Les coulisses de la renaissance de Riyad

Les 7,5 millions habitants de la capitale saoudienne vont au moins doubler d’ici 2030, faisant de Riyad la plaque tournante de l'une des 10 plus grandes économies urbaines au monde (Photo, Arab News).
Les 7,5 millions habitants de la capitale saoudienne vont au moins doubler d’ici 2030, faisant de Riyad la plaque tournante de l'une des 10 plus grandes économies urbaines au monde (Photo, Arab News).
Short Url
Publié le Lundi 15 février 2021

Les coulisses de la renaissance de Riyad

  • Des experts en stratégie de développement urbain au Moyen-Orient assurent à Arab News que, loin d'être une rêverie trop ambitieuse, la stratégie est pratique, réalisable et somme toute bénéfique
  • La feuille de route doit concrètement énumérer et naviguer à travers les défis économiques, sociaux, démographiques et financiers du plan

DUBAI: L’ampleur de la vision qui commande la trajectoire du développement de Riyad, dévoilée le mois dernier par le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane lors du sommet Future Investment Initiative (FII) est pour le moins dire ahurissante.

Les 7,5 millions habitants de la capitale saoudienne vont au moins doubler d’ici 2030, faisant de Riyad la plaque tournante de l'une des 10 plus grandes économies urbaines au monde. De plus, ce sera une ville où il fera bon vivre, humaine, avec des espaces verts, des centres de loisirs et un style de vie urbain susceptible d’attirer les talents du monde entier vers la plus grande ville du Moyen-Orient.

«La vraie croissance commence dans la ville, que ce soit en termes d'industrie, d'innovation, d'éducation, de services ou dans d’autres secteurs. Je n’ai aucun doute que les économies du monde s’articulent autour des villes, non pas des nations», a affirmé le prince héritier lors de l'événement, organisé sous le thème de «La néo-Renaissance».

Les plans de la renaissance de la capitale sont pilotés par Fahd Al-Rachid, président de la Commission royale pour la ville de Riyad (CRRC), et qui est bien conscient des défis que présente cette ambitieuse stratégie. «Une vision sans exécution n’est qu’une hallucination», dit-il.

Une feuille de route qui détaille les étapes de la transformation est en cours de préparation, et pourrait être dévoilée au deuxième trimestre de l'année. Le document doit concrètement énumérer et, nous l’espérons, naviguer à travers les défis économiques, sociaux, démographiques et financiers du plan.

Mais des experts en stratégie de développement urbain au Moyen-Orient assurent à Arab News que, loin d'être une rêverie trop ambitieuse, la stratégie est pratique, réalisable et somme toute bénéfique.

Karl Sharro, architecte basé à Londres et éditeur du prochain livre «The New Arab City», affirme que, «historiquement parlant, c'est absolument faisable. Riyad occupe une place primordiale dans l'histoire du pays».

Une rue de Riyad en 1937. La ville a une longue histoire de croissance rapide (Photo, AFP).

Todd Reisz, un architecte d’Amsterdam, dont le «Showpiece City: How Architecture Made Dubai» vient d'être publié, estime que Riyad détient déjà «une très importante capacité de planifier une ville et à organiser ses composantes».

Basé à San Francisco, Jeff Merritt est spécialiste des villes intelligentes et de la transformation urbaine pour le Forum économique mondial. Pour lui, une «expansion urbaine aussi rapide n'est pas invraisemblable, mais vous devez tirer des leçons de l'expérience des autres villes».

Les experts urbains conviennent que les plans de Riyad sont ambitieux, mais pas sans précédent. La capitale saoudienne elle-même a une longue histoire de croissance aussi rapide.

Dans la revue Scientific Research, l'expert en architecture Saleh Al-Hathloul explique que «Riyad est passée d'une petite ville qui compte moins d'un demi-million d'habitants à une grande métropole de 7 millions au cours des 50 dernières années. La vitesse et l'ampleur de sa transformation ont eu peu d’équivalents».

Entre les années 1930 et 1980, Riyad a pratiquement doublé de taille à chaque décennie. Centre administratif du nouveau Royaume d'Arabie saoudite, il attire les bâtiments ministériels et d’autres agences gouvernementales, un quartier diplomatique, un quartier d’ affaires central, en plus de tout l'appareil financier et commercial compris dans une capitale.

