Comment le monde arabe peut rattraper son retard vis-à-vis de l'alimentation du futur

Un repas avec un nugget à base de viande de poulet cultivée en laboratoire à Singapour, le premier pays à autoriser la vente de viande créée sans abattre d'animaux, le 22 décembre 2020 (Photo, AFP).
Un repas avec un nugget à base de viande de poulet cultivée en laboratoire à Singapour, le premier pays à autoriser la vente de viande créée sans abattre d'animaux, le 22 décembre 2020 (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 25 janvier 2021

Comment le monde arabe peut rattraper son retard vis-à-vis de l'alimentation du futur

  • Les investisseurs recherchent un environnement réglementaire qui favorise les innovations telles que les alternatives à base de plantes et l'agriculture cellulaire
  • Le prince saoudien Khaled ben Alwaleed ben Talal Al-Saud, fondateur et PDG de KBW Ventures, souhaite que les start-ups technologiques résolvent le défi de la durabilité

DUBAI: La viande cultivée en laboratoire peut ressembler à un mélange inventif de science-fiction immangeable, mais grâce aux nouvelles innovations dans l'agriculture cellulaire, combinées à la demande croissante des consommateurs pour des alternatives durables, les steaks fabriqués en laboratoire pourraient bientôt être au menu.

Les menaces qui pèsent sur les systèmes alimentaires mondiaux et l'agriculture sont apparues depuis que la pandémie de Covid-19 a perturbé les chaînes de valeur régionales, sensibilisant à l'importance de la santé publique et de la réglementation des nouvelles techniques scientifiques.

Pour le Moyen-Orient en particulier, la crise a été un coup de semonce pour les décideurs politiques parfaitement conscients du retard pris dans les sciences de l'alimentation ; un écart que l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis espèrent maintenant pouvoir combler.

« La science alimentaire est certainement quelque chose qui manque ici », a affirmé le prince Khaled ben Alwaleed ben Talal Al-Saud, fondateur et PDG de KBW Ventures, lors d'une récente table ronde virtuelle sur « L'avenir de l'alimentation: nouveaux goûts, nouvelles priorités et nouvelles technologies ».

« Nous l'avons exprimé à plusieurs reprises et nous travaillons de fait avec le gouvernement des Émirats arabes unis pour créer une sorte d'écosystème dans le but de développer cela».

Les alternatives végétariennes aux hamburgers et aux saucisses, relancées par des start-ups comme « Beyond Meat » et « Impossible Burger », bénéficient d'un certain enthousiasme dont les géants de la viande veulent également profiter. (Photo, AFP).

La table ronde, organisée dans le cadre de la Semaine de la durabilité d'Abou Dhabi (18-21 janvier), a examiné comment les besoins alimentaires du monde ont évolué au cours des dernières décennies, de la prévention de la faim à la lutte contre l'obésité, et comment ces alimentations doivent s'adapter pour faire face aux nouvelles réalités.

«Il y a cinquante ans, la science alimentaire a été créée pour la sécurité alimentaire non pas  pour la santé alimentaire», a déclaré Gabrielle Rubenstein, cofondatrice et directrice générale de la société américaine de capital-investissement Manna Tree, à la table ronde.

«Ils essayaient simplement de nourrir le monde et de produire en masse, sans savoir que cela provoquerait des cancer ou de l'obésité, par exemple».

De nos jours, le coût du traitement des maladies chroniques causées par l'obésité aux États-Unis équivaut à environ 9% de son produit intérieur brut (PIB), tandis que 70% des décès sont causés par des modes de vie liés à une mauvaise alimentation.

Les solutions pourraient consister à de nouvelles innovations scientifiques menées par les start-ups. L'ingrédient manquant, selon Rubenstein, est tout simplement l'adaptabilité. « C'est quelque chose sur lequel nous devons tous travailler ensemble », a-t-elle déclaré. « La seule façon d'y parvenir est de mettre à profit les connaissances et la recherche sur l'innovation. Il ne s’agit pas forcément de mettre la nourriture entre les mains d’un pays ; ce qui manque cruellement, ce sont les connaissances en matière d’innovation ».

