La « loi spéciale » visant à pallier l'absence de budget pour 2025 a été promulguée

Cette photographie montre un écran géant affichant le résultat du scrutin lors d'une séance de vote sur le projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale à Paris le 16 décembre 2024. (Photo AFP)
Cette photographie montre un écran géant affichant le résultat du scrutin lors d'une séance de vote sur le projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale à Paris le 16 décembre 2024. (Photo AFP)
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Publié le Samedi 21 décembre 2024

La « loi spéciale » visant à pallier l'absence de budget pour 2025 a été promulguée

  • Adoptée en urgence en décembre par le Parlement, cette loi spéciale a permis à l'exécutif de prélever l'impôt et d'emprunter pour financer l'État et la Sécurité sociale, malgré l'absence de budget pour 2025.
  • « Cette loi spéciale donne à l'État tout ce qu'il faut pour assurer ses fonctions essentielles au début de l'année 2025, mais rien de plus.

PARIS : La « loi spéciale », palliatif budgétaire soumis en urgence après la censure du précédent gouvernement, a été promulguée vendredi par le président Emmanuel Macron dans l'attente d'un budget en bonne et due forme, selon le Journal officiel paru samedi.

Adoptée en urgence en décembre par le Parlement, cette loi spéciale a permis à l'exécutif de prélever l'impôt et d'emprunter pour financer l'État et la Sécurité sociale, malgré l'absence de budget pour 2025.

La promulgation de la loi a eu lieu depuis Mamoudzou, à Mayotte, où le chef de l'État s'est rendu ces derniers jours pour constater l'ampleur des besoins du département français, dévasté par le cyclone Chido.

Avec cette loi, « la continuité de l'État est maintenue et garantie, mais de façon temporaire », a réagi Laurent Saint-Martin, ministre du Budget démissionnaire, samedi matin sur X. « La nécessité de doter le pays d'un budget pour 2025 demeure, tout comme l'urgence de redresser nos comptes publics », a-t-il ajouté.

« Cette loi spéciale donne à l'État tout ce qu'il faut pour assurer ses fonctions essentielles au début de l'année 2025, mais rien de plus. Elle devra être complétée le plus rapidement possible par un budget », avait aussi souligné le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-François Husson (Les Républicains), le 18 décembre.

Jeudi soir sur France 2, le nouveau Premier ministre François Bayrou a déclaré espérer l'adoption d'un budget « à la mi-février », tout en reconnaissant ne pas être « sûr d'y arriver ». Il a précisé qu'il repartirait de « la copie qui a été votée » au Parlement avant l'abrogation de la loi par le gouvernement de Michel Barnier.

M. Bayrou, nommé le 13 décembre en remplacement de M. Barnier, a en outre déclaré souhaiter que son gouvernement soit présenté « dans le week-end », ou « en tout cas, avant Noël », avant « mardi soir.  


Les logements les plus énergivores sont considérés comme indécents à partir du 1er janvier

A partir de mercredi, les logements les plus énergivores sont classés indécents et ne peuvent plus être loués (Photo Adobe Stock)
A partir de mercredi, les logements les plus énergivores sont classés indécents et ne peuvent plus être loués (Photo Adobe Stock)
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  • Adoptée en 2021, la loi Climat et résilience prévoit de considérer comme indécents les logements à la performance énergétique médiocre.
  • Le ministère du Logement affirme que « l'interdiction de la location des logements classés G » s'applique « aux nouveaux contrats de location, ainsi qu'au moment du renouvellement ou de la reconduction tacite des baux en cours ».

PARIS : À partir de mercredi, les logements les plus énergivores sont classés indécents et ne peuvent plus être loués, ce qui inquiète les propriétaires, car ils craignent de devoir réaliser des travaux de rénovation, malgré un grand flou autour de l'application de cette mesure.

Adoptée en 2021, la loi Climat et résilience prévoit de considérer comme indécents les logements à la performance énergétique médiocre.

Les logements classés G+ au diagnostic de performance énergétique (DPE) ont d'abord été jugés indécents en 2023. Les logements classés G entrent dans le champ de cette mesure à partir du 1er janvier, puis les logements classés F en 2028, et enfin les logements classés E en 2034.

La loi oblige les propriétaires à fournir un logement décent à leurs locataires. Si ce n'est pas le cas, le locataire peut réclamer des travaux au propriétaire, saisir un juge si nécessaire pour faire plier le bailleur et obtenir une réduction de loyer ou la suspension de son paiement en attendant les travaux.

