MANAMA: En 2017, Sophia, un robot humanoïde conçu à Hong-Kong, se voyait octroyer la citoyenneté saoudienne. Ce qui semblait être un coup de communication visant à illustrer la modernité dans laquelle s’engageait le Royaume cachait en fait quelque chose de bien plus profond qui, pour le coup, constitue un mouvement de fond assez impressionnant et beaucoup plus ancien.
Rami al-Zahrani a 38 ans. Il est depuis quelques années le responsable des ressources humaines (DRH) de l’entreprise chimique Arkaz à Al-Khobar. Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, il souhaitait intégrer la maîtrise en administration des affaires (MBA) que je dirigeais et j’avais remarqué, sur son CV, qu’il adorait les concours de robots.
«En fait, c’est plus qu’une mode en Arabie saoudite. Le Royaume fait d’énormes efforts pour former les jeunes talents à la robotique et aux techniques avancées», nous révèle-t-il. Et, en effet, l’une des voies choisies par l’Arabie saoudite est la participation aux concours internationaux de robots, tout particulièrement à la Robocup.
Cette Robocup est un événement mondial créé dans la lancée de la victoire de l’ordinateur Deep Blue contre Gary Kasparov aux échecs dans les années 1990. La prévision fondatrice de cette compétition est que, en 2050, une équipe de robots pourra battre, sur le terrain, les humains vainqueurs de la Coupe du monde de football.
Chaque année, la Robocup fait étape dans un pays différent et, après chaque compétition, toutes les équipes participantes doivent partager leurs secrets et leurs savoirs avec les autres afin de progresser ensemble en vue de la prochaine édition. «Évidemment, les technologies développées pour jouer au football sont utiles pour bien d’autres choses, comme les robots de services ou les voitures autonomes», explique Rami.
Côté saoudien, plusieurs institutions forment les spécialistes en robotique dès le plus jeune âge. D’abord, il y a la National Talents Company, située à Al-Khobar. «J’y travaillais en 2008. Leur but est de former la jeunesse aux technologies de pointe. C’est ici que j’ai appris la robotique; cette institution travaille pour les plus grandes entreprises du pays», nous confirme Rami.
On trouve aussi la fondation Mawhiba, ou Fondation du roi Abdelaziz et ses compagnons pour la talent et la créativité, dont le but est la promotion des sciences et du savoir pour les jeunes talents du pays «Ils étaient les sponsors de notre première participation à la Robocup en 2008 en Chine. J’étais membre de l’équipe saoudienne», précise Rami.
En y regardant de plus près, on trouve de très nombreuses compétitions de robots à travers tous les pays. Lui-même a participé à la Lego League Championship, autre concours de robots porté par la célèbre marque de jouets de construction et lancé en Arabie saoudite sous la houlette de Rami al-Zahrani en 2008.
«Bien entendu, nous ne sommes pas là que pour jouer. La progression du pays en matière de robotique est surtout le reflet de l’augmentation du niveau de la culture scientifique et technique», ajoute-t-il. Et le virus de la robotique se diffuse plutôt bien en Arabie: Rami mentionne notamment le Saudi Roboclub de Djeddah, le Robotic de Khobar ou le Robot Club de Qatif.
Les sites de ces clubs regorgent de vidéos de compétitions et de photos de salles combles. Ils montrent des publics enthousiastes assistant à des démonstrations de jeunes qui s’affrontent dans des combats robotiques.
L’Arabie saoudite semble avoir résolument misé sur la formation à la culture robotique des jeunes. Elle a beaucoup investi dans l’organisation de concours et la participation d’équipes saoudiennes à des championnats internationaux depuis près de vingt ans. Le résultat de cette sensibilisation explique sans doute en partie le succès de la saoudisation de nombreux emplois techniques et industriels, fruit de cette révolution que les observateurs extérieurs n’ont pas vraiment remarquée.