Ce document non daté de «Eat Just publié le 19 décembre 2020 montre un nugget fabriqué à partir de viande de poulet cultivée en laboratoire dans un restaurant de Singapour (Photo, AFP).

Les universités des Émirats arabes unis, par exemple, n'ont actuellement pas de programme de doctorat en science alimentaire, ce qui n’aide pas les startups régionales dont l'objectif est de créer les aliments du futur. L'entreprise de Rubenstein veut changer tout cela. « Prenons notre modèle de chercheurs et appliquons le dans vos universités pour que la prochaine génération produise des scientifiques de l'alimentation », a-t-elle signalé.

Un des points à retenir de la pandémie est le changement des préférences des consommateurs vers des aliments plus sains et les produits plus durables. Les experts estiment que la technologie et les réglementations devront s'adapter rapidement de manière à répondre à ces demandes variables.

« Nous traversons ce qui est probablement la période la plus difficile au cours des 20 dernières années », a avoué le prince Khaled. « De mon point de vue, c’est la chose la plus importante qui nous soit arrivée, car elle a détourné l’attention des gens vers les vraies priorités ».

En réponse à ces nouvelles demandes, les détaillants allouent déjà plus d'espace de stockage à des produits tels que Beyond Meat, Impossible Foods et d'autres alternatives à base de plantes, car les consommateurs réduisent de plus en plus leurs produits d'origine animale.

En Bref

Cellules cultivées

* Singapour est devenu le premier pays au monde en décembre 2020 à approuver un produit de viande commercial fabriqué à partir de cellules animales de culture pour la consommation humaine.

Les scientifiques sont allés plus loin en explorant les possibilités révolutionnaires de l'agriculture cellulaire telles que la production de protéines, de graisses et de tissus à l'aide de cultures cellulaires de laboratoire qui, auparavant, provenaient d’abattoirs.

En décembre 2020, la société de protéines alternatives installée à San Francisco, Eat Just, a annoncé que son produit de poulet de culture avait été approuvé pour la vente à Singapour ; c’était la première fois que de la viande fabriquée à partir de cellules animales de culture avait été approuvée pour la consommation humaine.

«Je salue Singapour pour l'énorme courage qu'il a fallu en vue de commencer à réglementer l'agriculture cellulaire», a déclaré le prince Khaled. «Le fait que cela se produise pendant cette pandémie n’est pas un hasard. Elle a ouvert les yeux des gens concernant les maladies zoonotiques qui existent ».

Des concentrations élevées de bétail sont, sans aucun doute, des terrains propices aux épidémies. En effet, les scientifiques pensent que le coronavirus responsable de la pandémie de Covid-19 est originaire d'animaux vendus sur un marché d'animaux vivants de la ville chinoise de Wuhan avant de passer aux humains.

La table ronde, organisée dans le cadre de la Semaine de la durabilité d'Abou Dhabi (18-21 janvier), a examiné comment les besoins alimentaires du monde ont évolué au cours des dernières décennies, de la prévention de la faim à la lutte contre l'obésité (Photo, fournie).

Les experts estiment que délaisser l'élevage de masse de viande, d'œufs et de produits laitiers pourrait non seulement réduire le risque de futures épidémies zoonotiques, mais également réduire la pression sur l'environnement.

Le prince Khaled souhaite voir les entreprises travaillant dans l'agriculture cellulaire et les protéines végétales démontrer comment elles peuvent faire face à la pénurie de nourriture et de terres. « C’est ce moment ou jamais qu’il faut trouver des solutions fiables », a-t-il déclaré.

