DJEDDAH : Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a rencontré en tête-à-tête le Premier ministre libanais, Saad Hariri, lundi 8 janvier à Istanbul, lors d’une rencontre inattendue.
Les possibilités de coopération entre les deux pays, notamment le renforcement des relations économiques et commerciales, ont été discutées lors de la réunion amicale entre les deux hommes, durant laquelle Saad Hariri a remercié Erdogan pour son soutien aux investissements turcs réalisés au Liban.
Cependant, la visite du Premier ministre libanais a suscité des remous, son nom était souvent associé à des affaires de corruption en Turquie, notamment en ce qui concerne l'implication présumée de la famille Hariri dans Türk Telekom, première société du pays dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, société autrefois lucrative.
Au cours de son discours parlementaire lundi, Faik Oztrak, porte-parole du principal parti d'opposition (CHP), a condamné l'accueil chaleureux de Saad Hariri par Recep Tayyip Erdogan. «Comment pouvez-vous vous asseoir à la même table que cet homme qui a gagné des milliards de dollars sans payer un centime pour Telekom ?», a-t-il demandé.
Le conseiller principal du président turc, Yigit Bulut, et le vice-président turc, Fuat Oktay, ont été membres du conseil d’administration de Türk Telekom, et ont bénéficié de salaires élevés lors du processus de privatisation de la société. Oktay a longtemps travaillé comme vice-président de la compagnie.
«Cette famille a emprunté de l'argent aux banques turques et a payé au Trésor le prix de la privatisation de Telekom. Elle a ensuite pillé des millions de dollars de revenus de dividendes de la Turquie transférés vers le Liban. Au total, cet homme a placé 3,5 milliards de dollars (un dollar = 0,82 euros) de prêts auprès de nos banques», a affirmé Oztrak.
Scandale caché
Les critiques du parlementaire de l'opposition ont à nouveau mis la lumière sur ce scandale longtemps caché, qui avait impliqué l'entreprise de télécommunications. Celle-ci avait été mise sous le feu des projecteurs en mars 2013, lorsque le quotidien pro-gouvernemental Sabah a révélé que Turk Telekom avait secrètement et illégalement mis en vente ses câbles en cuivre, pour les transformer en câbles à fibre optique moins chers.
Mais cette vente qui portait sur des milliers de tonnes de câbles éraflés — d'une valeur de près de 10 millions de dollars — n'a pas été communiquée officiellement à la Bourse, malgré l'existence de deux décisions de justice ayant empêché le groupe libanais possédé par Saad Hariri, détenteur de 55% des actions de l’entreprise, de réaliser cette vente, n’ayant pas reçu l’approbation officielle du Trésor turc.
Cet acte de corruption est passé inaperçu pendant des années et aucune enquête approfondie n’a été menée sur la quantité de cuivre vendu ou sur ses acheteurs. Türk Telekom a été privatisée en 2005, trois ans seulement après l'arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP). Oger Telecommunications, propriété de la famille Hariri, a acquis une participation d’une valeur de 6,5 milliards de dollars en recevant des prêts de dizaines de prêteurs turcs et internationaux.
En 2018, la famille Hariri a omis de payer un versement sur ce qui représentait le plus grand crédit aux entreprises de la Turquie, d’un montant de 4,75 milliards de dollars, et ses avoirs ont été repris par une vingtaine de prêteurs, dont plusieurs banques turques.
Le principal parti d'opposition appelle le gouvernement turc à rendre des comptes sur les allégations de corruption, et blâme l'AKP, car en raison de l’allocation inefficace des ressources de l’État, la bande passante Internet est très lente.
Le porte-parole du principal parti d'opposition a critiqué la gestion par le gouvernement de Türk Telekom depuis 2017. Lors d’une précédente question parlementaire posée en juillet 2017, Oztrak avait déclaré que les ressources publiques étaient utilisées pour compenser l'échec du paiement de la famille Hariri à Türk Telekom, accusant les autorités publiques de fermer les yeux sur une corruption continue.
À la suite de l’enquête parlementaire menée par Faik Oztrak, le vice-Premier ministre de l’époque, Nurettin Canikli, avait déclaré que Türk Telekom avait transféré environ 3,1 milliards de dollars à l’étranger, sous forme de parts de bénéfices.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com