NEW YORK: Dans les deux décennies qui ont suivi les attentats du 11 septembre, la menace terroriste a eu le temps d’évoluer et de se multiplier, laissant dans son sillage «des souffrances et des pertes humaines indicibles», selon Vladimir Voronkov, Secrétaire général adjoint à la lutte contre le terrorisme.
Al-Qaïda a fait preuve de résilience malgré la perte d’un nombre de ses figures de proue, dit-il. Il a «mis au point un dangereux modèle international de franchises régionales qui exploitent les failles et les conflits locaux».
Entretemps, de nouveaux groupes ont fait leur apparition, se désole Voronkov, dont Daech. Bien que vaincu en Irak et en Syrie, le groupe a recours aux réseaux sociaux pour recruter, et éventuellement radicaliser, des adeptes partout dans le monde. Et alors même qu’il cherche à se réorganiser et se rétablir, les attaques persistent.
Voronkov, s’est exprimé mardi lors d'une réunion ministérielle du Conseil de sécurité de l'ONU pour marquer le 20e anniversaire cette année de la résolution 1373 qui comprend plusieurs mesures antiterroristes. Adoptée à l'unanimité le 28 septembre 2001 en réponse aux attentats du 11 septembre, elle constitue une étape décisive dans la lutte globale contre ce fléau.
Le Comité contre le terrorisme du Conseil a été créé en parallèle pour exécuter la résolution et renforcer la capacité institutionnelle des États membres à prévenir et riposter contre toute menace terroriste. Son objectif est de criminaliser les activités de ce genre, traduire leurs auteurs en justice, et les empêcher de trouver refuge et financement.
Voronkov a exhorté les ministres, dont plusieurs ont été témoins d'attaques terroristes dans leur propre pays, à mettre en œuvre toutes les ressources afin que Daech soit tenu responsable de ces crimes odieux.
Il les a également appelés à rapatrier les milliers de leurs citoyens, pour la plupart des femmes et des enfants, qui vivent dans l’incertitude en raison de leurs liens antérieurs avec le groupe terroriste.
Près de 70 000 femmes et enfants reliés à Daech sont détenus dans des camps au nord de la Syrie, et environ 13 000 proviennent de pays autres que la Syrie ou l'Irak. Les camps souffrent d'un surpeuplement sévère en plus d’un taux de mortalité infantile élevé, et pourtant, de nombreux pays refusent d'accepter le retour de leurs citoyens qui y sont détenus.
Richard Mills, ambassadeur adjoint des États-Unis auprès de l'ONU, explique que le rapatriement de ces ressortissants étrangers, «en plus d’empêcher ces combattants de retourner aux champs de bataille, revêt un aspect humanitaire car la situation dans ces camps absolument est épouvantable».
Il a ajouté que les États-Unis ont jusqu'à présent rapatrié 12 adolescents et 16 adultes, dont six vont faire face à des accusations criminelles.
Tarek Ladeb, le Représentant permanent de la Tunisie auprès des Nations Unies, et qui assure la présidence du Conseil de sécurité pour le mois en cours, a souligné «les capacités financières considérables de Daech, ses méthodes sophistiquées de recrutement, de financement et de planification, ainsi que sa capacité d’adaptation aux mécanismes nationaux et internationaux de lutte contre le terrorisme».
Il a ajouté que les activités de ce groupe terroriste amplifie les conflits en cours, les envenime, et les rend plus complexes et plus difficiles à résoudre.
Ladeb a évoqué les dernières tendances du terrorisme mondial, et qui comprennent la mobilisation de prétendues «cellules dormantes» ou encore de «loups solitaires», le renforcement des liens entre le terrorisme, le crime transnational organisé, ainsi que l'émergence d'un terrorisme à motivation ethnique ou même raciale.
Michele Coninsx, secrétaire générale adjointe de l'ONU et directrice de la direction exécutive du Comité contre le terrorisme, a pour sa part souligné «la prolifération du terrorisme d'extrême droite, à motivation raciale, ou à motivation ethnique» qui, selon elle, constitue toujours «une réelle cause d’inquiétude».
Pour faire face à ces défis, Ladeb a appelé à une approche exhaustive dans laquelle les groupes de la société civile, le secteur privé, les femmes et les jeunes ont tous leur mot à dire. Il a par ailleurs appelé les États à harmoniser leurs mesures de lutte contre le terrorisme, et de s’engager sérieusement envers les lois internationales qui préservent les droits de l'homme.
«Le terrorisme ne peut et ne doit, en aucun cas, être associé à une religion spécifique, une nationalité, aucune civilisation ou aucun groupe ethnique», a-t-il ajouté.
Voronkov a dévoilé que les terroristes s'adaptent rapidement, et sont généralement «désireux d'exploiter le cyberespace et les nouvelles technologies, les liens avec le crime organisé, ainsi que les lacunes réglementaires, humaines et techniques au niveau local. Leurs tactiques font appel à de nouveaux groupes à travers le spectre idéologique, y compris les groupes extrémistes violents à motivation raciale, ethnique et politique.
«La crise de la Covid-19 n’a fait qu’amplifier ces tendances, tout comme elle jauge l’efficacité de la coopération et la solidarité internationales».
Il a appelé à une meilleure coopération internationale dans les efforts de lutte contre le terrorisme, étant donné que «même les États les mieux préparés sont mis au défi de suivre le rythme de toute sorte de menaces émergentes et évolutives».
Voronkov a discuté par ailleurs de la nécessité de «regarder au-delà du terrorisme comme tactique» et de s'attaquer aux facteurs sous-jacents qui en encouragent la prolifération. Il faudrait aussi poursuivre les efforts afin d’améliorer «les programmes, tous reliés, de paix, et de sécurité, ainsi que dans le domaine de développement durable et de droits de l'homme».
«Il est temps que la communauté internationale passe de la parole aux actes», insiste Subrahmanyam Jaishankar, ministre indien des Affaires extérieures. Il a présenté un plan d'action en huit points, en a encouragé les membres à concrétiser la volonté politique de lutte contre le terrorisme dans un esprit de transparence et de responsabilité, et à rejeter le principe de deux poids, deux mesures.
«Les terroristes sont, ni plus ni moins, des terroristes. Ceux qui les protègent sont tout aussi coupables», a-t-il ajouté.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com