DOHUK, IRAK: Des tas de tapis moelleux recouvrent les sols d'un centre commercial du nord de l'Irak qui accueille des commerçants de l'Iran voisin. Ces derniers espèrent que leurs précieux objets artisanaux pourront constituer un moyen de sortir de la pauvreté, l'économie étant touchée dans leur pays par des sanctions américaines paralysantes.
«Notre monnaie est tellement dévaluée que, quand nous arrivons dans ce pays – en plus, bien sûr, de l'échange culturel –, c'est plus rentable pour nous d’un point de vue financier», déclare l'Iranien Ramiyar Parwiz, originaire de Sanandaj, organisateur de l'exposition. «L'argent que nous recevons, qu’il soit en dollars ou en dinars, a beaucoup plus de valeur que chez nous.»
Les 24 entreprises venues de 15 villes iraniennes se sont installées cette semaine dans la ville de Dohuk, dans la région nord de l'Irak, dirigée par les Kurdes. De Sanandaj à Bijar, ils ont apporté de luxueux tapis, et d'Ispahan, de Yazd et de Hamadan, des pierres précieuses, du cuivre et de la poterie.
L’Iran fait partie des plus grands partenaires commerciaux de l’Irak. Cette coopération s’est encore développée depuis 2018 dans le cadre de la politique de l’administration Trump en Iran, qui a vu les États-Unis se retirer de l’accord nucléaire de Téhéran conclu en 2015 avec les puissances mondiales et imposer des sanctions punitives au pays.
Des dizaines de milliers de pèlerins iraniens visitent chaque année les lieux saints de Najaf et Karbala et stimulent le secteur naissant du tourisme en Irak. Plus de cent camions transportent chaque jour des matériaux de construction, de la nourriture, des médicaments et des appareils en Irak.
La dépendance vis-à-vis des marchés irakiens n'a fait que s'aggraver avec la détérioration des conditions économiques en Iran. Les sanctions des États-Unis empêchent les entreprises américaines et étrangères de traiter avec l'Iran, affectant les secteurs énergétique, maritime et financier de ce pays et entraînant un tarissement des investissements étrangers.
En bref
C'est la première année que les commerçants s'aventurent à Dohuk – ville qui partage des liens économiques plus étroits avec la Turquie voisine –, dans l'espoir d'attirer de nouveaux clients et de créer une plus grande demande de produits iraniens.
Ce sont les exportations de pétrole qui ont été les plus durement atteintes et l’économie iranienne s’est contractée, affichant des prévisions mornes pour l’avenir. Le chômage a augmenté et les populations rurales ont été durement touchées.
Cette exposition, organisée par des entreprises iraniennes, a généralement lieu chaque année dans la ville de Sulimaniyah, qui borde l'Iran. C'est la première année que les commerçants s'aventurent à Dohuk – ville qui partage des liens économiques plus étroits avec la Turquie voisine –, dans l'espoir d'attirer de nouveaux clients et de créer une plus grande demande de produits iraniens.
L’organisateur de cet événement déclare que le fait de venir exposer à Dohuk traduit un grand désespoir: «Il y a une énorme pression sur les gens [en Iran] et le coût de la vie est incroyablement élevé. Nous n'avons pas les moyens d'acheter quoi que ce soit, pas même des médicaments…»
Pour les hommes d'affaires iraniens qui traversent des moments difficiles, l'Irak a toujours offert l'espoir d'un répit. Hajji Tousi, un homme d'affaires de Mashhad, vend ses beaux tapis moins chers que les commerçants locaux. «Les tapis qui sont vendus ici entre 300 et 350 dollars [1 dollar=0,82 euro], nous les vendons, nous, à 200 dollars», déclare-t-il. Il sait que les dollars qu'il ramènera chez lui en Iran le garderont à flot.
Mais, à la consternation de nombreux commerçants iraniens, l’impact des problèmes économiques de l’Irak est bien visible: l’exposition attire de nombreux visiteurs, qui néanmoins n’ont pas les moyens d’acheter. «Ils accueillent chaleureusement cette exposition, mais des problèmes économiques les empêchent de faire des achats», confie Maryam Mradi, une femme d'affaires de Sanadaj.
L'Irak est aux prises avec une crise de liquidités sans précédent, provoquée par la faiblesse des prix du pétrole. Cela a réduit de moitié les caisses de l’État et conduit le gouvernement à emprunter sur les réserves de devises de la Banque centrale pour payer les salaires.
Certains des vendeurs iraniens n’étaient pas sûrs que leurs produits seraient bien reçus à Dohuk comme dans d'autres régions d'Irak, où les marques turques dominent les marchés. «La population demande principalement des produits turcs», explique Shireen Mohammed, une résidente locale.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com