Des passagers s’apprêtent à monter à bord d'un train de Riyad, à Dhahran en 1955 (Photo, Three Lions/Getty Images).

Dans les années 1970, les autorités de la ville en plein essor avait eu recours aux compétences d'un maître-urbaniste. Constantinos Doxiadis, un architecte et urbaniste avait travaillé sur de nombreux projets dans sa Grèce natale, ainsi qu'au Moyen-Orient et au Pakistan, où il venait de concevoir la nouvelle capitale, Islamabad.

Propulsée par le pétrole, la capitale saoudienne est en pleine croissance économique et démographique. Doxiadis expérimente avec l'idée d'un réseau à l'américaine, toujours présent dans le quartier Al-Olaya aujourd'hui.

Dans les années 1990, le développement est repris par l’Autorité de développement de Riyad, aujourd’hui un département du CRRC, et qui a lancé MEDSTAR, la Stratégie de développement métropolitain de Riyad, dans une tentative de structurer l’expansion rapide de la ville.

L’Autorité privilégie la création de sous-centres urbains, dont l’un forme le noyau du futur quartier financier du roi Abdallah, ainsi que le développement de nouvelles banlieues et d’un système de transport public, en cours de construction, relié au métro.

«L'Arabie saoudite et Riyad ont une longue histoire en matière d’urbanisme», indique Reisz. L’architecte donne les travaux de développement à Jubail et Yanbu et les nouveaux centres économiques et industriels comme exemples de cette tradition.

Construction dans la capitale en 1980 (Photo, François LOCHON/Gamma-Rapho via Getty Images).

L'Arabie saoudite apprend aussi des autres villes ont connu une extraordinaire expansion. Au Moyen-Orient, Dubaï est un bon exemple à suivre car, en cinquante ans d’histoire, la ville émiratie a réalisé plus d’une fois l'objectif de Riyad de doubler sa population en une décennie.

Reisz souligne le rôle central de l'architecture dans la croissance de Dubaï: «L'architecture moderne a concrètement conçu Dubaï, mais elle a aussi créé une image faite pour devenir virale», a-t-il écrit.

Un peu plus loin, l’exemple de la croissance démographique spectaculaire en Chine est aussi dans la ligne de mire des planificateurs à Riyad. Plusieurs métropoles chinoises ont vu leur statut passer de ville de province à mégapole au cours des dernières décennies, parallèlement à la trajectoire du pays comme superpuissance économique.

Chongqing est devenue un géant urbain central de plus de 30 millions d'habitants en l'espace de quelques décennies. Un exploit, même pour un pays où des villes de 10 millions apparaissent jour au lendemain.

«La Chine établit un parallèle intéressant par rapport à l'Arabie saoudite, car la croissance urbaine y est guidée par une politique gouvernementale centralisée», a déclaré Sharro.

Une image de Riyad de l'année dernière. D'ici 2030, la ville verra sa population actuelle doubler (Photo, Reuters).

Merritt appelle cependant à une certaine prudence quant à l'application du modèle chinois. «En Chine, la croissance est dictée par la migration d'une importante population rurale vers les villes. L'Arabie saoudite ne dispose pas d'un bassin rural aussi important », rappelle-t-il.

Comme l'a souligné le prince héritier Mohammed ben Salmane lors de la conférence FII, la force motrice de l'expansion de Riyad sera économique. Riyad détient près de 50% de l'économie non pétrolière en Arabie saoudite, et bénéficie d’un nombre d’avantages en termes de coûts par rapport aux autres centres urbains.

Le coût de la création d'emplois dans la ville est de 30% inférieur à celui des autres villes du pays, une logique que Reisz approuve. «Une ville est un outil vers des objectifs économiques. Les villes construisent des économies. Leur développement nécessite une intégration entre l'économie, la finance et l'urbanisme», a-t-il déclaré.

Le plan de Riyad repose en grande partie sur la capacité de la ville à attirer des entreprises, et tirer profit de la taille et de la croissance de l’économie du Royaume. Le CRRC et le ministère saoudien des investissements ont lancé un programme qui vise à persuader les grandes entreprises multinationales d'installer leur siège régional dans la ville. 25 noms ont déjà été dévoilés le mois dernier.