La décence est un prérequis pour signer un bail, donc « théoriquement, il ne devrait plus y avoir d'annonces de logements à louer classés G » ni de nouveaux contrats, estime David Rodrigues, responsable juridique de l'association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie).

- Loi « bancale » -

Les professionnels de l'immobilier ne sont cependant pas tous d'accord sur la façon d'interpréter ce texte de loi, jugé « complètement bancal » par David Rodrigues : l'indécence du logement s'applique-t-elle au 1^(er) janvier à tous les logements, ou bien à la reconduction tacite du bail ou seulement aux nouvelles signatures de contrats de location ?

Le ministère du Logement affirme que « l'interdiction de la location des logements classés G » s'applique « aux nouveaux contrats de location, ainsi qu'au moment du renouvellement ou de la reconduction tacite des baux en cours ».

En revanche, pour Me Étienne Chesneau, avocat associé du cabinet Gide Loyrette Nouel, l'indécence s'applique dès le 1^(er) janvier pour tous les logements G, mais la loi « n'interdit pas à proprement parler à un propriétaire de louer ». C'est « un peu plus subtil ».

S'il loue son logement, « le propriétaire s'expose à ce que le locataire demande la mise en conformité du logement avec les critères de décence », poursuit Me Chesneau.

- 565 000 logements sont concernés.

Une proposition de loi visant à clarifier le texte et à adapter le calendrier aux contraintes des copropriétés avait été présentée fin octobre à l'Assemblée nationale, mais son examen est bloqué depuis la censure du gouvernement Barnier.

Ce calendrier, jugé serré et intenable par certains professionnels et politiques, concerne près de 565 000 logements classés G d'ici 2024, selon les données de l'État, qui précise qu'une réforme du DPE, instaurée en juillet, a réduit le nombre de petites surfaces classées F ou G.

« Le chantier de la rénovation énergétique est gigantesque », estime Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), qui alerte sur la difficulté de réaliser tous ces travaux en quatre ans, surtout dans les petites copropriétés.

Depuis 2022, plus de 108 000 logements G ont été rénovés, toujours selon les chiffres officiels.

« Je ne pense que l'objectif fixé était de rénover tous les logements G avant 2025 », estime Carine Sebi, professeure titulaire à Grenoble École de Management, mais plutôt « d'envoyer un premier signal fort aux propriétaires bailleurs pour amorcer une dynamique de rénovation énergétique et protéger les locataires qui ne sont pas en capacité d'améliorer leurs logements ».

Loïc Cantin craint néanmoins « une accélération de la crise du logement » si des centaines de milliers de logements disparaissent du marché locatif.


La Coordination rurale envisage de « monter sur Paris » à partir de dimanche

La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
La Coordination rurale (CR), principal syndicat agricole mobilisé sur le terrain jeudi, maintient son blocage du port de commerce de Bordeaux et la pression sur le gouvernement, dont la ministre de l'Agriculture visite une exploitation dans le Pas-de-Calais. (AFP)
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  • « Nous sommes déjà en train de nous organiser et de fixer des points de rendez-vous. L'idée sera de bloquer les accès à la capitale », a-t-il précisé, confirmant ses appels à la mobilisation de « tous les agriculteurs », syndiqués ou pas, sur RMC.
  • Cet appel intervient à quelques jours du lancement officiel de la campagne pour les élections aux chambres d'agriculture, qui débute le 7 janvier.

PARIS : La Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, envisage d'appeler les agriculteurs à « monter sur Paris » et à bloquer les accès à la capitale à partir du dimanche 5 janvier, si elle n'a pas obtenu de rendez-vous avec le Premier ministre.

« Il faut entendre l'urgence de la situation pour les agriculteurs. Si nous n'avons pas obtenu de rendez-vous avec François Bayrou et Annie Genevard, la ministre de l'Agriculture, d'ici jeudi, après le retour du Premier ministre de Mayotte, nous appellerons les agriculteurs à monter sur Paris », a déclaré à l'AFP Patrick Legras, le porte-parole de la Coordination rurale (CR).

« Nous sommes déjà en train de nous organiser et de fixer des points de rendez-vous. L'idée sera de bloquer les accès à la capitale », a-t-il précisé, confirmant ses appels à la mobilisation de « tous les agriculteurs », syndiqués ou pas, sur RMC.

Cet appel intervient à quelques jours du lancement officiel de la campagne pour les élections aux chambres d'agriculture, qui débute le 7 janvier. Du 15 au 31 janvier, les nouveaux rapports de force entre les syndicats agricoles seront déterminés par le vote, qui aura lieu en ligne ou par correspondance.

