Réouverture de la mosquée de Pantin: bras de fer avec le ministère de l’Intérieur

Une vue de la Grande Mosquée de Pantin qui a fermé suite à une demande du préfet, dans la banlieue nord-est de Paris le 20 octobre 2020. Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Une vue de la Grande Mosquée de Pantin qui a fermé suite à une demande du préfet, dans la banlieue nord-est de Paris le 20 octobre 2020. Christophe ARCHAMBAULT / AFP
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Publié le Mardi 09 mars 2021

Réouverture de la mosquée de Pantin: bras de fer avec le ministère de l’Intérieur

  • On reproche à la mosquée d’avoir laissé publier sur sa page Facebook le témoignage du père d’une élève, indigné par les caricatures que Samuel Paty a montrées à sa classe pendant un cours sur la liberté d’expression
  • « Ce gouvernement est complètement perdu, et subit l’influence de l’extrême droite »

PARIS: La grande mosquée de Pantin, en banlieue parisienne, fait l’objet depuis la mi-octobre d’un bras de fer entre le ministère de l’Intérieur et le recteur de la mosquée, M’hammed Henniche.

Cette mosquée a fait l’objet d’un arrêté de fermeture préfectoral, après l’émoi et l’horreur suscités par la décapitation de l’enseignant Samuel Paty au collège de Conflans-Sainte-Honorine, parce qu’il avait montré à ses élèves des caricatures du Prophète.

L’arrêté préfectoral s’appuie sur «les liens de la mosquée avec le salafisme» et sa fréquentation par des personnes «impliquées dans la mouvance djihadiste».

En clair, on reproche à la mosquée d’avoir laissé publier sur sa page Facebook le témoignage du père d’une élève, indigné par les caricatures que Samuel Paty a montrées durant un cours sur la liberté d’expression.

Cependant, les différentes mesures adoptées par les responsables de la mosquée n’ont pas convaincu les autorités d’autoriser sa réouverture. Cette position suscite l’incompréhension et l’indignation de M’hammed Henniche qui estime que les autorités veulent faire de sa mosquée un exemple.

Une démonstration de force

Interrogé par Arab News, le recteur souligne: «Le problème, c’est que nous en avons fait plus que ce qu’on nous a demandé, même beaucoup plus, mais finalement nous avons compris que cela n’avait servi à rien.» Ce gouvernement, dit-il, est dans «une démonstration de force qui prouve qu’il est violent, et dur envers les musulmans». «Ils nous ont dit que la mosquée pourrait rouvrir si on changeait d'imam et si on s’engageait à contrôler notre page Facebook».

L’imam de Pantin, Ibrahim Coudouré, considéré par les autorités françaises comme salafiste, a posté la vidéo du père mettant en cause Samuel Paty.

Samuel Paty est décapité le 16 octobre et l’élève, mise en examen depuis le 25 novembre, a avoué il y a deux jours, qu’elle avait menti et qu’elle n’était pas présente au cours de l’enseignant sur la liberté d’expression.

M’hammed Henniche réfute le salafisme attribué à l’imam, il estime qu’il est plutôt rigoriste, et qu’aucune loi ne l’interdit. Pour tenter de sauver la mosquée fréquentée par environ 1 200 fidèles, Ibrahim Coudouré a toutefois décidé de démissionner.

L’imam, poursuit M’hammed Henniche, a démissionné, la page Facebook a été bloquée et fermée et «de surcroît, on a indiqué aux autorités qu’on allait installer des caméras de surveillance à l’intérieur et à l’extérieur de la mosquée».

«Les autorités ont réclamé mon départ»

Ces caméras devaient permettre à la police de surveiller de près les personnes qui fréquentent le lieu, et de contrôler le contenu des prêches durant les prières.

Ibrahim Coudouré a été remplacé par un imam issu de la Grande Mosquée de Paris, traditionnellement reconnue par les autorités françaises.