Attirer davantage de nouveaux sièges dans la ville dépend considérablement des incitatifs. Ces derniers sont actuellement paufinés dans le cadre d’une vaste réforme du droit commercial et du droit financier, afin d’améliorer davantage la position du Royaume dans le classement mondial de la compétitivité.

Fahd Al-Rachid, président de la Commission royale pour la ville de Riyad (Photo, SPA).

L'investissement privé est un facteur clé dans le projet de Riyad. Al-Rachid affirme que la plupart des capitaux de première étape proviendraient de l'investissement du gouvernement. Mais il est entendu que les étapes ultérieures qui requièrent des milliards de dollars vont nécessiter une contribution plus importante de sources privées désireuses de s’installer au premier rang en matière de développement.

Les grandes villes du monde sont autant des milieux humains que des centres économiques, et la stratégie «néo-renaissance» met fortement l’accent sur le facteur «habitabilité». Le prince héritier peint le tableau d'une ville verte avec de grands espaces publics ouverts, où des millions d'arbres seraient plantés pour protéger l'environnement et rendre la vie urbaine dans un environnement désertique plus agréable.

Verdir Riyad doit s’accompagner d’un essor des activités de divertissement, de culture et de loisirs dans le cadre de la libéralisation de l’environnement social du Royaume prévue par la feuille de route Vision 2030.

«À titre d’exemple, à mesure que plus de femmes se sentent à l’aise pour sortir seules ou avec leurs amis, le tissu social de la ville va changer», explique Sharro, parlant d’un facteur susceptible de se refléter dans le nouveau design urbain et l'architecture de la ville en pleine croissance.

Une feuille de route qui détaille les étapes la transformation est en cours de préparation (Photo, Shutterstock).

«Riyad est aujourd'hui une ville dominée par les voitures, mais en profiteront-ils pour passer à un style plus européen, pour se densifier? Il est possible d’augmenter la population sans avoir recours à l’étalement urbain, en ayant plus d'immeubles et plus d’ancres sociaux au niveau micro-local», ajoute-t-il.

Merritt rappelle l'ambition de Paris de devenir une «ville 15 minutes», où la plupart des équipements sociaux, culturels et commerciaux seraient accessibles à pied, un concept auquel The Line, la bande urbaine centrale du développement NEOM, fait écho. «Vous ne voulez pas créer une ville impersonnelle, écrasée par des bâtiments construits à l'emporte-pièce», a-t-il déclaré.

Alors qu'ils sont à la veille de dévoiler les plans détaillés de la renaissance de Riyad, les planificateurs du CRRC ont aussi d'autres préoccupations. À savoir, la durabilité des services publics et de l’énergie, l'élargissement de la capacité numérique, et éventuellement, l’inauguration puis l’extension du métro.

La capacité à créer des emplois dans la ville qui répondent aux aspirations d'une population croissante et de plus en plus jeune est aussi cruciale.

Mais les experts urbains semblent réellement s’enthousiasmer à la perspective d’une renaissance de Riyad, se réjouit Reisz. « J’aurais besoin d’une boule de cristal pour imaginer le processus, mais si j'étais un jeune saoudien ou saoudienne, je serais ravi d'en faire partie», a-t-il déclaré.
 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Selon Faisal al-Ibrahim, l’économie saoudienne est en train de changer radicalement

Le ministre saoudien de l’Économie et de la Planification, Faisal al-Ibrahim, prononce un discours lors d’une conférence à Riyad, mercredi.
Le ministre saoudien de l’Économie et de la Planification, Faisal al-Ibrahim, prononce un discours lors d’une conférence à Riyad, mercredi.
Short Url
  • Depuis le lancement de la Vision 2030, l’Arabie saoudite assiste à un changement fondamental de son économie
  • «Nous nous trouvons à un carrefour pour changer l’économie mondiale», a affirmé M. Al-Ibrahim

RIYAD: Depuis le lancement de la Vision 2030, l’Arabie saoudite assiste à un changement fondamental de son économie et à une transformation de son environnement des affaires en raison de la création de nouveaux secteurs: c’est ce qu’a affirmé le ministre de l’Économie du Royaume.