L'un des enjeux de ce scrutin sera de voir jusqu'à quel point la CR, dont les bonnets jaunes ont gagné en visibilité depuis la crise de l'hiver dernier, peut bousculer l'hégémonie de l'alliance majoritaire FNSEA-Jeunes Agriculteurs.

La CR, qui préside actuellement trois chambres, estime pouvoir en ravir une quinzaine à la FNSEA, laquelle en détient 97. Le troisième syndicat représentatif, la Confédération paysanne, préside une seule chambre, celle de Mayotte, et la gardera pour le moment, le scrutin étant reporté dans l'île dévastée.

Coutumière des actions coup de poing, la CR entend obtenir des garanties du Premier ministre pour la défense d'une « exception agricole » française axée sur la défense des petits exploitants qu'elle estime broyés par le libre-échange.

« Nous sommes prêts à être contrôlés, mais qu'on contrôle aussi les importations. Aujourd'hui, on laisse entrer des produits de mauvaise qualité. dans notre pays. Et puis, nous ne voulons plus de surtranspositions de règles européennes (…). Nous devons avoir les mêmes règles pour éviter la concurrence déloyale », a précisé Patrick Legras à l'AFP.

L'alliance FNSEA-JA a également sollicité « un rendez-vous en urgence » auprès de François Bayrou après sa nomination, pour demander « la reprise immédiate des travaux permettant de respecter les promesses faites » lors du mouvement de protestation du secteur l'hiver dernier.


2024, «annus horribilis» d'Emmanuel Macron, piégé par sa dissolution

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  • Une année de tous les records institutionnels, mais des records peu enviables: un gouvernement démissionnaire pendant 51 jours, puis le bail à Matignon le plus éphémère de la Ve République pour Michel Barnier
  • Et l'avènement juste avant Noël du gouvernement de son premier allié, le centriste François Bayrou - qui devient le quatrième Premier ministre en fonctions depuis le 1er janvier -, est loin de résoudre la crise

PARIS: Emmanuel Macron voulait que ce soit l'année du "réarmement" de la France, il termine 2024 comme désarmé par sa propre dissolution.

"Annus horribilis". Rarement l'expression aura si bien décrit un moment que les douze derniers mois du chef de l'Etat, englué dans la plus grave impasse politique des dernières décennies.

Une année de tous les records institutionnels, mais des records peu enviables: un gouvernement démissionnaire pendant 51 jours, puis le bail à Matignon le plus éphémère de la Ve République pour Michel Barnier, renversé par l'Assemblée nationale lors d'une censure inédite depuis 1962.

Et l'avènement juste avant Noël du gouvernement de son premier allié, le centriste François Bayrou - qui devient le quatrième Premier ministre en fonctions depuis le 1er janvier -, est loin de résoudre la crise.

Face à ce marasme, Emmanuel Macron, tout puissant et protagoniste de tout depuis son arrivée à l'Elysée en 2017, en est réduit par instants à un rôle de figurant.

"C'est une pièce dont le président n'est ni metteur en scène ni acteur", soupirait un conseiller au moment où gauche et droite se rejoignaient pour renverser le gouvernement Barnier.

Pourtant, cette pièce, il en est bien l'auteur.

Psyché présidentielle 

Pour ses opposants comme pour l'essentiel de ses soutiens, la crise a été déclenchée par sa dissolution de l'Assemblée, cette annonce qui a fait l'effet d'une bombe le 9 juin, au soir d'élections européennes largement remportées par l'extrême droite.

La regrette-t-il aujourd'hui? "Inéluctable" et "nécessaire", "cette décision n'a pas été comprise", "et c'est ma responsabilité", a-t-il fini par lâcher devant les Français.

On a connu mea culpa plus explicite.

Edouard Philippe, qui a lui "toujours pensé que c'était une mauvaise décision", suggère dans un sourire que venant d'Emmanuel Macron, peu porté sur le repentir, cela s'y apparente tout de même. "Je connais le président, dans la façon qu'il a eu de le dire (...) moi j'ai compris que le président faisait le premier pas pour l'admettre", dit son ex-Premier ministre.

Car depuis que le chef de l'Etat a chamboulé la vie institutionnelle du pays, ce sont les profondeurs de la psyché présidentielle que son propre camp cherche à sonder pour percer les ressorts de son choix.

Dès le 10 juin, il doit répondre à ceux, nombreux, qui le jugent "fou" pour avoir provoqué un tel séisme.

"Pour moi c'est un mystère, cet oxymore entre cette grande intelligence et cette erreur politique majeure qu'est la dissolution", résume, presque désabusé, un ami de la première heure du président.