«Nous avons informé les autorités de tout ce que nous avons fait, et nous avons demandé si la mosquée pouvait ouvrir» affirme le recteur, mais la réponse a été négative.

Malgré tous les efforts de mise en conformité, les autorités n’étaient pas satisfaites, et «elles ont réclamé mon départ», indique-t-il. «Nous avons compris que si que nous cédions sur un point, nous nous retrouverions face à de nouvelles demandes.»

Leur but est clair et consiste à garder la mosquée fermée, selon M’hammed Henniche. «Ils veulent montrer que le gouvernement est dur» et qu’ils ont fermé un plus grand nombre de mosquées que les gouvernements précédents.

Le 4 février, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a pourtant affirmé devant l’Assemblée nationale que la mosquée de Pantin avait fait le travail de mise en conformité et qu’elle pouvait rouvrir.

L'influence de l'extrême droite

C’est exact, indique le recteur, et cela montre selon lui «que ce gouvernement est complètement perdu, et qu’il subit l’influence de l’extrême droite». C’est apparemment ce qui l’a amené à se rétracter et à imposer une nouvelle condition à la réouverture de la mosquée.

Le 18 février, Gérald Darmanin a en effet déclaré lors d’un déplacement à Bobigny: «M’hammed Henniche ne doit pas faire partie de la gouvernance de la mosquée de Pantin, nous avons des raisons de le penser».

Aucune poursuite judiciaire n’est pourtant engagée contre le recteur qui a su cultiver tout au long des années des relations étroites avec des élus de tout bord, qui voyaient en lui un musulman modéré.

Président de l’association des musulmans de France, M’hammed Henniche avait pour habitude de convier des personnalités françaises à des Iftars (repas pris chaque soir par les musulmans au coucher du soleil pendant le jeûne du mois de ramadan). Ainsi des personnalités comme les anciens Premiers ministres, Alain Juppé et François Fillon, l’ancienne ministre et actuelle présidente du Conseil régional d’Île-de-France, Valérie Pécresse, et d’autres personnalités ont participé à des repas de rupture de jeûne organisés par son association.

Loi contre le séparatisme islamiste

Le recteur affirme que toutes les tentatives de prises de contact avec le ministère de l’Intérieur sont restées lettres mortes, et que les courriers recommandés adressés par ses avocats n’ont jamais eu de réponse. Le seul reproche retenu contre lui est, selon lui, le fait d’avoir permis à Ibrahim Coudouré de prêcher dans la mosquée.

Concernant les scénarios qu’il envisage pour sauver la mosquée et lui permettre d’ouvrir ses portes aux fidèles, le recteur semble miser sur le temps. La fermeture de la mosquée, affirme-t-il, est prévue pour durer six mois. Cela signifie que, le 15 avril, elle ouvrira ses portes, sans besoin d’autorisation, sans toutefois écarter la possibilité pour le ministère de l’Intérieur d’invoquer d’autres motifs.

Entre-temps, dans une déclaration devant le Sénat, Gérald Darmanin a indiqué que 89 mosquées soupçonnées de séparatisme seront soumises à des contrôles après l’entrée en vigueur de la loi «confortant les principes républicains» dite «loi contre le séparatisme islamiste».


« Attentat terroriste » en France : un mort, le ministre de l'Intérieur blâme l'Algérie sur l'immigration

La police scientifique française travaille sur le site d'une attaque au couteau où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux policiers à Mulhouse, dans l'est de la France, le 22 février 2025. (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
La police scientifique française travaille sur le site d'une attaque au couteau où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux policiers à Mulhouse, dans l'est de la France, le 22 février 2025. (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
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  • dans l'est de la France, un homme de 37 ans, fiché pour risque de « terrorisme », a tué une personne et blessé au moins trois policiers à l'arme blanche.
  • Selon le président Emmanuel Macron, il s'agit d'un « acte de terrorisme », tandis que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a mis en cause la non-coopération de l'Algérie sur l'immigration.

