ANVERS : Un diplomate iranien a été condamné jeudi en Belgique à la peine maximum de 20 ans de prison pour avoir projeté un attentat contre un rassemblement d'opposants au régime de Téhéran en France, une tentative déjouée in extremis par la justice antiterroriste belge il y a près de trois ans.
Le jugement a été applaudi par les militants du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) qui avaient rallié le tribunal d'Anvers (nord) où a été jugée l'affaire. C'est leur grand rassemblement annuel de Villepinte, près de Paris, qui était la cible de ce projet avorté, à l'été 2018.
Le diplomate Assadollah Assadi, 49 ans, jugé avec trois complices pour «tentatives d'assassinat à caractère terroriste» et «participation aux activités d'un groupe terroriste», a écopé de la peine maximale conformément à ce qu'avait demandé l'accusation lors du procès fin novembre.
Considéré comme le coordinateur de l'opération, il nie les faits et était absent à l'énoncé du jugement.
Joint par l'AFP à la mi-journée, son avocat Me Dimitri de Béco, a indiqué qu'il ferait «vraisemblablement» appel de la décision. «Je dois d'abord l'analyser attentivement avec mon client», a-t-il ajouté.
L'Union européenne va également «analyser les implications du jugement», a dit un de ses porte-parole, en fustigeant les actes «inacceptables» du diplomate, qui était à l'époque en poste à l'ambassade d'Iran à Vienne.
«Terrorisme d'Etat»
M. Assadi «figure sur la liste antiterroriste» de l'UE, a ajouté ce porte-parole, Peter Stano, interrogé lors du point presse quotidien de l'exécutif européen. Cela implique en général une interdiction de séjour et un gel des avoirs sur le territoire des 27 pays membres.
Ce dossier, mêlant espionnage et terrorisme, a suscité des tensions diplomatiques entre Téhéran et plusieurs capitales européennes, dont Paris.
Le régime iranien avait prévenu en amont du jugement qu'il ne le reconnaîtrait pas, affirmant que la procédure initiée par la justice belge n'était «pas légitime, en raison de l'immunité diplomatique» de M. Assadi.
Les opposants ciblés ont dénoncé de leur côté un projet relevant du «terrorisme d'Etat», qui aurait pu provoquer «un bain de sang» alors que des milliers de personnes assistaient à ce meeting de Villepinte.
Un attentat à la bombe devait viser le 30 juin 2018, dans ce complexe d'expositions, la grand messe annuelle du CNRI, coalition d'opposants dont la principale composante est l'organisation des Moudjahidine du peuple (MEK).
Le jour même, un couple belgo-iranien domicilié à Anvers est arrêté par la police belge dans les environs de Bruxelles en possession de 500 grammes d'explosif TATP et d'un détonateur dans sa voiture.
L'interpellation a lieu in extremis et le rassemblement se tient comme prévu avec ses invités de prestige, dont une vingtaine sont parties civiles dans la procédure aux côtés du CNRI (entre autres la Franco-Colombienne et ex-otage des FARC Ingrid Betancourt).
De 15 à 18 ans pour les complices
En chemin pour regagner l'Autriche, M. Assadi est arrêté le 1er juillet en Allemagne, où les enquêteurs estiment qu'il ne bénéficie plus de son immunité diplomatique.
Ces derniers sont en possession d'images le montrant en tenue de touriste, avec chapeau et appareil photo, le 28 juin à Luxembourg, en train de remettre un paquet contenant la bombe au couple belgo-iranien.
Selon l'accusation, l'enquête a montré qu'Assadi est en réalité un agent du renseignement iranien «agissant sous couverture diplomatique», et qu'il a coordonné ce projet terroriste en s'appuyant sur trois complices, le couple domicilié à Anvers ainsi qu'un ancien poète dissident iranien exilé en Europe.
La femme du couple, Nasimeh Naami, 36 ans, a été condamnée à 18 ans de prison - le tribunal épinglant sa personnalité particulièrement «manipulatrice» - et son compagnon Amir Saadouni (40 ans) à 15 ans.
L'ex-dissident Mehrdad Arefani (57 ans), présenté comme un agent du renseignement iranien agissant depuis la Belgique, écope d'une peine de 17 ans. Seul prévenu présent, il est resté impassible au prononcé de sa condamnation.
Sur Twitter, la dirigeante du CNRI Maryam Radjavi a salué «un triomphe pour la population et la résistance iraniennes».
«Le tribunal nous a donné raison sur tous les points», s'est réjoui Me Rik Vanreusel, un avocat du CNRI.
Il a reconnu «la responsabilité des services secrets iraniens» qui «ont donné la bombe et les ressources financières» permettant de fomenter ce projet, a renchéri Me Georges-Henri Beauthier, défendant lui aussi les parties civiles.