser. Et les deux suites ont une salle de cinéma privée, où vous pouvez, de votre tablette, lancer n'importe quel film à l'affiche en salles : c'est carrément unique », dit Elisha Karmitz.
Accès à l'offre de films et séries de plateformes (Netflix, Carlotta, my Canal, Disney+...) mais aussi aux jeux vidéo de la Playstation 5 grâce à un partenariat avec Sony : tout est fait pour séduire une clientèle cinéphile jeune et urbaine.
Quelque 2 500 DVD et 500 livres de cinéma, des expositions d'affiches, deux fresques de l'artiste JR représentant Harold Lloyd suspendu aux aiguilles d'une horloge et le Kid de Chaplin, le vin californien du cinéaste Francis Ford Coppola, les crèmes glacées du glacier parisien Raimo... ou encore du popcorn livré chaud depuis les salles du rez-de-chaussée, complètent l'ambiance.
En plein confinement, « c'est un remède à la mélancolie qu'on peut avoir, du cinéma ou des sorties culturelles » explique Nathanaël Karmitz. « Accueillir les gens dans leur propre ville avec une offre différente, hybride, c'est aussi une très belle manière de voyager ».