Avec environ 9,7 milliards de personnes à nourrir d'ici 2050, les entreprises impliquées dans ces projets devront jouer un rôle crucial dans l'élaboration des réglementations. Beaucoup dépendront ainsi de ce que les gouvernements choisiront de subventionner.

«En fin de compte, l'avenir sera définitivement résolu grâce à des personnes comme ces panélistes ; des personnes qui ont l'argent, le soutien et les investisseurs pour le faire», a expliqué le prince Khaled.

« Mais, plus important encore, c’est une combinaison gagnante, lorsque vous avez des entrepreneurs qui partagent cette vision avec vous. Nous avons investi dans une entreprise qui expédie des semences biologiques aux gens pour qu'ils les cultivent chez eux. Celles-ci ne résoudront certainement pas les problèmes mondiaux ou la faim, mais ces éléments combinés représentent la seule véritable façon de faire évoluer les choses ».

L'environnement réglementaire devra évoluer avec le temps afin d’assurer une transition harmonieuse. Singapour ouvre actuellement la voie, son agence alimentaire travaillant d’arrache -pied en étroite collaboration avec les start-ups spécialisées.

« Je viens de Californie et je suis à Singapour depuis plusieurs années, mais je n'ai jamais rien vu de tel », a déclaré Max Rye, stratège en chef chez TurtleTree Labs, une société de biotechnologie basée à Singapour fondée en 2019 spécialisée dans la production des produits laitiers fabriqués en laboratoire.

La viande d’un laboratoire américain est présentée au Disgusting Food Museum (Musée de la nourriture dégoûtante) le 6 décembre 2018 à Los Angeles, en Californie (Photo, AFP).

« Nous rencontrons l'agence sur une base très régulière. Les responsables posent des questions sur la manière dont nous pouvons travailler ensemble afin de mettre nos produits sur le marché; cela n’est pas du tout ce que j’ai l’habitude d’entendre », a-t-il déclaré.

En revanche, aux États-Unis, une grande partie de cette discussion tournera autour de la sécurité alimentaire et de la toxicologie, a-t-il ajouté.

« S'il y avait une recommandation, ce serait simplement de travailler beaucoup plus étroitement avec vos startups », a affirmé Rye. « Ces types d'entreprises tentent de résoudre les problèmes les plus importants liés surtout au changement climatique ».

KBW Ventures a récemment augmenté son investissement dans TurtleTree Labs et le Prince Khaled a rejoint l'entreprise en tant que conseiller officiel. Il détient également des investissements dans la société californienne Beyond Meat.

Le prince Khaled est entièrement d’avis qu'un environnement qui s’occupe de la nourriture soit réglementée sera évidemment crucial.

« Ce qui m'a impressionné avec Singapour, c'est qu'il s'agit d'une percée en matière d'approbations réglementaires », a-t-il déclaré. « J’espère vraiment que les États-Unis et le Moyen-Orient suivront ce modèle ».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Damas va «lutter activement» contre les groupes «terroristes», affirme un émissaire américain

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  • "Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack
  • Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes

DAMAS: Damas va lutter activement contre les groupes "terroristes" dont l'Etat islamique (EI), les Gardiens de la Révolution iraniens, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, a affirmé jeudi l'émissaire américain pour la Syrie Tom Barrack.

Le président américain Donald Trump a reçu lundi à la Maison Blanche son homologue syrien Ahmad al-Chareh, une première pour un chef d'Etat syrien et une consécration pour l'ancien jihadiste qui pris le pouvoir en décembre 2024 après avoir renversé Bachar al-Assad.

La coalition antijihadiste dirigée par les Etats-Unis a annoncé mercredi que la Syrie était devenue le 90ème membre de ce groupe qui avait été créé en 2014 pour combattre l'EI en Syrie et en Irak.

"Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack.

L'Iran, à travers les Gardiens de la Révolution, son armée idéologique, et le Hezbollah soutenaient militairement le pouvoir de Bachar al-Assad avant sa chute, contrairement au Hamas qui n'y avait pas de présence armée.

