ALGER : Des ONG algériennes ont créé samedi à Alger un comité de lutte contre la torture et les violences subies par les détenus d'opinion, après des accusations de viol qui ont choqué l'opinion publique.
Le témoignage début février de Walid Nekkiche, un étudiant prodémocratie de 25 ans, qui affirme avoir été torturé et agressé sexuellement par des membres des services de sécurité, a soulevé l'indignation et contraint le parquet général de la Cour d'Alger à ouvrir une enquête.
En réaction, plusieurs associations ont décidé de s'organiser pour que « justice soit rendue », sous la forme d'un « Comité de lutte contre la torture et les conditions carcérales inhumaines des détenus en Algérie ».
Cette nouvelle organisation rassemble le Comité national de libération des détenus (CNLD), la Coordination nationale des universitaires algériens pour le changement et le Collectif des avocats de la défense des détenus d'opinion.
« En faisant état de ses sévices devant les magistrats, Walid Nekkiche a brisé l'omerta. Il a été d'un courage exemplaire » », ont déclaré des représentants du collectif antitorture lors d'une conférence de presse à Alger. Il faut que « les tortionnaires soient identifiés et jugés. »
Nekkiche avait été arrêté fin novembre 2019 à Alger lors d'une marche des étudiants du « Hirak », le mouvement de contestation antirégime.
Il a expliqué avoir été « agressé sexuellement, physiquement et verbalement » pendant une garde à vue au « centre Antar », une caserne de la périphérie d'Alger réputée comme un lieu d'interrogatoire des services de sécurité.
« Son viol c'est notre viol à nous tous en tant que peuple, société civile, militants. Ça ne doit pas rester impuni », a déclaré le journaliste Zoheïr Aberkane, membre du Comité.
« On a déposé plainte et on demande à la justice d'intervenir selon les lois algériennes et internationales », a ajouté Nacera Hadouche, avocate.
Cette affaire survient dans un contexte de crispation du régime à l'approche du deuxième anniversaire du « Hirak », déclenché le 22 février 2019 et qui avait poussé le président Abdelaziz Bouteflika à la démission deux mois plus tard.
« L'enquête préliminaire du parquet ne doit pas être un énième subterfuge pour calmer la colère et l'indignation » et « les lieux de torture comme la caserne +Antar+ doivent être bannis », a réclamé le comité.
Selon ses organisateurs, « les conditions d'arrestation, d'incarcération et de détention des détenus rapportées par les avocats confirment des cas de maltraitance, de violence et de torture dans différentes structures de police et services de sécurité, ainsi que dans les prisons ».
Plus de 70 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie en lien avec les protestations du « Hirak » et/ou les libertés individuelles d'après le CNLD.
De son côté, le ministre de la Communication Ammar Belhimer a répété cette semaine qu'« il n'existe pas de prisonniers d'opinion en Algérie ».