RIYAD: Quand, en janvier 1968, la Grande-Bretagne a fait part de son intention de se retirer du Golfe d’ici 1971, cela a provoqué une onde de choc dans toute la région. La recherche d’un cadre de sécurité plus fiable s’est alors intensifiée. Plusieurs étapes furent franchies, aboutissant à la création du Conseil de coopération du Golfe (CCG) le 25 mai 1981.
Entre l’annonce britannique de 1968 et son retrait effectif le 16 décembre 1971, une première tentative fut lancée pour former une union de neuf membres regroupant Bahreïn, le Qatar et les sept États de la Trêve, tous liés à Londres par des traités de protection. Après l’échec de cette initiative, les efforts se concentrèrent sur une union entre les seuls États de la Trêve. Les Émirats arabes unis furent proclamés le 2 décembre 1971, composés initialement de six émirats: Abou Dhabi, Dubaï, Foujaïrah, Charjah, Oumm al-Qaïwaïn et Ajman. Ras el-Khaïmah, le septième émirat, rejoignit la fédération en février suivant.
Après cette première étape, les efforts se poursuivirent en vue d’un cadre plus large incluant les autres États du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Qatar et le Koweït. Le cheikh Jaber al-Sabah du Koweït joua un rôle moteur dans cette démarche renouvelée. En mai 1976, lors d’une visite aux Émirats arabes unis, il lança un appel officiel à la création d’une union du Golfe, une idée soutenue avec enthousiasme par le président des Émirats, le cheikh Zayed.
En novembre 1976, à Mascate, un projet de cadre sécuritaire incluant également l’Iran et l’Irak fut discuté, mais rapidement abandonné en raison de profondes divergences, notamment entre Téhéran et Bagdad.
Les efforts visant à établir le CCG se poursuivirent sans l’Iran ni l’Irak. Saddam Hussein tenta d’entraver le processus tant que l’Irak n’y était pas inclus, ce qui s’avérait impossible en raison de la guerre contre l’Iran. L’Union soviétique et la Chine y étaient également opposées, craignant que cette nouvelle organisation ne s’aligne sur l’Occident.
Comment nous l'avons écrit
Arab News annonça que le second sommet du CCG à Riyad avait donné des «résultats excellents», comme en témoignait l’accord économique unifié adopté à cette occasion. Le vide sécuritaire résultant du retrait britannique fut l’un des moteurs ayant précipité la fondation du CCG, dans le but de renforcer la cohésion régionale. Par ailleurs, la révolution iranienne de février 1979 avait donné naissance à un régime théocratique déterminé à exporter son idéologie radicale, à déstabiliser ses voisins et à soutenir des groupes militants à Bahreïn et en Arabie saoudite, tout en étendant son influence en Irak, en Syrie et au Liban.
En octobre 1979, lors d’une réunion à Taëf, en Arabie saoudite, les grandes lignes du CCG furent établies, en dépit de désaccords persistants. Certains plaidaient pour une alliance sécuritaire et militaire formelle, tandis que d’autres privilégiaient une approche axée sur le soft power et l’intégration économique.
En 1980, le prince Saoud al-Faisal, ministre saoudien des Affaires étrangères, fut chargé de rapprocher les différentes visions et de diriger la rédaction de la charte, avec le soutien du ministre koweïtien des Affaires étrangères, le cheikh Sabah (devenu émir en 2006 jusqu’à son décès en 2020), du ministre bahreïni cheikh Mohammed ben Moubarak, et d'autres responsables.
Une série intense de réunions entre ministres et experts eut lieu au début de l’année 1981 à Koweït, Riyad et Mascate pour finaliser le texte, qui fut adopté par les chefs d’État le 25 mai 1981 à Abou Dhabi, lors du premier sommet officiel du CCG.
