WASHINGTON : Le Canada, le Mexique et, dans une moindre mesure, la Chine deviendront samedi les toutes premières victimes de l'arme des droits de douane brandie par Donald Trump, qui espère ainsi imposer sa volonté à ses partenaires commerciaux.
Le président américain devrait signer dans la journée un décret ouvrant la voie à l'imposition de 25 % de droits de douane sur les produits canadiens et mexicains, et de 10 % sur les produits en provenance de Chine, au-delà de ceux déjà existants, et qui pourraient commencer à s'appliquer dès le 18 février, a-t-il déclaré vendredi devant des journalistes.
Il a insisté sur le fait qu'« rien » ne viendrait empêcher leur application.
Restent quelques détails à préciser : la mesure concernera-t-elle l'ensemble des produits en provenance de ces trois pays ou ciblera-t-elle certaines catégories particulières ?
Vendredi, M. Trump a cité plusieurs produits, des semi-conducteurs à l'acier en passant par le gaz et le pétrole, comme étant concernés par les futurs droits de douane, sans pour autant préciser si la liste était exhaustive.
« Je vais sans doute baisser les droits de douane sur le pétrole canadien, essentiel pour l'industrie pétrolière américaine, a toutefois ajouté le président : nous pensons les limiter à 10 %. »
Donald Trump a justifié ces mesures en accusant les trois pays de jouer un rôle dans la crise du fentanyl, un puissant opioïde qui fait des ravages aux États-Unis depuis plusieurs années.
Selon lui, la Chine exporte vers le Mexique des principes actifs qui permettent ensuite aux cartels mexicains de fabriquer du fentanyl, puis de le faire passer via la frontière.
- « Recul du PIB américain » -
Le Premier ministre canadien démissionnaire Justin Trudeau a répondu que son pays était « prêt à une réponse immédiate ».
De son côté, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a assuré avoir « avancé sur différents sujets » avec l'administration Trump et que « des accords sont trouvés tous les jours ». Cependant, faute d'accord sur les droits de douane, « nous avons un plan A, B et C », a-t-elle assuré sans apporter de détails.
Pour les deux pays voisins des États-Unis, des droits de douane touchant l'ensemble de leurs exportations pourraient avoir un effet particulièrement violent sur l'économie.
Pour un pays comme le Mexique, pour qui les États-Unis représentent près de 85 % de ses exportations, selon l'Institut national de la statistique (INEGI), le choc pourrait être particulièrement rude, avec un recul de 3,6 % de son PIB, estime Wendong Zhang, professeur à l'université Cornell.
Mais l'économie américaine elle-même serait touchée, à un moment où elle tourne à plein régime, portée par la consommation, avec une croissance de 2,8 % de son PIB enregistrée en 2024.
Selon Gregory Daco, chef économiste pour le cabinet EY, les droits de douane prévus pourraient « entraîner un recul de 1,5 % du PIB américain en 2025 et 2,1 % en 2026 par rapport à nos prévisions initiales, en raison d'un ralentissement de la consommation et des investissements », sans même parler des effets de potentielles représailles.
Et l'UE dans tout ça ? « Absolument. »
Ils pourraient également entraîner une hausse de 0,7 point de pourcentage de l'inflation au premier trimestre de l'année, à un moment où cette dernière est en phase de réaccélération, avant de voir les effets s'atténuer.
D'autant que les États-Unis importent principalement de ces deux pays voisins une longue série de produits agricoles, des avocats aux tomates en passant par les œufs ou la volaille, dont les prix sont déjà en hausse.
L'impact pourrait également se faire sentir sur le secteur automobile, alors que le Canada et le Mexique représentent 22 % des véhicules vendus dans le pays, selon S&P Global Mobility.
Plus encore, des droits de douane sur le pétrole canadien et mexicain pourraient « avoir de gigantesques implications sur l'ensemble du Midwest », dont les installations de raffinage ont été optimisées pour le pétrole de ces deux pays et non celui produit aux États-Unis, aux caractéristiques différentes, estime le centre de réflexion Atlantic Council dans une note.
Une hausse des droits de douane sur le pétrole canadien « entraînerait une hausse des prix de l'énergie dans le Midwest », soulignent-ils.
Et cela ne pourrait être que le début, car Donald Trump prépare déjà la phase suivante de sa guerre commerciale : « Est-ce que je vais imposer des droits de douane à l'Union européenne ? Voulez-vous la vraie réponse ou la réponse diplomatique ? « Absolument. L'UE nous a très mal traités. »