Faisal al-Ibrahim a pris la parole mercredi lors d’une conférence à Riyad au cours de laquelle il a mis en lumière l’évolution rapide du paysage des affaires du Royaume, qui s'efforce de diversifier ses sources de revenus afin de ne plus dépendre du pétrole.

Lors de cet événement, intitulé «Politiques industrielles pour promouvoir la diversification économique», le ministre a précisé que les réglementations législatives et économiques qui visent à promouvoir le développement durable avaient subi des changements fondamentaux depuis le lancement de la Vision 2030.

Il a indiqué que les efforts du Royaume pour diversifier son économie avaient conduit à la création de nouveaux secteurs grâce au lancement de plusieurs mégaprojets tels que Neom et le Red Sea Project, entre autres.

«Nous nous trouvons à un carrefour pour changer l’économie mondiale», a affirmé M. Al-Ibrahim, qui a par ailleurs insisté sur la nécessité d’élaborer des stratégies pour garantir une économie flexible et durable.

«La présence d’investissements étrangers permettra de développer la compétitivité à long terme», a encore expliqué le ministre.

Ce dernier a également assuré que le Royaume travaillait sur le moyen terme pour se focaliser sur la transformation des secteurs qui représentent un changement technologique.

L’Arabie saoudite est désireuse de parvenir à un développement à moyen terme en équilibrant les profits à court terme et en promouvant le succès à long terme, a souligné M. Al-Ibrahim.

Depuis le lancement de la Vision 2030, le ministère de l’Économie et de la Planification a mené plusieurs études économiques qui ont pour objectif de diversifier l’économie en élaborant des objectifs pour tous les secteurs, en augmentant les niveaux de complexité et en étudiant les économies émergentes afin de renforcer les capacités du Royaume. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gastat: les exportations non pétrolières de l’Arabie saoudite augmentent de 4,4%

Short Url
  • Selon l’Autorité générale des statistiques, la valeur totale des exportations non pétrolières a atteint 21,86 milliards de riyals saoudiens
  • La Chine a été le principal partenaire commercial de l’Arabie saoudite en février

RIYAD: Les exportations non pétrolières de l’Arabie saoudite, notamment les réexportations, ont connu une hausse de 4,4% en février par rapport à la même période en 2023, selon des données officielles.

Selon l’Autorité générale des statistiques (Gastat), la valeur totale des exportations non pétrolières a atteint 21,86 milliards de riyals saoudiens (SAR), soit une hausse par rapport aux 20,93 milliards enregistrés au cours de la même période de l’année précédente (1 SAR = 0,25 euro).

L’augmentation des exportations non pétrolières est due à une hausse de 8,3% des exportations de produits en caoutchouc et en plastique en février, qui représentent 24,1% des exportations totales.

Le renforcement du secteur privé non pétrolier est essentiel pour l’Arabie saoudite, qui poursuit ses efforts de diversification économique qui visent à réduire sa dépendance à l’égard du pétrole.

Le rapport dévoile une baisse de 4,1% en glissement annuel des exportations non pétrolières du Royaume, à l’exclusion des réexportations, en février. En revanche, la valeur des marchandises réexportées a grimpé de 32,3% au cours de la même période.

Cependant, la Gastat a noté qu’en février, le nombre total de marchandises expédiées par l’Arabie saoudite a diminué de 2% par rapport à la même période de l’année précédente.

Selon le rapport, ce déclin est principalement dû à une diminution de 3,8% des exportations de pétrole en février par rapport au même mois en 2023.

De même, le pourcentage des exportations de pétrole par rapport aux exportations totales est tombé à 77% en février, contre 78,4% au cours de la même période de l’année précédente.

Les exportations de pétrole ont chuté en raison de la décision du Royaume de réduire sa production de brut, conformément à un accord conclu par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés, collectivement connus sous le nom d’«Opep+».

En avril 2023, l’Arabie saoudite a réduit sa production de pétrole de 500 000 barils par jour, une décision que le ministère de l’Énergie vient de prolonger jusqu’à la fin décembre 2024.

Par rapport à janvier 2024, la valeur des exportations totales de marchandises a connu une légère hausse de 0,1% pour atteindre 95,02 milliards de SAR.

La Gastat a révélé que les importations de l’Arabie saoudite ont progressé de 12,3% en glissement annuel en février.

