Il convient de dire que la nouvelle administration Biden a suscité une certaine nervosité parmi les États du Golfe.
L'intention du nouveau président, Joe Biden, de revenir sur le plan d'action global conjoint, également connu sous le nom d'accord nucléaire iranien, et la possibilité d'une relation plus distante avec lui qu'avec son prédécesseur, Donald Trump, ont naturellement provoqué un malaise dans la région.
Les dirigeants du Golfe et le nouveau président américain seront néanmoins désireux de trouver un terrain d'entente sur lequel ils pourront construire des partenariats positifs.
Prenez par exemple les mesures en faveur du climat. Contrairement à la République islamique d'Iran, qui n'a pris aucune mesure concrète pour lutter contre le changement climatique, certains États du Golfe, y compris l'Arabie saoudite, ouvrent la voie sur cette question. Comme en témoigne la récente Semaine de la durabilité d'Abu Dhabi, le changement climatique est un choix évident pour un intérêt partagé par les États-Unis et les États du Golfe.
Certains universitaires, analystes politiques et politiciens pourraient penser qu'une région qui est le centre pétrolier du monde n'est pas un endroit évident pour rechercher des innovations dans les technologies vertes – mais il est essentiel de souligner que la région a connu un changement discret dans sa compréhension et sa reconnaissance du fait qu'il n'est plus possible d'éviter d'agir sur le changement climatique.
S'exprimant lors du forum Future Investment Initiative à Riyad le mois dernier, le prince Abdel Aziz ben Salmane, ministre saoudien de l'Énergie, a déclaré à un panel de dirigeants de l’industrie: «Tout ce que nous ferons dans le Royaume soutiendra la réduction des émissions, et nous le ferons volontiers parce que les avantages économiques (des nouvelles technologies énergétiques) sont évidents.» Avant d’ajouter: «Nous apprécierons d'être considérés comme un citoyen international raisonnable et responsable, car nous ferons plus que la plupart des pays européens d'ici à 2030.»
L'Arabie saoudite et le Bahreïn se sont engagés à améliorer la proportion de leurs mix énergétiques renouvelables, et les Émirats arabes unis (EAU) se sont engagés à réduire de 24 % leurs émissions d'ici à 2030.
«Grâce à notre infrastructure existante et à nos grandes capacités de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CCUS), nous pensons que nous pouvons être l’un des producteurs d’hydrogène bleu (hydrogène obtenu lorsque le CO2 émis est capté puis réutilisé ou stocké) les moins coûteux et les plus importants au monde», a déclaré Sultan Al-Jaber, envoyé spécial des EAU pour le changement climatique et PDG de la compagnie pétrolière nationale d'Abu Dhabi, le mois dernier, lors de la Semaine de la durabilité à Abu Dhabi.
On ne peut évidemment pas s'attendre à ce que les États du Golfe abandonnent immédiatement les hydrocarbures. En tant que pierre angulaire de leurs économies, la production pétrolière continuera de fournir des revenus importants et essentiels aux gouvernements.
L’Arabie saoudite a annoncé des plans extrêmement ambitieux pour construire Neom, la première ville du monde sans routes, un signal clair de son intention d’ajuster le cap dans une direction plus écologique.
Cependant, il semble que l'on comprend de plus en plus que des technologies telles que le captage et le stockage du carbone doivent être développées pour maintenir la viabilité de l'industrie pétrolière à long terme. Cela va au-delà du simple fait de maintenir les dollars du pétrole en circulation.
L’Arabie saoudite a annoncé des plans extrêmement ambitieux pour construire Neom, la première ville du monde sans routes, un signal clair de son intention d’ajuster le cap dans une direction plus écologique. Ailleurs, Sultan al-Jaber, président de Masdar (ville nouvelle et verte de l'émirat d'Abu Dhabi), a récemment déclaré que les EAU pourraient devenir un producteur d'hydrogène à bas prix.
Un long chemin reste à parcourir, mais sans doute l'effet le plus important à court terme de ces annonces, c’est que cela envoie un signal clair à la nouvelle administration de la Maison-Blanche.
Joe Biden a fait grand cas de ses intentions environnementales. Dans sa première série de décrets, le retour à l'Accord de Paris sur le climat a été l'une des décisions les plus importantes. Tout au long de sa campagne présidentielle, il a été clair que le fait de placer le changement climatique en tête de l'ordre du jour pouvait être une stratégie afin de remporter l’élection, en particulier parmi les électeurs plus jeunes et plus libéraux.
Certains des électeurs de Joe Biden pourraient avoir une vision négative du Moyen-Orient –mais si le président américain et le Golfe cherchent une cause commune, les questions écologiques pourraient la leur fournir.
L'énergie solaire, par exemple, est un domaine dans lequel il existe un terrain d'entente. Les États-Unis sont le deuxième producteur mondial d’énergie solaire, tandis que le Moyen-Orient est un candidat indéniable pour le déploiement massif de l’énergie solaire en tant qu’énergie alternative verte.
En outre, des pays comme l'Arabie saoudite et les EAU ont investi, ou prévoient d'investir, des milliards de dollars dans le développement de pôles d'innovation de haute technologie qui pourraient s'avérer attrayants pour les entreprises américaines intéressées par le développement de technologies propres avancées.
Pendant ce temps, les accords d'Abraham, accords de normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes, offrent une autre occasion d'exploiter le potentiel des questions vertes comme moyen de construire des relations entre les États-Unis et les États du Golfe. Il est également révélateur que l'énergie verte puisse faire l’objet d’un accord public entre les pays du Golfe et Israël, qui seront sans aucun doute désireux d'une plus grande implication américaine dans de tels accords à l'avenir.
L’évolution de la relation entre le Golfe et les États-Unis sous Joe Biden ne sera probablement pas appréciable avant au moins un an. Si les deux parties recherchent toutefois des opportunités de coopération positive, elles n'ont pas besoin de chercher beaucoup plus loin que la lutte contre le changement climatique.
Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.
Twitter : @Dr_Rafizadeh.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com