WASHINGTON: Les services de renseignement américains avaient sous-estimé les risques pesant sur le Capitole le 6 janvier, si bien que le dispositif de sécurité n'était pas adapté pour contrer « des criminels prêts pour la guerre », ont admis mardi de hauts responsables lors d'une audition au Sénat.
Après l'acquittement de Donald Trump, accusé d'avoir incité ses partisans à attaquer le siège de la démocratie américaine, le Congrès a ouvert une nouvelle phase d'enquête pour comprendre comment l'impensable a pu se produire, afin d'éviter que cette « sombre journée » ne se reproduise.
Au premier jour de leurs efforts, les élus de deux commissions sénatoriales ont entendu de hauts responsables de la sécurité du Capitole dont certains, démissionnaires, n'avaient jamais pris la parole publiquement depuis cet assaut.
Au-delà de désaccords sur leurs rôles respectifs, ils ont tous mis en cause les défaillances des services de renseignement et la lenteur du Pentagone à déployer des renforts.
« Sans les informations pour se préparer de manière adéquate, la police du Capitole avait des effectifs insuffisants pour faire face à une foule extrêmement violente », a notamment déclaré son ancien chef Steven Sund.
« Sur la base des renseignements dont nous disposions, je pensais à tort que nous étions prêts », a abondé l'ex-sergent d'armes de la Chambre des représentants, Paul Irving. « On sait maintenant que nous avions un mauvais plan », a-t-il ajouté, en se disant « profondément secoué » par ce coup de force meurtrier.
« Improbable »
Sund et Irving ont rappelé qu'un rapport du 3 janvier jugeait « faible ou improbable » le risque « d'actes de désobéissance civile » en marge de la manifestation de partisans de Donald Trump, au moment où le Congrès certifiait la victoire du démocrate Joe Biden à la présidentielle.
Les services fédéraux de renseignement avaient pointé « un risque de violence » dont « le Congrès serait la cible », mais n'avaient « jamais mentionné un assaut coordonné », a souligné Irving.
Or les émeutiers « sont arrivés équipés pour une insurrection violente », selon M. Sund : « ils avaient des armes, des munitions chimiques, des explosifs. Ces criminels étaient prêts pour la guerre. »
Cinq personnes sont mortes lors de l'assaut, dont un policier frappé à coups d'extincteur.
La veille de l'attaque, un rapport d'un bureau local du FBI avait bien alerté sur des appels plus précis à « se battre », mais le document, transmis dans la soirée à la police du Capitole, n'avait pas circulé en interne, a révélé Sund.
« Se contenter d'appuyer sur ‘envoyer’ n'est pas suffisant pour un rapport de cette nature », a commenté la sénatrice démocrate Amy Klobuchar, en jugeant ce manque de communication « très perturbant ».
« Pas rapide »
Les témoins ont également mis en cause le Pentagone, qui a attendu plusieurs heures pour déployer la Garde nationale.
Face à la violence des intrus, Steven Sund a expliqué avoir réclamé très tôt des renforts. Selon lui, un haut gradé, Walter Piatt, lui aurait répondu : « Je n'aime pas l'image de la Garde nationale alignée devant le Capitole. »
Témoin de l'échange, le chef de la police de la ville de Washington, Robert Contee, a expliqué avoir été « stupéfait » de la réponse. « On aurait dit qu'il fallait cocher des cases alors que des agents étaient en train de se battre pour leur vie », a-t-il dit.
« C'est clair que la Garde nationale n'a pas été rapide à répondre », a aussi estimé Irving.
Note dissonante, Sund a accusé le sergent d'armes de la Chambre d'avoir lui-même exprimé, avant l'attaque, son scepticisme face à la mobilisation de militaires. « Il était inquiet pour l'image projetée », a-t-il assuré.
« C'est faux », a rétorqué Irving. « Les questions d'image n'ont pas déterminé nos choix. »
Sund a également assuré avoir contacté Irving dès 13H09 le jour de l'assaut pour obtenir son feu vert à une demande de renfort. Ce dernier a dit ne pas s'en souvenir et n'avoir aucune trace de cet appel dans son téléphone.
Les sénateurs leur ont demandé de remettre les comptes-rendus de leurs appels et messages.
Les élus des deux partis, qui reprendront leurs travaux la semaine prochaine, ont affiché leur volonté de travailler de manière « constructive », mettant de côté les différences affichées lors du procès de Donald Trump.
Le 13 février, 57 des 100 sénateurs ont jugé que l'ancien président républicain s'était rendu coupable d' « incitation à l'insurrection », mais il aurait fallu une majorité de 67 élus pour qu'il soit condamné. La plupart des élus de son parti ont voté l'acquittement.