Biden ferme face à Poutine malgré l'«accord de principe» sur le désarmement

Il s’agit du premier échange officiel entre Joe Biden et Vladimir Poutine (Photo, AFP).
Il s’agit du premier échange officiel entre Joe Biden et Vladimir Poutine (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 27 janvier 2021

Biden ferme face à Poutine malgré l'«accord de principe» sur le désarmement

  • Les relations américano-russes sont au plus bas depuis la fin de la Guerre froide, malgré les tentatives de rapprochement infructueuses de l'ex-président des Etats-Unis Donald Trump
  • Selon la Maison Blanche, les deux dirigeants ont «évoqué la volonté des deux pays de prolonger New Start pour cinq ans»

WASHINGTON: Le nouveau président américain Joe Biden a affiché mardi sa fermeté lors de son premier échange avec son homologue russe Vladimir Poutine, malgré leur «accord de principe» en matière de désarmement et les appels de Moscou en faveur d'une « normalisation » entre les deux puissances rivales.

Les relations américano-russes sont au plus bas depuis la fin de la Guerre froide, malgré les tentatives de rapprochement infructueuses de l'ex-président des Etats-Unis Donald Trump.

Son successeur Joe Biden se veut beaucoup plus offensif.

Paradoxalement, en raison d'un calendrier ultra-serré, ce nouveau chapitre s'ouvre sur une volonté de dialogue : le traité de limitation des armes nucléaires New Start, dernier accord bilatéral de ce genre, expire dans dix jours et Washington avait annoncé dès la semaine dernière vouloir le prolonger.

Selon la Maison Blanche, les deux dirigeants ont « évoqué la volonté des deux pays de prolonger New Start pour cinq ans, et ont convenu de faire travailler leurs équipes de manière urgente pour une extension d'ici le 5 février ».

Le Kremlin a même fait état d'un « accord de principe » dans un projet de loi transmis au Parlement, après avoir fait état de « l'échange » mardi de « notes diplomatiques sur la prolongation » accompagné de « contacts énergiques » pour reconduire le traité « dans l'intérêt des deux pays, comme du monde entier ».

« Nous sommes parvenus à un accord avec la Russie sur le fait qu'il faut aller vite pour conclure un tel accord d'ici le 5 février », a précisé le département d'Etat américain.

 

Trump... Discret mais influent

Depuis sa luxueuse résidence en Floride, l'ex-président Donald Trump continue d'exercer une forte influence sur le parti républicain, soutenant ses alliés dans leurs visées électorales tout en tentant d'étouffer, au Sénat, toute volonté de le condamner dans son procès en destitution.

L'une de ses fidèles au Congrès, la nouvelle élue ultra-trumpiste Marjorie Taylor Greene, avait lancé un « avertissement » clair à ses collègues, au jour de son départ de la Maison Blanche.

« La vaste majorité des électeurs, bénévoles et donateurs républicains ne sont plus loyaux au parti républicain et à ses candidats juste parce qu'ils ont un ‘R’ à côté de leur nom. Leur loyauté revient désormais à Donald J. Trump », a-t-elle tweeté le 20 janvier.

Même privé de son compte Twitter et des projecteurs braqués sur la Maison Blanche, le milliardaire domine encore l'actualité américaine, avec l'ouverture formelle, lundi soir, de son procès historique en destitution. Et il occupe les esprits des sénateurs républicains qui seront chargés de le juger en février.

L'entourage de Donald Trump aurait fait circuler l'idée de créer une nouvelle formation, le « parti patriote », selon le Washington Post. Une « menace » sur les sénateurs conservateurs, inquiets de voir leurs électeurs le rejoindre dans ce cas.

Mais il aurait aussi fait dire qu'il ne comptait pas créer de nouveau parti, pour signaler à ceux qui voudraient le condamner qu'il encouragerait des opposants à se présenter contre eux lors de leurs prochaines primaires, selon Politico.

Le démocrate américain s'est aussi dit prêt à « envisager des discussions en matière de stabilité stratégique sur une série de questions liées au contrôle des armements et à la sécurité ». Il se démarque sur ce terrain de son prédécesseur républicain, qui n'avait pas réussi à reconduire New Start -- ou pas voulu le faire -- et s'était retiré d'autres traités.

Donald Trump avait notamment claqué la porte avec fracas de l'accord international sur le nucléaire iranien, dont Moscou est un des signataires.

« Empoisonnement d'Alexeï Navalny »

Le sujet, au menu de l'appel téléphonique, devrait aussi être assez consensuel, Joe Biden ayant promis de revenir dans cet accord. Mais les modalités risquent d'entretenir les tensions : la Russie a demandé au gouvernement américain de faire le premier pas, alors que les Etats-Unis exigent que ce soit l'Iran qui renoue d'abord avec ses engagements, dont il s'est partiellement affranchi.

Au-delà de ces sujets, le président américain a soulevé toutes les questions qui fâchent.

Il a ainsi « réaffirmé notre soutien ferme à la souveraineté de l'Ukraine face à l'agression persistante de la Russie », a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki.

Joe Biden a également fait part de sa « préoccupation » au sujet de « l'empoisonnement d'Alexeï Navalny », l'opposant russe arrêté le 17 janvier à son retour en Russie après une convalescence de cinq mois en Allemagne, ainsi que du « traitement des manifestants pacifiques par les forces de sécurité russes ».

Il a ensuite évoqué, selon sa porte-parole, les « ingérences dans l'élection de 2020 » aux Etats-Unis, la récente cyberattaque géante contre des ministères américains imputée par Washington à Moscou, et les informations selon lesquelles la Russie aurait payé des « primes » à des talibans pour tuer des soldats américains en Afghanistan. Autant de sujets minimisés par Donald Trump, malgré l'indignation générale qu'ils suscitent dans la classe politique américaine.

« Le président Biden a dit clairement que les Etats-Unis agiront avec fermeté pour défendre nos intérêts nationaux face aux actes de la Russie qui nuiraient à nous ou nos alliés », a ajouté la Maison Blanche dans un communiqué.

Comme il le fait régulièrement, Vladimir Poutine a de son côté dit soutenir « une normalisation des relations entre la Russie et les Etats-Unis », qui selon lui « répondrait aux intérêts des deux pays mais aussi de ceux de toute la communauté internationale, étant donné leur responsabilité particulière dans le maintien de la sécurité et de la stabilité dans le monde », a rapporté la présidence russe.


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".