Un trophée éphémère pour les contestataires à Beyrouth: la prise d'un ministère

Les manifestants à Beyrouth. (AFP)
Les manifestants à Beyrouth. (AFP)
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Publié le Samedi 08 août 2020

Un trophée éphémère pour les contestataires à Beyrouth: la prise d'un ministère

  • "Révolution, révolution", "Révolutionnaire libre, on va poursuivre le chemin", scandent-ils en choeur. "Dégage, Michel Aoun!"
  • Certains brandissent des potences de fortune, symbolisant la colère populaire après l'explosion meurtrière qui a fait mardi plus de 150 morts et 6.000 blessés

Beyrouth: Sous les élégantes moulures du hall d'entrée endommagé, les manifestants se prennent en photo. Mobilisés samedi après l'explosion meurtrière au port de Beyrouth, les contestataires ont décroché un trophée inattendu en prenant d'assaut le ministère des Affaires étrangères.

"On était environ 100, il y avait quelques policiers à la porte, ils l'ont ouverte et on est entrés, il y a pas eu de heurts", raconte Tony Kayrouz, un militaire à la retraite qui a donné l'assaut avec ses camarades sur le ministère.

A la tête de ce commando atypique? Le général à la retraite Sami Rammah qui a servi sous les ordres du président Michel Aoun, quand ce dernier était commandant-en-chef de l'armée durant la guerre civile.

Le double escalier d'entrée de l'élégante villa est envahi par des dizaines de manifestants, des militaires à la retraite mais pas seulement.

Certains brandissent des potences de fortune, symbolisant la colère populaire après l'explosion meurtrière qui a fait mardi plus de 150 morts et 6.000 blessés. 

"Révolution, révolution", "Révolutionnaire libre, on va poursuivre le chemin", scandent-ils en choeur. "Dégage, Michel Aoun!".

"Félicitations, on a récupéré le ministère", se réjouit l'un d'eux.

D'immenses bannières rouges ont été déroulées sur toute la façade depuis le toit, proclamant "Beyrouth capitale de la Révolution".

Les manifestants attendent leur tour pour entrer par petits groupes dans le hall de réception, craignant que le bâtiment fortement endommagé par l'explosion ne soit instable sur ses fondations.

Dans un coin, près d'un escalier en fer forgé, des tas de décombres. Sous une fenêtre aux vitres soufflées, un amoncellement de meubles, de fauteuils et de tapis. Sur les murs se trouvent encore des portraits en noir et blanc des ministres successifs.

Mais il en manque plusieurs, notamment celui de Gebran Bassil, gendre du président et honni par la rue. Tombé lors de l'explosion? Décroché par des manifestants?

- "Notre première victoire" -

Certains posent pour une photo souvenir derrière un pupitre utilisé pour les conférences de presse, frappé du cèdre du Liban doré. Ils prennent des "selfies" et s'aventurent avec curiosité dans quelques pièces pour prendre des photos.

"C'est ici que s'asseyait Gebran Bassil", lance en riant un manifestant, pointant du doigt un canapé de style Empire auquel il manque un accoudoir.

"Il n'y a pas un autre ministère à prendre d'assaut?" s'amuse un autre protestataire.

"C'est notre première victoire et on va les poursuivre jusque dans leurs maisons. On ne va pas leur donner l'occasion de reprendre leur souffle. Ce sont tous des criminels", lance Nadim, en regardant par une fenêtre. "On va leur faire rendre des comptes et leur rendre la vie impossible".

Depuis le début des manifestations antigouvernementales à l'automne 2019, un petit groupe de militaires à la retraite participe activement au mouvement pour dénoncer l'incurie du pouvoir.

"Le président Michel Aoun n'a pas respecté son serment, à cause de la corruption du système", lance l'ancien général Rammah, rasé de près et en polo rose.

"J'avais de l'espoir en Aoun et j'attendais son retour de France. Maintenant on demande +Pourquoi il ne repart pas en France+", lâche-t-il. "Cette République est gérée comme une ferme, la classe au pouvoir est incapable de gérer un Etat". 

Un manifestant pose sous un imposant chandelier, confiant son téléphone portable à un ami. "Prends une photo de moi en contre-plongée, pour que l'on puisse tout voir", lance-t-il. "Avec le flash". 

"Nos salaires valent maintenant 20 ou 40 dollars pendant que les députés et les ministres dévorent le pays", lance un autre militaire retraité. "Le peuple doit se réapproprier ce qui est à lui". 

A la grille d'entrée, les manifestants ont afflué pendant de longues minutes, drapeau libanais en main. "Rapportez des matelas les jeunes, on va rester ici", lance fièrement un contestataire.

Que nenni: l'armée libanaise a commencé à les déloger peu après.


Dans Gaza affamée, des Palestiniens se rabattent sur la viande de tortue

(Photo AFP)
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  • Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
  • « La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

KHAN YOUNES, TERROIRES PALESTINIENS : Dans une bande de Gaza où les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines.

« Les enfants étaient réticents, on leur a dit que c'était aussi délicieux que du veau », explique Majida Qanan, qui surveille les morceaux de viande rouge mijotant sur un feu de bois.

« Certains en ont mangé, d'autres pas. »

Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Depuis 18 mois de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le territoire et ses 2,4 millions d'habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique.

« La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l'aide. Le mouvement palestinien dément ces accusations et accuse en retour Israël d'utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), la bande de Gaza est aujourd'hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël.

En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu'ils en étaient parfois réduits à se nourrir d'aliments pour animaux ou d'herbe, et à boire l'eau des égouts.

