PARIS: Attention à la «double peine»: la pandémie de coronavirus a non seulement créé de nouvelles situations de précarité mais aussi aggravé la situation des millions de personnes déjà pauvres et mal-logées en France, alerte lundi la Fondation Abbé Pierre (FAP) dans son rapport annuel.
Tous les indicateurs compilés par l'association ont viré au rouge: le Secours populaire a recensé en 2020 une hausse de 45% des demandes d'aide alimentaire par rapport à 2019, tandis que les Restos du Cœur prévoient d'accueillir plus d'un millions de personnes cet hiver, contre 875 000 en 2019-2020.
«Témoignant déjà de "l'onde de choc" provoqué par la crise sanitaire, le nombre d'allocataires du RSA a augmenté de près de 10% durant l'année 2020, passant de 1,9 million à 2,1 millions de personnes», ajoute le rapport.
Et ces auteurs redoutent que la hausse du nombre de chômeurs attendue cette année n'aggrave encore la situation.
L'apparition de ces nouveaux pauvres s'est naturellement traduite sur le front du logement, détaille la Fondation Abbé Pierre, qui explique avoir exposé «dès l'automne 2020, des ménages précipités dans des procédures d'expulsion en raison d'impayés accumulés dès le premier confinement».
En 2020, 3500 personnes ont été expulsées de leur logement, selon un rapport parlementaire publié dimanche, une baisse de 79% par rapport à 2019 due à l'extension de la trêve hivernale jusqu'au 10 juillet pour cause de crise sanitaire.
«Ça nous mine»
Un sondage révèle lui que 14% des Français ont eu des difficultés liées au logement (paiement des loyers, vétusté) depuis mars 2020 et 29% expriment des craintes à ce sujet pour 2021.
«En temps normal, on arrive à se débrouiller, on n'avait jamais demandé d'aide avant», assure Sarah Montfort. Pressé par la situation, son mari s'est résolu à accepter un emploi de désosseur dans un abattoir du groupe Bigard. «Le voir faire ça à son âge, ça me désole», confie son épouse.
Ces nouveaux précaires sont venus grossir les rangs de ceux qui souffraient déjà de mal-logement avant la pandémie, confrontés à une «double peine».
En 2020, la Fondation Abbé Pierre recensait dans le paye 4,1 millions de mal-logés, dont 300 000 sans domicile.
«Epreuve cruelle»
Les périodes de confinement ont particulièrement aggravé la situation des sans-abri, «dont les principales ressources se trouvent dans la rue et qui dépendent d'associations, souvent fragiles, pour tenir la tête hors de l'eau», explique l'association.
«Il y a de nouveaux pauvres mais il ne faut pas oublier pour autant les anciens pauvres», résume Manuel Domergue, directeur des études de la fondation. De nombreuses personnes installées dans des logements petits, surpeuplés ou insalubres ont aussi vécu le confinement comme une épreuve cruelle.
Abdel Hasid Ouchani, un père de famille de 46 ans, l'a vécu dans un studio envahi par l'étape à Montigny-les-Cormeilles (Val-d'Oise) depuis 2015, avec sa femme et son fils de 4 ans.
«C'était dur pour tout le monde de rester à l'intérieur, mais quand vous avez des coupures d'électricité et d'eau, ou des risques d'effondrement à cause de fissures au mur ... On est toujours sur le qui-vive, même quand on fait des choses banales du quotidien», raconte l'homme, qui a lancé en 2018 une procédure contre son propriétaire pour obtenir des travaux. En vain jusque-là.
«L'humidité est partout, beaucoup de prises électriques ne fonctionnent pas», détaille-t-il, «psychologiquement c'est pas possible, il faut être solide».
Abdel Hasid Ouchani affirme que sa demande de relogement est bloquée en raison de la situation irrégulière de sa femme. Son rendez-vous en préfecture avait été fixé au 17 mars 2020, le jour du début du premier confinement. Il a été reporté au ... 5 février 2021.