ISTANBUL: La contestation est entrée dans sa deuxième semaine en Turquie où les autorités, confrontées à des manifestations d'une ampleur inédite depuis douze ans, ont ordonné jeudi la libération de huit journalistes arrêtés pour avoir couvert des rassemblements interdits.
Parmi eux figure le photographe de l'Agence France-Presse Yasin Akgül, arrêté lundi à l'aube à son domicile à Istanbul et incarcéré depuis mardi.
La vague de contestation a été déclenchée par l'arrestation pour "corruption" le 19 mars du populaire maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, principal rival du président Recep Tayyip Erdogan.
Des étudiants ont protesté mercredi dans plusieurs universités d'Ankara, la capitale. Dans l'une d'elles, plusieurs dizaines de leurs professeurs ont également dénoncé, en toges, les "pressions" exercées par le pouvoir sur l'opposition et les universités.
À Istanbul, où la contestation est la plus marquée, la soirée de mercredi a été plus calme que les jours précédents, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force de l'opposition, qui conviait jusque-là chaque soir des dizaines de milliers de personnes à se rassembler devant l'hôtel de ville d'Istanbul, a cessé de le faire, appelant à un très large rassemblement samedi à un autre endroit de la ville.
Une coordination étudiante d'Istanbul a également appelé à une manifestation en fin de journée jeudi dans un arrondissement dont le maire a lui aussi été arrêté et démis de ses fonctions et où des milliers de jeunes avaient défilé mardi soir sous les applaudissements de riverains, les visages souvent masqués de peur d'être d'identifiés par la police.
"Terreur de la rue"
Le président Erdogan, qui a durci le ton contre l'opposition mercredi, suggérant que de nouvelles enquêtes pour corruption pourraient s'abattre sur le CHP, a affirmé à plusieurs reprises qu'il ne céderait pas à la "terreur de la rue".
Les autorités, qui ont interdit les rassemblements dans plusieurs grandes villes du pays, ont annoncé mardi avoir arrêté plus de 1.400 manifestants depuis la début de la vague de contestation.
Deux journalistes arrêtés à Izmir (ouest), troisième ville du pays et bastion de l'opposition, sont toujours en garde à vue jeudi, selon une ONG.
La justice turque a en revanche ordonné jeudi matin la libération de huit journalistes arrêtés lundi à Istanbul et Izmir.
Les sept journalistes d'Istanbul, tous incarcérés, doivent être libérés dans les prochaines heures, selon leurs avocats.
Leur arrestation avait suscité de nombreuses condamnations internationales, Paris et l'ONU se disant "préoccupés".
L'ONG Reporters sans Frontières (RSF) s'est dite "soulagée" par l'annonce de la libération des huit journalistes, exigeant la libération des deux autres encore aux mains des autorités.