Entretemps, une trêve, entrée en vigueur le 19 janvier, a permis d'augmenter les livraisons humanitaires, jusqu'au nouveau blocage israélien du 18 mars, suivi de la reprise de ses opérations militaires.

Les tortues, elles, sont tuées selon les rites halal, c'est-à-dire conformément aux préceptes de la religion musulmane, affirme Abdul Halim Qanan.

« S'il n'y avait pas de famine, on n'en mangerait pas, mais il faut bien compenser le manque de protéines avec quelque chose ».


Le président syrien reçoit un membre républicain du Congrès américain

Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
Le président Al-Sharaa rencontre Cory Mills, membre du Congrès américain, à Damas. (Courtesy : SANA)
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  • En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions
  • C'est la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

DAMAS : Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, s'est entretenu à Damas avec un membre du Congrès américain, a indiqué samedi la présidence syrienne, ce qui constitue la première visite du genre pour un élu américain depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre.

Cory Mills, membre du parti républicain, est arrivé vendredi en Syrie, accompagné de Marlin Stutzman, également membre du parti de Donald Trump.

Le nouveau président a rencontré M. Mills au palais présidentiel à Damas en présence de son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Peu après l'arrivée d'Ahmed Chareh, Washington avait annoncé ne plus proposer de récompense pour son arrestation, après avoir reçu des « messages positifs » lors de la première visite officielle de diplomates américains à Damas après l'éviction de M. Assad.

Le nouveau gouvernement syrien cherche à obtenir une levée des sanctions internationales imposées à l'époque de Bachar al-Assad afin de relancer l'économie du pays, exsangue après 14 années de guerre civile.

Toutefois, certains pays souhaitent attendre de voir si les nouvelles autorités vont respecter les droits humains. 

En janvier, les États-Unis ont annoncé un allègement temporaire des sanctions pour « ne pas entraver » la fourniture de services essentiels à la population syrienne. Ils ont cependant précisé qu'ils n'envisageraient pas d'assouplir davantage les sanctions tant que des progrès sur des priorités telles que la lutte contre le « terrorisme » n'auront pas été constatés.

Les sanctions économiques ont un impact lourd sur le pays, où 90 % des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

Une délégation ministérielle syrienne et le gouverneur de la Banque centrale doivent participer à des réunions avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à Washington la semaine prochaine, ont récemment indiqué deux sources proches des participants.

La visite des deux élus américains intervient alors que les États-Unis ont annoncé le retrait prochain d'environ un millier de soldats américains déployés en Syrie pour lutter contre les jihadistes.

Washington a également mis en garde le même jour contre le risque d'attaques « imminentes » en Syrie, selon un message diffusé sur le site de l'ambassade américaine, fermée depuis 2012.


Les États-Unis annoncent réduire de moitié leurs effectifs militaires en Syrie

Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
Les États-Unis ont commencé à retirer des centaines de soldats du nord-est de la Syrie, a rapporté le New York Times jeudi. (AFP/File)
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  • Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.
  • La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

WASHINGTON : Les États-Unis ont annoncé vendredi qu'ils allaient réduire de moitié leur présence militaire en Syrie, estimant avoir lutté avec « succès » contre le groupe État islamique (EI), même si des groupes djihadistes demeurent actifs dans un pays encore fragile.

Cette décision intervient près de trois mois après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui est défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place et prône un retour à une politique isolationniste des États-Unis.

Les États-Unis sont présents sur le sol syrien depuis des années, notamment dans le cadre de la coalition internationale contre l'EI.

La présence américaine en Syrie va être ramenée « à moins d'un millier de soldats dans les mois prochains », sur environ 2 000 actuellement, a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone, dans un communiqué.

« Cette consolidation démontre les progrès considérables réalisés pour réduire l'attrait et les capacités opérationnelles du groupe Etat islamique, tant dans la région que dans le monde », a-t-il dit, évoquant plus globalement « le succès des États-Unis contre l'EI ».

Arrivé au pouvoir à Washington le 20 janvier, Donald Trump est depuis longtemps sceptique sur la présence militaire en Syrie. Et la chute fin décembre de Bachar al-Assad, remplacé à la tête du pays par une coalition menée par des islamistes, n'a pas changé la donne.

La prise de contrôle de pans entiers de la Syrie et de l'Irak par l'EI à partir de 2014 a déclenché l'intervention d'une coalition internationale menée par les États-Unis, dont l'objectif principal était de soutenir les unités de l'armée irakienne et les Kurdes qui combattaient l'EI au sol par les airs.

Mais Washington a alors aussi déployé des milliers de ses soldats pour soutenir ces troupes locales et mener ses propres opérations militaires.
« L'armée américaine va rester prête à mener des frappes contre ce qu'il reste de l'EI en Syrie », a déclaré vendredi le porte-parole du Pentagone, qui dit maintenir « des capacités importantes dans la région ».

Les États-Unis disposent actuellement d'environ 2 500 soldats en Irak, un chiffre appelé à diminuer.

La sécurité en Syrie reste précaire depuis la chute de Bachar al-Assad, après près de 14 ans d'une guerre déclenchée par la répression violente de manifestations antigouvernementales en 2011.

À la tête de forces de sécurité dominées par d'anciens rebelles islamistes, les autorités syriennes de transition ont la lourde tâche de maintenir la sécurité dans un pays multiethnique et multiconfessionnel où de nombreux groupes armés, parmi lesquels des djihadistes, sont encore présents.