L’OCDE, un levier de régulation mondiale pour bâtir un monde meilleur

60e anniversaire, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le 14 décembre 2020 (Photo, AFP)
60e anniversaire, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le 14 décembre 2020 (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 20 janvier 2021

L’OCDE, un levier de régulation mondiale pour bâtir un monde meilleur

L’OCDE, un levier de régulation mondiale pour bâtir un monde meilleur
  • En un peu plus d’un demi-siècle, l’institution, dont le siège mondial est à Paris, a su se renouveler pour conserver une grande pertinence
  • Lieu de coordination des politiques économiques, l’OCDE est à l’origine d’un certain nombre de réalisations importantes, qui doivent être saluées

Le 14 décembre 2020, date de son 60e anniversaire, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a prouvé qu’elle faisait largement exception aux critiques adressées par certains au multilatéralisme. Alors que ces dernières ont eu parfois tendance à se renforcer ces dernières années, l'OCDE affiche un très grand dynamisme. En un peu plus d’un demi-siècle, l’institution, dont le siège mondial est à Paris, a su se renouveler pour conserver une grande pertinence. Fondée par dix-huit pays d’Europe, les États-Unis et le Canada, elle s’est élargie à vingt autres pays des Amériques, de l’Europe et de la zone Asie-Pacifique. 

Les États membres de l’OCDE représentent la moitié du PIB mondial. En produisant des études de grande qualité, qui font référence, et grâce à ses experts internationaux, l’organisation permet de chiffrer et de mesurer l’état du monde et l’efficacité de l’action publique dans de très nombreux domaines. Elle organise des échanges sur les meilleures pratiques entre les pays, et élabore des recommandations de politiques publiques utiles aux gouvernements et aux autres organisations internationales. S’y élaborent et s’y négocient des standards et des normes de régulation qui font autorité dans le monde entier. 

L’OCDE apporte une contribution significative au G20 depuis 2008 et elle agit comme conseiller stratégique auprès de cette instance.

Lieu de coordination des politiques économiques, l’OCDE est à l’origine d’un certain nombre de réalisations importantes, qui doivent être saluées. Elle a permis la fin du secret bancaire après le mandat confié par le G20 en 2009. Pour cela, elle a négocié et permis l’adoption d’accords internationaux ayant pour objectif l’échange automatique des informations. Elle a permis la mise au point d’outils efficaces et reconnus de lutte contre la corruption. Lors du dernier sommet du G20, l’Arabie saoudite, qui le présidait, a annoncé son intention de participer à la convention relative à la lutte contre la corruption, rejoignant quarante-quatre États qui y prennent déjà part. 

L’OCDE apporte une contribution significative au G20 depuis 2008 et elle agit comme conseiller stratégique auprès de cette instance. La pertinence et l’impact de ses travaux ne sont plus limités aux seuls pays qui en sont membres. Différents modes de partenariat permettent aux États non membres de participer aux travaux sur différents thèmes. Ainsi, les pays du monde arabe connaissent des défis profonds depuis très longtemps, mais qui se trouvent amplifiés par la pandémie de Covid-19, qu’il s’agisse de l’émancipation des femmes, de la diversification économique ou de la lutte contre le chômage des jeunes. 

L’OCDE est également à l’origine des principales normes en matière d’aide publique au développement, établies au sein du comité d’aide au développement. 

Dans le domaine de l’éducation, l’OCDE produit, chaque année, la plus grande étude internationale de comparaison des progrès des élèves dans soixante-dix-neuf pays, à travers le programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa). 

La crise de la Covid-19 a mis en lumière les risques inhérents à nos modèles économiques et le besoin d’une régulation internationale accrue. L’interdépendance économique et financière qui lie les pays est une source de croissance depuis des décennies, mais elle a conduit à affaiblir la résilience des chaînes de valeurs en période de crise. Elle a également montré l’utilité du fait de coopérer plutôt que de se replier. Dans la situation actuelle, et plus encore que lors des crises passées, il est nécessaire de formuler une réponse commune, s’inscrivant sur le long terme et prenant en compte les spécificités des régions et des pays.  

Le dialogue intense que l’OCDE entretient avec l’ensemble du monde et les autres organisations permet d’harmoniser les règles du jeu et de contribuer à construire une concurrence internationale ouverte et équitable. L’initiative de négociation en cours contre l’érosion des bases fiscales, avec son double volet d’une taxation minimale partout dans le monde et d’une taxation des entreprises numériques dématérialisées, serait un progrès majeur en ce sens. Cette évolution est rendue indispensable par la mondialisation des échanges et l’accélération de la numérisation de l’économie. Cent trente-sept pays participent d’ores et déjà à la discussion de ce cadre fiscal. 

