NEW YORK: Anxiété, dépression, auto-mutilations, voire suicides: avec la pandémie, un nombre croissant de jeunes Américains souffrent de troubles mentaux, poussant médecins, parents et éducateurs à tirer la sonnette d'alarme.
Des millions d'élèves et étudiants, condamnés aux cours en ligne, souvent depuis mars dernier, sont réduits à passer des heures devant l'ordinateur, privés de jeux, d'interactions en personne, de cours de sport, d'art ou de musique.
Urgences psychiatriques
Aucun chiffre national sur les suicides d'adolescents, en hausse aux Etats-Unis depuis 10 ans, n'est encore disponible pour 2020.
Mais certains cas locaux sont frappants: dans un comté du Nevada qui englobe Las Vegas, 19 élèves se sont suicidés depuis mars, plus du double du chiffre de 2019. S'ils ne peuvent être attribués directement à la pandémie, les autorités, sous pression, ont annoncé la réouverture prochaine des écoles.
Pour Carlos Arballo, thérapeute au collège de Lawrence de Los Angeles, 100% virtuel depuis mars, "l'anxiété et la dépression sont énormes".
"Si pour les adultes la Covid a été une crise sanitaire, pour les enfants c'est une crise de santé mentale", explique Susan Duffy, professeure de pédiatrie et de médecine d'urgence à l'université Brown.
Selon les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), les visites de jeunes de 12 à 17 ans aux urgences psychiatriques ont augmenté de 31% entre mars et octobre 2020, par rapport à la même période de 2019, tandis que celles des jeunes de 5 à 11 ans augmentaient de 24%.
Susan Duffy en fait l'expérience directement dans l'hôpital de l'Etat de Rhode Island où elle travaille. Comme nombre de ses collègues à travers les Etats-Unis, dit-elle, elle observe "une augmentation des chiffres des tentatives de suicide".
"Nous voyons plus d'enfants qui veulent s'infliger des blessures, assimilable à des tentatives de suicide, ce qui est très, très inquiétant", dit-elle.
Bras-de-fer avec les syndicats
Devant toutes ces données inquiétantes, la bataille pour la réouverture des écoles fait rage.
Les élèves sont "sans professeurs ou adultes bienveillants extérieurs au cercle familial, qui sont souvent ceux qui détectent des signes subtils de crise, de dépression, d'anxiété", souligne Mme Duffy.
Aux Etats-Unis, l'ouverture des établissements dépend de chaque district scolaire. Actuellement, 38% des écoles américaines ne proposent que de l'enseignement en ligne, contre 62% en septembre, selon le site Burbio qui suit les réouvertures d'écoles.
Fin janvier, un rapport des CDC a encouragé les réouvertures, en soulignant que les écoles observant distanciation physique, port du masque, et autres précautions sanitaires n'avaient pas constaté de propagation rapide du coronavirus en leur sein.
Mais les syndicats d'enseignants, inquiets de la contagion, résistent. Comme à Chicago, où mairie et syndicats ont engagé un bras-de-fer avec menace de grève, ou à Los Angeles, où les syndicats réclament que tous les enseignants soient vaccinés avant de rouvrir.
Les élèves sont "enfermés depuis bientôt un an, prisonniers des syndicats", déplore Deanna Caputo, la mère psychologue d'Arlington.
La réouverture est d'autant plus urgente que le stress généré par la pandémie, la hausse du chômage et de la précarité ont augmenté les cas de maltraitance familiale, selon les CDC.
"Ceux qui alertent sont souvent des enseignants", souligne Mme Caputo. "Quand les parents sont désespérés, il y a tendance aux comportements violents, à l'alcoolisme, et aux violences physiques et mentales".