MULHOUSE, FRANCE : Samedi, dans l'est de la France, un homme de 37 ans, fiché pour risque de « terrorisme », a tué une personne et blessé au moins trois policiers à l'arme blanche. Selon le président Emmanuel Macron, il s'agit d'un « acte de terrorisme », tandis que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a mis en cause la non-coopération de l'Algérie sur l'immigration.

Selon des témoignages concordants obtenus par l'AFP, l'assaillant a crié « Allah u Akbar » (« Dieu est le plus grand » en arabe) à plusieurs reprises samedi, lors de l'attaque menée dans la ville de Mulhouse, ainsi que lors de son interpellation par les forces de l'ordre.

Selon le parquet de Mulhouse, l'assaillant a agressé les victimes avec un couteau, blessant notamment un Portugais de 69 ans qui est décédé.

Deux policiers municipaux ont été grièvement blessés, l'un à la carotide et l'autre au thorax, a affirmé à l'AFP le procureur de Mulhouse Nicolas Heitz. Si le second a pu sortir de l'hôpital, le premier doit être transféré dimanche au centre hospitalier de Colmar, à environ 40 kilomètres de Mulhouse. Trois autres policiers municipaux auraient été plus légèrement atteints, a précisé le procureur.

En déplacement au Salon de l'agriculture à Paris, Emmanuel Macron a dénoncé un « acte de terrorisme islamiste » qui ne fait pas de doute.

Nicolas Heitz a déclaré que le suspect était inscrit au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.

Interrogé sur la chaîne TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et accusé l'Algérie de l'avoir refusé à dix reprises.

« Une fois de plus, c'est le terrorisme islamiste qui a frappé. Et, une fois de plus, j'ajoute que ce sont les désordres migratoires qui sont aussi à l'origine de cet acte terroriste », a-t-il lancé.

Devant l'hôtel de police de Mulhouse, où il a rendu hommage au sang-froid des policiers, M. Retailleau a précisé que le suspect présentait également « un profil schizophrène » et que son acte présentait « une dimension psychiatrique ».

Selon des sources syndicales, le suspect était placé sous contrôle judiciaire avec assignation à résidence.

Les faits se sont déroulés à 15 h 40 (14 h 40 GMT), près d'un marché très animé du quartier populaire.

L'homme a d'abord blessé grièvement des agents de stationnement, puis un sexagénaire portugais, mortellement atteint d'un coup de couteau.

« Nous ne savons pas s'il s'est trouvé par hasard sur son chemin ou s'il a fait un acte de bravoure en s'interposant », a indiqué le ministre.

L'assaillant a ensuite été poursuivi par des policiers municipaux qui sont parvenus à le maîtriser sans faire usage d'armes à feu.

À la nuit tombée, plusieurs membres de la police scientifique s'affairaient encore à la lueur d'un projecteur sur la dalle située à l'extérieur du marché couvert. Le périmètre était gardé par des militaires.

« Le fanatisme a encore frappé et nous sommes en deuil », a réagi le Premier ministre centriste François Bayrou, qui a adressé ses « félicitations aux forces de l'ordre pour leur intervention rapide ».

« L'horreur vient de saisir notre ville », a déploré la maire de Mulhouse, Michèle Lutz, sur Facebook.

En janvier, un homme de 32 ans avait blessé une personne au couteau dans un supermarché d'Apt, dans le sud de la France, en criant « Allah Akbar ». Il a été inculpé et écroué pour tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

Fin janvier, le procureur antiterroriste, Olivier Christen, avait souligné que « l'absence d'actes terroristes mortels en France en 2024 ne reflète pas une diminution du risque terroriste », rappelant que neuf attentats ont été déjoués l'an dernier sur le territoire français.


Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lors d'un rassemblement antifasciste à Paris

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  • Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée.
  • « Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle.

PARIS : Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée, pour laquelle six membres de l'ultradroite ont été inculpés, a constaté un journaliste de l'AFP.

