PATERNIEKI, Bélarus: A la frontière toute de glace et de neige entre l'UE et le Bélarus, les garde-frontières lettons luttent contre un flux croissant de cigarettes de contrebande qui pourraient profiter au crime organisé et aux alliés du président bélarusse Alexandre Loukachenko.
Plus de 200 camions par jour traversent le poste frontalier letton de Paternieki, d'aucuns remplis de cigarettes de contrebande cachées au milieu d'autres marchandises.
«L'année dernière, nous avons confisqué à notre seul poste de passage 21 millions de cigarettes illégales en provenance du Bélarus, soit le double comparé à 2019», déclare Taivo Hanzens, chef adjoint des douanes à Paternieki.
«Et la contrebande va toujours croissant», insiste-t-il, en montrant des piles de cartons de cigarettes saisies.
Selon M. Hanzens, les garde-frontières trouvent des cigarettes dissimulées parmi des briques, des tuiles ou des aliments comme des pâtes.
Pour parer à ce problème, le poste de Paternieki s'agrandit et embauche davantage de garde-frontières, douaniers et vétérinaires.
Etat impliqué?
Même si les inspections et les contrôles sont minutieux, les prix du tabac sont si bas en Biélorussie et si élevés dans l’Union européenne que la contrebande reste lucrative en dépit des millions de cigarettes confisquées chaque mois.
Les garde-frontières européens ont saisi un total de 370 millions de cigarettes illégales en 2020, selon l'Agence européenne de lutte antifraude OLAF, dont environ un tiers en provenance d'Europe de l'Est et la moitié d'Asie.
Un rapport d'un groupe de journalistes d'investigation bélarusses et russes publié ce mois-ci accuse d'implication dans ce trafic l'Etat bélarusse et de proches collaborateurs de son président Loukachenko.
Selon les experts, la plupart des cigarettes de contrebande bélarusses proviennent de l'usine Neman, contrôlée par l'Etat.
Une des deux autres usines de tabac au Bélarus, toutes les deux privées, appartient à un proche allié de M. Loukachenko.
La consommation intérieure de cigarettes au Bélarus est estimée à environ un tiers du total produit par les trois usines, bien que des résultats précis soient difficiles à vérifier car ces données ne sont pas rendues publiques.
Selon les garde-frontières lettons, les contrebandiers achètent des cigarettes en vrac au Bélarus et les font passer par la frontière avec la Lettonie où elles sont entreposées avant d'être expédiées vers des marchés lucratifs d'Europe occidentale.
Pleins d'imagination
Dans la ville voisine d'Indra, un train de marchandises récemment arrivé attend sur une voie de service pendant que les douaniers fouillent les wagons.
Dans les trains, des paquets de contrebande sont parfois cachés dans de la pâte de bois ou dans du charbon en vrac.
Les contrebandiers ne manquent pas d'imagination.
Ils leur arrive aussi d'utiliser des griffes en métal et des électroaimants télécommandés qui maintiennent des boîtes de tabac accrochées sous le matériel roulant.
Lorsque le train franchit la frontière et avant d'arriver en gare d'Indra pour inspection, les griffes lâchent, permettant aux passeurs qui guettent dans les buissons de récupérer les cigarettes.
Parfois, les agents sont plus rapides et arrivent à les confisquer.
Des radeaux de cigarettes
A 20 kilomètres de la frontière entre la Lettonie et le Bélarus coule la rivière Daugava dont les eaux sont utilisées en été par des passeurs pour transporter des cartouches de cigarettes en Lettonie, sur des radeaux et dans des barils de fortune.
«Nous avons saisi de nombreux radeaux constitués de cartouches de cigarettes, pourvus d'un appareil GPS, recouverts de branches, de troncs d'arbres, de roseaux et d'autres camouflages naturels, leur donnant l'apparence d'objets flottants ordinaires», indique Aigars Stelmaks, chef du poste frontalier de Piedruja.
Quand la rivière est gelée, les garde-frontières patrouillent le long de la berge en motoneige pour empêcher les passeurs de transporter la marchandise à pied, sur la glace.
«La neige facilite notre travail: si nous voyons des empreintes dans la neige, nous pouvons les suivre», sourit M. Stelmaks.
Mais alors, certains essaient de se faire passer pour des pêcheurs étant donné que la rivière est accessible à tous.
«Nous soupçonnons qu'un certain nombre de habitants des petits villages du côté letton participent aussi à la contrebande», regrette M. Stelmaks