PARIS: Trois hommes soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat dans la région parisienne en décembre 2016 doivent comparaître à partir de lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris après avoir été confondus grâce à un agent infiltré du renseignement intérieur.
Infiltré au cœur des réseaux du groupe État islamique (EI), ce "cyber-patrouilleur" de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a permis l'arrestation des accusés --âgés de 41 ans pour d'eux d'entre eux et de 30 ans pour le troisième-- et, peut-être, empêché de nouveaux attentats.
Cet agent, dont le nom de code est "Ulysse", témoignera par visio-conférence et le visage caché durant ce procès pour association de malfaiteurs en vue de la préparation "d'actes de terrorisme", qui doit durer jusqu'au 19 février.
Permise depuis 2007 dans les enquêtes qui ont trait à la traite humaine et à la cyberinfiltration a été étendue en 2011 aux jeux d'argent et en 2014 à la lutte contre la criminalité organisée, dont les procédures liées au terrorisme.
Tout commence en mars 2016. La DGSI apprend par une source anonyme que l'EI souhaite se procurer des armes pour "une action violente" sur le sol français. "On veut 4 kalash avec chaque kalash 4 chargeurs et des munitions", demande dans un message sur la messagerie Telegram un "émir" de l'EI utilisant le pseudonyme "Sayyaf". C'est à ce moment qu'"Ulysse" entre en scène. Dissimulé sous l'identité du destinataire du message posté par l'émir, "Ulysse" indique à "Sayyaf" qu'il peut trouver un fournisseur d'armes.
"Sayyaf", qui cache en fait l'identité de Salah-Eddine Gourmat, un Français parti faire le jihad en Syrie en mars 2014, tombe dans le panneau.
Rendez-vous au cimetière
Il faut dire qu'"Ulysse" a particulièrement soigné sa "légende", se faisant passer pour un petit trafiquant capable de trouver un peu de tout, y compris des armes. Mais pour les armes, il faut de l'argent, explique "Ulysse" à "Sayyaf". Trois mois après leurs premiers échanges, "Sayyaf" annonce à "Ulysse" qu'il trouvera 13.300 euros dans un paquet déposé dans la fente d'une tombe du cimetière de Montparnasse.
Malgré la surveillance mise en place, la police ne parviendra pas à identifier la personne qui a déposé cette somme dans le cimetière. Mais tout n'est pas perdu. Il reste l'appât des armes. Le SIAT (service interministériel d'assistance technique), seul habilité à mener les dangereuses opérations d'infiltration physique, cache les armes --quatre kalachnikovs démilitarisées-- soi-disant achetées avec l'argent trouvé au cimetière et leurs munitions dans la forêt de Montmorency (Val-d'Oise). "Ulysse" fournit les coordonnées GPS de la cache à "Sayyaf".
Désormais, il n'y a plus qu'à attendre et interpeller ceux qui viendront récupérer les armes. Mais l'attente s'éternise... jusqu'en novembre 2016.
En Syrie, un certain "Abou Ali" (en fait, Lakdhar Sebouai, un Français parti en Syrie en décembre 2013), contacte des personnes susceptibles de commettre des attentats en France. La police identifie et interpelle deux personnes à Strasbourg, Yassine Bousseria et Hicham Makran, et une troisième à Marseille, Hicham El Hanafi.
Sur une clé USB cryptée retrouvée chez Yassine Bousseria, on trouve les coordonnées GPS de la cache d'armes transmises par "Ulysse". En exploitant le téléphone portable d'El Hanafi, la police se rend compte que l'homme s'est rendu à Montmorency tout près de l'endroit où la police avait caché les armes.
Au cours de sa garde à vue, Hicham Makran indiquera que leur commanditaire en Syrie leur avait demandé "de passer à l'action" et désigné comme cibles potentielles le siège de la DGSI, des militaires, les Champs Élysées ou encore le 36 Quai des Orfèvres. Il leur avait également fourni la localisation de la cache d'armes d''"Ulysse".
Selon l'accusation, "il n'y a aucun doute sur la finalité de l'opération qui consistait à commettre un massacre dans un ou plusieurs lieux symboliques de Paris". Une allégation vivement contestée par la défense des trois accusés.