« Paris, Paris, Antifa ! », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « Nous sommes tous antifascistes », ont scandé les manifestants réunis place de la République. Un drapeau rouge « No pasaran » a été accroché sur un flanc de la statue, au centre de la place emblématique.

Ce rassemblement se tient six jours après l'agression à l'arme blanche d'un homme membre du collectif Young Struggle, qui se présente comme une « organisation de jeunesse socialiste » et adhérent au syndicat CGT. Il avait dû être hospitalisé quelques heures.

Dimanche dernier, « une vingtaine de personnes » appartenant à la mouvance d'ultradroite, « cagoulées et munies de tessons de bouteille » selon la préfecture de police, avaient pénétré dans la cour d'un immeuble où se situe une association culturelle de travailleurs immigrés de Turquie et agressé une personne avant de prendre la fuite.

Six jeunes hommes ont été inculpés pour violences volontaires aggravées. L'un d'eux, qui avait du sang sur ses vêtements et qui a reconnu sa participation, a été incarcéré.

« Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle, avant de faire siffler le nom de Bruno Retailleau, ministre français de l'Intérieur et connu pour ses positions très conservatrices.

« Partout, l'extrême droite se répand, encouragée par les saluts nazis de Elon Musk et Steve Bannon », a déclaré à sa suite Mathilde Panot, cheffe des députés du parti de gauche radicale LFI (La France Insoumise).

Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, a récemment été sous le feu des projecteurs pour un geste qualifié de salut nazi lors de la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains près de Washington.

Il a brièvement tendu sa main en l'air après avoir déclaré devant les supporters de Donald Trump : « Nous n'allons pas reculer, nous n'allons pas capituler, nous n'allons pas abandonner. Luttez, luttez, luttez ! »

En janvier, le milliardaire Elon Musk, conseiller de Donald Trump, avait lui-même été épinglé pour un geste ambigu analogue.


Macron dira à Trump qu'entre alliés on ne peut pas "faire souffrir l'autre" avec des droits de douane

Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
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  • "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris
  • Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques

PARIS: "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris alors que Donald Trump menace d'imposer des droits de douane sur de multiples produits européens.

"Je vais (lui) en parler parce qu'on a besoin d'apaiser tout ça", a relevé le président français qui doit rencontrer son homologue américain lundi à Washington.

"La filière agricole et agroalimentaire (française), c'est une grande filière d'exportation, donc il faut la défendre pour la rendre encore plus compétitive", a-t-il ajouté.

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques, c'est-à-dire que les États-Unis appliqueront le même niveau de droits de douane sur les produits en provenance d'un pays que le niveau appliqué dans ce pays aux produits américains.

Il a également annoncé le retour de droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Et, s'il a déjà visé le Canada, le Mexique et la Chine, il a régulièrement assuré que les pays européens étaient également menacés.

En France, les viticulteurs sont particulièrement inquiets d'un retour des droits de douane américains sur le cognac et le vin, qu'ils exportent en masse vers les États-Unis, d'autant que le cognac souffre déjà d'un différend commercial entre l'UE et la Chine, son premier marché en valeur.

"Je suis déterminé sur tous les sujets pour avoir un échange" avec Donald Trump, a encore dit Emmanuel Macron. "On partagera nos accords, nos désaccords et j'espère surtout qu'on trouvera des solutions sur la question de l'Ukraine".

Le président américain est reparti à la charge vendredi contre son homologue ukrainien. Tout en estimant que Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine allaient "devoir se parler", pour "mettre fin au massacre de millions de personnes", il a jugé que la présence de l'Ukrainien n'était "pas importante" dans des négociations avec la Russie.

Il a ciblé par ailleurs Emmanuel Macron, et Keir Starmer, qui n'ont selon lui "rien fait" pour mettre un terme à la guerre. Le Premier ministre britannique est attendu jeudi à Washington.