BERNE: Pour diminuer le risque de propagation du Covid-19 dans ses casernes, l'armée suisse a décidé que plusieurs milliers de ses recrues commenceraient leur service militaire à la maison.
« C'est assez nouveau », concède Daniel Reist, le porte-parole de l'armée suisse, mais en ces temps de pandémie, « c'est la solution idéale qui s'est imposée ».
Considérée comme un pilier de la nation, l'armée suisse est organisée comme une milice: encadrés par quelques milliers de professionnels, les conscrits doivent effectuer un service militaire de quatre mois minimum avant d'être appelés tous les ans à participer à des sessions de trois semaines d'entraînement.
Cette année, quelque 15 000 jeunes Suisses et Suissesses devaient effectuer leur service militaire, appelé aussi « école de recrue ».
Mais en cas d'arrivée massive parmi ces jeunes de contaminés du Covid, l'armée craignait de ne pas avoir la capacité de les prendre en charge.
L’entrée physique dans l'école de recrues est donc « échelonnée afin de s'assurer que toute recrue dont le test est positif au Covid-19 soit prise en charge de manière optimale et que des mesures d'isolement et de quarantaine appropriées puissent être mises en œuvre », explique le département fédéral de la Défense dans un communiqué.
Un premier groupe, comprenant notamment des « recrues sanitaires » dont la mobilisation est considérée comme plus urgente pour éventuellement épauler les troupes déjà mobilisées auprès des personnels civils dans les hôpitaux suisses, va bien entrer en caserne dès lundi.
« Téléservice militaire »
Mais pour quelque 5 000 des 15 000 recrues de cette année, le réveil au son du clairon ou les séances de garde-à-vous sur la place d'armes attendront.
Elles commenceront leur formation depuis chez elles pendant trois semaines avant de pouvoir à leur tour rejoindre la caserne. Une sorte de « téléservice militaire », comme l'a appelé le quotidien lausannois Le Temps dans un article ironiquement titré « L'avènement du militaire de canapé ».
« Ils ont tous reçu cette semaine le programme d'enseignement, ce sont des modules (...) qu'ils doivent faire à la maison, c'est un travail théorique, à l'écran », explique M. Reist.
Fonctionnement de leur arme de service, enseignement sur les armes bactériologiques et chimiques, règlements militaires, protection sanitaire: les recrues devront potasser avant d'enfiler l'uniforme pour de vrai.
« Nous leur laissons le choix de quand ils veulent faire leurs leçons », souligne M. Reist. « Nous partons du principe que quelqu'un qui fait les leçons sérieusement a besoin de six heures de télétravail par jour ».
Via une application spécifique, « quatre heures d'entraînement sportif par semaine » sont également prévues.
A noter que ces trois semaines seront considérées comme « entièrement imputées en tant que jours de service » et donc rémunérées dans le cadre de la solde que reçoit chaque recrue pendant son école.
« Jouer aux policiers »
L'innovation en amuse certains - « à quand la guerre depuis son canapé », plaisante un internaute réagissant à un article sur le sujet sur le site du Matin.fr.
D'autres trouvent l'idée un peu légère, comme Stefan Holenstein, président de la Société suisse des officiers, cité dans Le Temps: « Je conçois qu’il faille actuellement faire des concessions non conventionnelles mais je suis quand même sceptique. Le service militaire a un caractère pratique et social qui ne peut être remplacé par de l’e-learning ».
Le militaire s'inquiète également du manque de contrôle exercé sur les activités de « téléservice militaire ».
« Nous ne pouvons pas jouer aux policiers chez 5 000 jeunes personnes », admet M. Reist « mais c'est clair qu'il y a certaines règles » et le « système remarque si quelqu'un n'est jamais dessus ».
Les futurs cadres de ces recrues, chefs de section et de compagnie vont prendre contact avec elles et une « hotline » est là pour les aider si nécessaire, assure encore le porte-parole de l'armée.
Enfin, à leur arrivée en caserne après trois semaines d'armée à la maison, elles seront soumises à des tests de connaissances.
« Ceux qui ne réussissent pas n'auront plus tellement de permissions de sorties », prévient M. Reist.