D’autre part, l’excédent de la balance du commerce des marchandises a diminué de 21,8% par rapport à la même période de l’année précédente.

La Chine a été le principal partenaire commercial de l’Arabie saoudite en février, les exportations vers le pays asiatique s’élevant à 12,57 milliards de SAR. L’Inde et le Japon viennent ensuite, avec des exportations respectives vers ces pays de 9,43 et 8,55 milliards de SAR.

La Corée du Sud, les Émirats arabes unis et la Pologne figurent également parmi les principales destinations des exportations saoudiennes, de même que l’Égypte, les États-Unis et la France.

La Chine a par ailleurs occupé la première place du côté des importations, représentant 19,9% des échanges, soit 12,58 milliards de SSAR, en février.

D’après le rapport, le port maritime du roi Abdelaziz de Dammam a été classé comme le point d’entrée le plus important pour les marchandises en Arabie saoudite, accueillant 26,7% des exportations totales.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La mythique verrerie française Duralex au tribunal de commerce

Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Short Url
  • Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française
  • Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitant

ORLEANS: Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française dont la vaisselle réputée incassable est vendue dans le monde entier.

Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française, déjà en difficulté il y a trois ans.

A l'extérieur, plusieurs militants de la CGT et du PCF seront réunis pour apporter leur soutien aux salariés de l'entreprise.

"Le problème, c'est qu'on commence à s'habituer", se désole le délégué Force ouvrière (FO) de l'entreprise, Gualter Teixeira, 50 ans dont la moitié passée dans l'usine Duralex située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), près d'Orléans.

Pour cet élu, la situation relève d'"un problème de gestion de la société", dont "les coûts fixes de 2,5 millions d'euros mensuels" sont trop importants.

Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitante de la célèbre marque la semaine dernière.

L'entreprise espère ainsi trouver un repreneur et sauver l'usine, qui emploie 230 salariés.

Si le tribunal accède à la demande de Duralex, alors un administrateur et un mandataire seront nommés pour une période d'observation, dont la durée est variable.

« La tour Eiffel de la vaisselle »

En attendant, si "les fours continuent de fonctionner, les camions des fournisseurs sont à l'arrêt et les agences d'intérim ont déjà rappelé les 30-40 intérimaires présents chez Duralex", s'inquiète auprès de l'AFP François Dufranne, salarié de Duralex depuis 1992 et élu CGT.

"Ici, avant, il y avait 1.500 salariés Duralex, 1.500 ouvriers chez Michelin un peu plus loin", se souvient avec amertume M. Dufranne, aux côtés d'anciens collègues, désormais retraités, venus les soutenir.

Las. La seconde a fermé et il ne reste plus que quelque centaines de salariés dans la première entreprise, qui a pourtant fait la fierté de la production industrielle française avec ses verres et ses assiettes, colorés et réputés incassables, qui sont un peu comme "la tour Eiffel de la vaisselle", selon Duralex.

Dans un communiqué transmis la semaine dernière, la CGT du département dénonce une "décision politique" qui vise "à rationaliser et optimiser l'investissement des actionnaires aux dépens des 230 salarié.e.s concerné.e.s et de l'ensemble du bassin d’emploi de l'Orléanais".

"Les belles promesses auront tout de même permis aux actionnaires d'empocher des millions d'euros d'aide financière de l'Etat et des collectivités territoriales, dont les 15 millions versés dernièrement" par les autorités, épingle encore la centrale syndicale.

Duralex, confrontée à la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d'euros de l'Etat. De quoi permettre à l'usine de rouvrir son four verrier et de relancer sa production après cinq mois de fermeture.

En vain, puisqu'en 2023, l'inflation, une consommation "en fort retrait" et une "concurrence exacerbée" ont aggravé de nouveau la situation.

En parallèle, NDI dit avoir été condamné récemment à payer les droits à polluer de l'ancien propriétaire de Duralex.

Incompréhensible selon les élus syndicaux: "On nous a fait une présentation commerciale des objectifs de développement jusqu'en 2030, de belles présentations, un grand 'speech' et 3 semaines après, on apprend la demande de redressement judiciaire", s'agace François Dufranne.

Gualter Teixeira n'en démord pas: à l'audience, "il va falloir nous expliquer ce qui s'est passé".