Une réunion tenue cette semaine à Washington avec les chefs de la diplomatie américaine Marco Rubio, turque Hakan Fidan et syrienne Assaad al-Chaibani a évoqué l'intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes et qui contrôlent de vastes pans du nord-est syrien, au sein de l'Etat, selon l'émissaire.

Soutenues par les Etats-Unis, les FDS ont été le fer de lance de la lutte en Syrie contre le groupe EI, qui y a été défait.

Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes.

Sur X, M. Abdi a indiqué avoir discuté au téléphone avec Tom Barrack de son engagement "à accélérer l'intégration des FDS au sein de l'Etat syrien".

Le pouvoir de M. Chareh et les Kurdes avaient signé un accord en mars pour intégrer dans un délai d'un an leurs institutions civiles et militaires au sein du pouvoir central mais son application a été entravée par des divergences entre les deux parties.

 


Cisjordanie : le chef de l'armée israélienne veut «mettre fin» aux violences de colons

Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
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  • Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens
  • Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes

JERUSALEM: Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies.

"Nous sommes déterminés à mettre fin à ce phénomène et nous agirons avec fermeté jusqu'à ce que justice soit rendue", a déclaré le lieutenant-général Eyal Zamir lors d'une visite à des troupes en exercice dans ce territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, selon un communiqué militaire.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaire de l'ONU (Ocha) a annoncé avoir enregistré en Cisjordanie "264 attaques de colons ayant causé des victimes, des dommages matériels ou les deux" en octobre, soit "le bilan mensuel le plus élevé en près de deux décennies de collecte de données".

Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens en lien avec une descente violente menée contre la localité palestinienne de Beit Lid, près de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie.

Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes.

Le président israélien Isaac Herzog a condamné ces exactions les qualifiant de "choquantes et inacceptables".

"L'armée ne tolérera pas de comportements criminels de la part d'une petite minorité qui ternit l'image d'une population respectueuse des lois", a déclaré le général Zamir, alors que nombre de témoignages accusent les soldats israéliens de rester passifs face à la violence de ces colons.

Ces dernières semaines, les attaques attribuées à des colons de plus en plus jeunes et violents vivant généralement dans des avant-postes (implantations illégales au regard du droit israélien et destinées à créer des faits accomplis sur le terrain) se sont multipliées en Cisjordanie, visant des Palestiniens mais aussi des militants anticolonisation israéliens ou étrangers, des journalistes et parfois aussi des soldats.

Plus de 500.000 Israéliens vivent en Cisjordanie dans des colonies régulièrement condamnées par l'ONU comme illégales au regard du droit international, au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

Les violences ont explosé dans ce territoire depuis le début de la guerre de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël. Elles n'ont pas cessé, loin de là, avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre.

Au moins 1.003 Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

 


Législatives en Irak: la liste du Premier ministre remporterait une large victoire

La liste du Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, qui brigue un second mandat, a remporté une large victoire, selon des sources proches de sa formation politique, aux élections législatives tenues mardi avec une participation inattendue. (AFP)
La liste du Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, qui brigue un second mandat, a remporté une large victoire, selon des sources proches de sa formation politique, aux élections législatives tenues mardi avec une participation inattendue. (AFP)
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  • La commission électorale irakienne devrait annoncer les premiers résultats officiels de ce sixième scrutin depuis la chute de Saddam Hussein dans le courant de la soirée
  • Le taux de participation marque une forte hausse par rapport au record historiquement bas de 41% en 2021, malgré un sentiment général d'apathie et de scepticisme, ainsi que le boycott du scrutin par l'influent leader chiite Sadr

BAGDAD: La liste du Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, qui brigue un second mandat, a remporté une large victoire, selon des sources proches de sa formation politique, aux élections législatives tenues mardi avec une participation inattendue.