La charte du CCG reflétait un compromis entre les différentes visions: elle n’insistait pas sur un domaine particulier, mais appelait à une «coordination et une intégration entre les États membres dans tous les domaines, en vue de leur unité». Cette référence explicite à l’unité servait de ligne directrice au travail de l’organisation. L’expression «dans tous les domaines» donna l’impulsion à la mise en place de structures institutionnelles couvrant les champs politique, économique et sécuritaire.
Aujourd’hui, le Secrétariat général du CCG emploie environ 1 500 civils issus des six pays membres et abrite les principales divisions de l’organisation. Il est épaulé par une trentaine d’entités spécialisées, couvrant notamment les normes, les brevets, la propriété intellectuelle, les investissements ou encore la sécurité intérieure. Des organes militaires viennent s’y ajouter, avec leur propre personnel en uniforme.
Depuis sa création, le CCG a réalisé une grande partie de ses objectifs initiaux. Les outils économiques mis en place, comme la zone de libre-échange en 1983, l’union douanière en 2003 et le marché commun en 2008, ont permis une meilleure synergie entre les pays membres, rendant leurs économies plus dynamiques et plus efficaces.
Cependant, l’union économique complète et la monnaie unique n’ont pas encore vu le jour.
Les indicateurs économiques et sociaux témoignent néanmoins d’un grand succès. L’appartenance au CCG a permis aux États membres de bénéficier d’économies d’échelle, d’un marché plus vaste et d’une portée accrue. En 1981, le PIB combiné des six membres s’élevait à moins de 200 milliards de dollars (1 dollar = 0,88 euro), et la plupart affichaient de piètres résultats économiques et sociaux, ayant tout juste émergé de près de 200 ans de domination britannique.
Aujourd’hui, ce PIB combiné dépasse les 2 400 milliards de dollars – soit une multiplication par 12. Les revenus par habitant ont grimpé en flèche, et les États du Golfe dominent désormais les classements des indices de développement humain. L’analphabétisme a été éradiqué, les services de santé gratuits sont de qualité, et plusieurs universités du Golfe figurent parmi les meilleures au monde.
D’autres réalisations majeures incluent l’établissement du commandement militaire unifié en novembre 2018, fruit de décennies de coopération entre les forces terrestres, aériennes et navales, notamment à travers le Bouclier de la Péninsule, basé au nord de l’Arabie saoudite depuis 1982, et le Centre de coordination des opérations navales du CCG à Bahreïn.
La police du CCG, créée en 2012 et basée aux Émirats, coordonne les forces de sécurité intérieure à l’échelle opérationnelle, avec l’appui de la division des affaires de sécurité à Riyad.
Malgré ces progrès, beaucoup reste à faire pour atteindre l’«unité» évoquée dans la charte. Les défis émergents, presque existentiels pour la région, imposent de nouvelles approches. Le statu quo ne suffit plus.
Au fil des années, les États membres ont proposé un renforcement de la coopération pour relever ces défis. En 2012, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a proposé une transition vers une véritable union.
En 2015, le roi Salmane a présenté une vision globale pour moderniser les mécanismes de coopération dans les domaines économique, social, politique, sécuritaire et militaire. Adoptée par les autres dirigeants, cette vision est devenue la feuille de route du CCG. Bien que sa mise en œuvre soit toujours en cours, l’Arabie saoudite a annoncé vouloir soumettre une «phase deux» de cette vision.
Un domaine régulièrement mentionné dans les communiqués des sommets est la réforme des institutions du CCG, notamment du Secrétariat général et des trente entités qui en dépendent. Tous reconnaissent la nécessité d’une gouvernance plus transparente, plus responsable et plus efficace.
La vision du roi Salmane, adoptée en décembre 2015, a enclenché ce processus, mais le rythme des réformes reste insuffisant.
Abdel Aziz Aluwaisheg est secrétaire général adjoint du CCG pour les affaires politiques et les négociations, et chroniqueur pour Arab News.
Les opinions exprimées dans cet article sont personnelles et ne représentent pas nécessairement celles du CCG.