PARIS: Covid ou pas, la mairie de Paris veut tenir ses engagements de création de logements sociaux, envisageant même de transformer les bureaux en lieux d'habitations, et balaie les arguments des adversaires de la densité, devenue à leurs yeux l'ennemie depuis l'épidémie.
La semaine dernière, écologistes et élus de la droite, dans une alliance inédite, ont eu raison d'un projet de construction de 80 logements sociaux (dont 60 pour des familles, et 20 pour des personnes sans domicile) prévus dans le très chic XVIe arrondissement parisien, pourtant très peu doté en la matière.
« A Paris, les écologistes sont favorables à la production de logements sociaux », a assuré le groupe écologiste dans un communiqué. Mais, « qui dit production ne dit pas forcément construction de logements », plaide-t-il, préférant « la transformation du parc immobilier existant grâce, notamment, au recours au droit de préemption ».
Le tribunal administratif, pour invalider le permis, a argué de sa « non conformité à l'actuel PLU », et d'une « insertion urbaine insuffisante » dans le quartier, rapporte la mairie.
« C'est un jugement assez politique », s'agace l'adjoint chargé du Logement, le communiste Ian Brossat.
« La densité est sur le banc des accusés. Encensée il y a encore cinq ans, et présentée alors comme une réponse à l'étalement urbain et à la fragmentation sociale, la densité serait désormais responsable de tous les maux contemporains », écrivait l'élu PCF dans une tribune publiée mi-décembre dans Le Monde. « Avec la crise sanitaire, elle serait même devenue l'ennemie public numéro un. »
La densité d'habitants au mètre carré favoriserait ainsi la propagation du virus, dans une ville où l'insuffisance d'espaces verts s'est fait sentir au cours des derniers mois.
Mais, « c'est moins la densité urbaine que le mal-logement qui serait en cause », rappelle l'élu, avec à l'appui, une étude de l'Institut pour la recherche en santé publique (IRESP) publiée en octobre. Reste que la mairie a « un objectif à atteindre: 25% de logements sociaux d'ici 2025 », rappelle Ian Brossat. Or, « nous n'atteindrons jamais cet objectif si nous ne construisons plus rien. »
Transformer bureaux en logements
Alors que le télétravail a quasi vidé les quartiers d'affaires, des chercheurs plaident pour que les collectivités partent de l'existant pour réinventer la ville de demain.
Par exemple, « les immeubles de bureaux, qui sont fermés le week-end, pourraient accueillir les associations ? Au rez-de-chaussée des immeubles de logements, on pourrait mutualiser des imprimantes, mettre des machines à laver ... des choses pas nécessairement utiles dans les logements », suggère Charlotte Girerd, responsable propective et expérimentation SNCF Immobilier, dans le journal »Nouvelles urbanités » publié en octobre.
En région parisienne, la quantité de bureaux loués a ainsi reculé de près de moitié (-45%) par rapport à un an plus tôt, selon des données récentes de professionnels du secteur.
Mardi, le capital investisseur Novaxia et quatre assureurs-vie se sont même engagés à lever un milliard d'euros d'investissements sur trois ans pour transformer des bureaux vides, espérant ainsi créer 4 000 logements d'ici trois ans, affirmait Joachim Azan, le président fondateur de Novaxia.
La Ville réfléchit ainsi au « principe de réversibilité » des locaux: « Construire dans des normes de construction qui permettent de changer un bureau en logement, un bureau en commerce, ou un commerce en logement », avance Emmanuel Grégoire, premier adjoint de la maire PS Anne Hidalgo.
En parallèle, la mairie poursuit ses projets de végétalisation et compte planter dès cette année 17 000 arbres, en utilisant notamment « les talus du périphérique », explique l'ancien élu EELV, adjoint en charge de la Végétalisation, Christophe Najdovski.
Quant à la première forêt urbaine, elle pourrait voir le jour d'ici 2023-2024, dans le XIVe arrondissement, au sud de la gare Montparnasse, avance l'élu, convaincu qu'« il ne faut pas opposer les priorités: le logement comme la végétalisation sont importants ».