Le prochain gouvernement irakien, dont la formation doit donner lieu à d'intenses tractations, devra répondre aux demandes de la société pour des emplois, ainsi que de meilleurs infrastructures, services éducatifs et de santé, dans un pays miné par la corruption et la mauvaise gestion.

Il devra aussi préserver le fragile équilibre entre les deux principaux alliés de l'Irak, l'Iran et les États-Unis, alors que le Moyen-Orient traverse une période de profonds bouleversements.

La liste chiite Coalition pour la reconstruction et le développement de M. Soudani a remporté "une victoire majeure", a affirmé mercredi auprès de l'AFP un responsable proche du Premier ministre. Deux autres sources proches ont indiqué qu'elle s'était assurée environ 50 sièges au Parlement, y devenant ainsi le principal bloc.

La commission électorale irakienne devrait annoncer les premiers résultats officiels de ce sixième scrutin depuis la chute de Saddam Hussein dans le courant de la soirée.

Alliance nécessaire 

M. Soudani s'est imposé sur la scène politique irakienne après avoir été porté au pouvoir en 2022 grâce au soutien d'une alliance regroupant des partis et factions chiites tous liés à l'Iran, le Cadre de coordination,

Les élections ouvrent la voie à la désignation d'un nouveau président, poste largement honorifique réservé à un Kurde, et d'un Premier ministre traditionnellement chiite. Un sunnite occupera le poste de président du Parlement.

Une majorité absolue étant de fait impossible à obtenir pour une seule liste, M. Soudani, si sa victoire est confirmée, devra à nouveau fédérer les factions chiites pour assurer sa reconduction.

Les partis sunnites se sont présentés séparément au scrutin, marqué par une participation de plus de 55% selon la commission électorale, l'ancien président du Parlement Mohamed al-Halboussi étant donné favori.

Dans la région autonome du Kurdistan, la rivalité entre le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) reste vive.

L'Irak a connu une stabilité inhabituelle ces dernières années, après plusieurs décennies de guerre et de répression sous Saddam Hussein et depuis l'invasion menée par les Etats-Unis en 2003 qui l'a renversé.

Les électeurs étaient appelés à départager plus de 7.700 candidats, dont près d'un tiers de femmes, pour occuper 329 sièges de députés aux mandats de quatre ans.

Le taux de participation marque une forte hausse par rapport au record historiquement bas de 41% en 2021, malgré un sentiment général d'apathie et de scepticisme, ainsi que le boycott du scrutin par l'influent leader chiite Moqtada Sadr, qui a dénoncé une "élection bancale, dominée par les intérêts sectaires, ethniques et partisans".

Développement et équilibrisme 

M. Soudani s'est pendant la campagne engagé à poursuivre sa politique de reconstruction et de développement.

Durant ses trois années de mandat, Bagdad s'est métamorphosée en un vaste chantier, avec la construction de nouveaux tunnels et ponts à travers la capitale.

Il affirme par ailleurs que son gouvernement a préservé l'Irak des turbulences régionales au cours des deux dernières années.

L'issue de cette échéance électorale est suivie de près par l'Iran et les Etats-Unis.

L'Iran espère préserver son influence chez son voisin après avoir vu ses autres alliés régionaux (Hezbollah libanais, Hamas palestinien, Houthis yéménites) affaiblis depuis deux ans par leurs conflits avec Israël.

Téhéran a en outre perdu un allié majeur avec la chute de Bachar al-Assad en Syrie fin 2024.

Et l'Irak est sous pression des Etats-Unis (qui maintiennent quelque 2.500 soldats dans le pays) pour désarmer les groupes pro-iraniens.

L'administration du président Donald Trump a nommé un envoyé spécial pour le pays, Mark Savaya, d'origine irakienne, qui a insisté sur la nécessité de voir l'Irak "libéré des ingérences étrangères malveillantes, notamment celles de l'Iran et de ses supplétifs".