Avec la crise de la Covid-19, nous assistons en effet à l’accélération de la numérisation, aux opportunités et aux fractures qu’elle provoque. À ce titre, l’OCDE organise le secrétariat du partenariat mondial sur l’intelligence artificielle lancé par la France et le Canada afin de faire de l’intelligence artificielle un outil centré sur l’humain. 

La pandémie nous rappelle également l’urgence d’une réponse forte et efficace pour lutter contre le réchauffement climatique qui s’accélère. La diminution de la pollution et des émissions de carbone induite par le ralentissement de l’activité ne sera durable qu’au prix d’une action coordonnée et ample. L’OCDE, parmi les premières à se doter d’une direction de l’environnement, a su produire des premières normes et des travaux reconnus sur le climat, comme par exemple sur la gestion des ressources en eau ou sur la biodiversité.  

Une action forte sur les inégalités est rendue indispensable par la dégradation préoccupante de la situation.

La France a proposé une initiative ambitieuse, en cours de discussion au sein de l’OCDE, afin de permettre aux engagements pris par les pays dans l’accord de Paris, les COP (conférences des parties) et les ODD (objectifs de développement durable) des Nations unies, de devenir une réalité, en mesurant chaque année les progrès accomplis par chaque pays grâce à une série d’indicateurs liés au réchauffement climatique. Le président de la République française a appelé tous les pays à faire aboutir cette initiative lors de l’anniversaire des soixante ans de l’OCDE. Le groupe informel des «Pays amis du climat», que j’ai l’honneur de présider au sein de l’OCDE, élabore et promeut ce projet. Mesurer, piloter et progresser tous ensemble est en effet une condition absolue pour obtenir les résultats indispensables afin de contrer le réchauffement climatique qui menace nos économies, nos populations et nos écosystèmes. Pour cela, nous souhaitons que l’organisation soit dotée d’indicateurs clairs et précis, nous permettant d’organiser des comparaisons, d’échanger les meilleures pratiques et d’identifier les politiques les plus efficaces. Sur cette base, l’OCDE sera en mesure de formuler des recommandations à chaque État. Cette initiative sera largement ouverte aux États non membres de l’OCDE. 

La crise sanitaire est devenue une crise économique et sociale aux conséquences potentiellement dramatiques en matière d’emploi, de niveau de vie et d’inégalités. Une action forte sur les inégalités est rendue indispensable par la dégradation préoccupante de la situation. Les inégalités entre pays développés et pays moins développés se sont accrues avec la crise sanitaire. Au sein de l’OCDE, nous devons donc renforcer l’efficacité et l’impact de l’aide au développement au moment où les ressources qui y sont affectées diminuent mécaniquement, en s’appuyant sur les synergies public-privé. 

Au sein des pays, les inégalités se sont également accentuées entre les personnes les plus qualifiées et les plus précaires, et elles risquent de perdurer sur plusieurs générations. L’OCDE soutient à ce titre l’initiative pour un accès universel à la protection sociale lancée par la France lors du G7 de Biarritz en 2019. Le G7 a abouti à la première déclaration tripartite sur ce sujet, signée entre les organisations syndicales et patronales mondiales et les pays du G7 avec le soutien de la Banque mondiale, du FMI et de l’OCDE. À l’heure où une épidémie ébranle le monde et où la moitié de la population mondiale ne bénéficie d’aucune couverture sociale en matière de santé, cette initiative prend un relief particulier. Ayant eu la chance de la négocier lors du G7 social, je me réjouis que l’OCDE continue à la soutenir. 

Mon rôle d’ambassadrice et celui de la représentation permanente de la France auprès de l’OCDE est un rôle de proposition et d’influence, de soft power qui vise à apporter une contribution pertinente et déterminée à ces problématiques. Il s’appuie sur une coopération interministérielle continue en France pour porter la voix des différents ministères et s’appuyer sur leurs experts, et in fine porter la voix de la France. 

Nous sommes convaincus de la capacité de l’OCDE à faire face aux nouveaux défis qui sont devant nous, ces soixante dernières années l’ayant démontré. La crise que nous traversons démontre la nécessité d’une régulation internationale accrue sur les plans économique, fiscal, écologique et social. L’OCDE est un instrument majeur d’influence, de négociation et d’échanges sur ces sujets. L’équipe de la représentation permanente de la France et moi-même sommes pleinement mobilisées sur ces enjeux. 

Muriel Pénicaud est Ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de l’OCDE. Elle est également ancienne ministre du Travail (2017-2020).

Twitter: @murielpenicaud

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.