LE CAIRE: Quiconque a grandi en Égypte dans les années 1980 se souvient certainement de la chanson du générique du feuilleton Zay Al-Hawwa, interprétée par Ali el-Haggar et Hanan Mady. C’est la raison pour laquelle une reprise récente de la chanteuse égyptienne Nouran Abu Taleb – accompagnée du bassiste Samer George – a déclenché des vagues de nostalgie chez les Égyptiens d’un certain âge.
La version d'Abu Taleb de ce classique de la télévision est délicatement intime, sa voix hypnotique lui conférant une touche de magie.
«Reprendre des chansons vous aide à mûrir en tant qu'artiste et à créer votre propre univers. J'ai également découvert que me nourrir de différentes influences musicales m’aide à comprendre quel genre de musique je veux faire», déclare Nouran à Arab News.
Cette reprise fait partie d'une série en cours d'Abu Taleb et Samer George, qui propose une version de Shababeek du chanteur égyptien Mohamed Mounir, qui a valu à Abu Taleb d’être invitée à interpréter la chanson en direct avec lui. Elle a aussi été invitée à chanter Ya Ghali du groupe koweïtien Guitara, initialement sortie en 2003. La chanson a enregistré 16 millions de vues sur YouTube.
L’objectif de la collaboration d’Abu Taleb avec Samer George ne se limite pas à des reprises. Au-delà de la dimension nostalgique de leur travail, c'est le son inhabituel d'une chanteuse accompagnée uniquement d'une guitare basse qui séduit le public, souligne Nouran Abu Taleb, – ce qui leur permet de jouer avec les compositions.
«Samer fait ces duos voix-basse depuis un certain temps déjà, mais principalement dans le jazz anglais, où ils sont plus courants. Les gens ne sont pas habitués à entendre une simple guitare basse accompagner un chanteur. La présence de la basse comme instrument solo dans les chansons arabes est nouvelle», insiste-t-elle.
Nouran n'a collaboré avec Samer George qu'en 2018, après qu’ils se sont tous deux produits séparément sur le même projet. «Samer est l'un des musiciens de jazz les mieux établis en Égypte», souligne-t-elle. «La guitare basse a un son occidental. En revanche, je suis plutôt issue de la musique arabe et orientale, et je me produis en arabe.» Ce mélange a conduit Samer à proposer un spectacle hommage à l'emblématique diva libanaise Fayrouz – «ses chansons ont un peu des deux mondes», explique la chanteuse.
Ce spectacle a été un succès, et le duo a continué à se produire à plusieurs reprises. Ils ont donc tous deux décidé qu'il était temps d'élargir leur son et ils ont formé un groupe avec le percussionniste Hany Bedair et le clarinettiste Mostafa Said. Ils interprètent de nouveau des reprises, à l'exception d'une chanson sur le thème soufi écrite par Nouran (aujourd’hui, le groupe comprend également le pianiste George Nabil et le batteur Marwan Wahid Zaki).
Le groupe a sorti un titre original, Fawazeer inspiré de la bossa nova. D'autres singles ont suivi, notamment leur propre thème de feuilleton, pour le générique d’Alamat Istifham de 2019. En octobre, Nouran Abu Taleb a sorti Fil Lail, une chanson pop qui qui a été vue plus de 130 000 fois sur YouTube.
Les changements de genres musicaux sont la principale caractéristique de la carrière de Nouran, et devraient continuer sur son premier album, qu’elle espère sortir cette année. Ce disque la verra collaborer avec les poètes Nada al-Shabrawy et Hazem Wefy, entre autres, et couvrira plusieurs genres, souligne-t-elle, dont le rock électronique et le slow rock.
Bien que Nouran signe musique et paroles, elle aime également collaborer avec d'autres auteurs, notamment avec des femmes. «La qualité des paroles est particulièrement importante pour moi», dit-elle. «Il en va de même pour l'imagerie poétique.»
Alors que les chansons d'amour sont considérées comme démodées par beaucoup de ses pairs, Nouran affirme qu'elle n’hésitera pas à en écrire, afin de ne pas limiter sa créativité.
«Je sais que notre génération en a eu assez des chansons d'amour, surtout depuis que la musique underground a fait son apparition il y a une dizaine d'années. Nous cherchions quelque chose de différent qui parle aux gens», dit-elle. «Mais j'aime chanter sur tout, y compris l'amour.»