"Fiertés françaises" 

2024, ce "millésime" vanté avec une pointe de grandiloquence par Emmanuel Macron, avait pourtant commencé sous d'autres auspices.

Dans ses voeux de la Saint-Sylvestre, il promettait une "année de détermination, de choix, de régénération" et "d'espérance".

Et une année de "fiertés françaises".

Fierté pour les Jeux olympiques de Paris, ouverts par une cérémonie osée et spectaculaire sur la Seine qui a marqué les téléspectateurs du monde entier. Et fierté pour la réouverture de Notre-Dame, brûlée et reconstruite en cinq ans envers et contre tout.

Des paris fous... et réussis, alors que beaucoup les pensaient intenables.

Des parenthèses enchantées, aussi, mais qui se sont aussitôt refermées sans redonner des couleurs dans l'opinion à un chef de l'Etat dont la cote de popularité est au plus bas.

Autre maître-mot de ce mois de janvier 2024: le "réarmement de la Nation", que promet Emmanuel Macron dans ses voeux puis lors d'une grande conférence de presse, en prime time dans la salle des fêtes de l'Elysée.

La formule est de Jonathan Guémas, la plume des discours présidentiels du premier quinquennat, de retour au palais comme conseiller stratégie et communication pour redonner de l'oxygène à un second mandat déjà essoufflé. Elle est déclinée ad nauseam: réarmement économique, industriel, européen, étatique, civique, académique, scientifique, technologique, agricole et même démographique!

Le plus jeune Premier ministre

Pour l'incarner, surprise du chef: Gabriel Attal, 34 ans, entre à Matignon.

"Le plus jeune président de la République de l'Histoire nomme le plus jeune Premier ministre de l'Histoire", clame l'impétrant.

A grand renfort de communication, les stratèges macronistes esquissent le sens d'une nomination qui doit rimer avec "audace", "mouvement", "vitesse".

"Vous incarnez le retour aux sources de ce que nous sommes, le dépassement au service du pays, l'esprit de 2017", lance Emmanuel Macron à ses nouveaux ministres. Comme en écho à "Révolution", son livre-programme avant sa première élection, il leur demande d'être des "révolutionnaires", pas "des gestionnaires".

Un discours offensif qui, en creux, dit crûment ce que le chef de l'Etat et sa garde rapprochée ont nié vingt mois durant: oui, le second quinquennat manquait jusqu'ici d'élan; oui, le président se sentait comme corseté avec une Première ministre, Elisabeth Borne, qui n'avait pas été son premier choix.

L'élan retombe 

Mais la dynamique retombe. Polémique autour de la nouvelle ministre de l'Education, Amélie Oudéa-Castéra, qui s'enferre dans des explications controversées sur la scolarisation de ses enfants dans le privé. Puis une crise agricole inédite, qui oblige le jeune chef du gouvernement à essuyer les plâtres plus vite que prévu.

La belle entente ne dure pas longtemps entre celui dont les tempes ont blanchi en sept ans de pouvoir et son "petit frère", comme il appellera Gabriel Attal devant des enfants.

Emmanuel Macron juge sévèrement sa gestion de la fronde paysanne, d'autant que lui-même vit une journée plus qu'agitée lors de l'inauguration du traditionnel salon de l'agriculture, accueilli par des syndicalistes remontés à bloc.

Un "marcheur" historique assure qu'il "espérait vraiment qu'Attal prenne toute la lumière... et tous les coups". Mais en fait, dès "le jour où il l'a nommé, Macron a vu la petite lumière qui brille dans les yeux d'Attal et il n'a pas dû le supporter", ironise un vieux routier de la politique.

Du coup, il fustige auprès de ses proches un Premier ministre obnubilé par la "com" et son image, et lui reproche de ne pas s'investir assez vite et assez fort dans la campagne des européennes qui démarre.

L'Europe "peut mourir" 

Car ce scrutin, il est "existentiel", martèle la macronie, qui a mis l'Europe au coeur de son ADN politique.

Gabriel Attal avait été choisi en partie comme "arme" censée tenir tête à Jordan Bardella, président et candidat du Rassemblement national pour les européennes, mais les sondages sont en berne face à l'extrême droite.

Le président tarde à choisir sa propre tête de liste, essuie refus sur refus, et finit par adouber, un peu par défaut, l'eurodéputée sortante Valérie Hayer, sans que la campagne décolle. Emmanuel Macron dégaine donc son "discours de la Sorbonne 2", et dramatise les enjeux.

L'Europe "peut mourir", lance-t-il dans le vénérable amphithéâtre parisien.

Au sein du Vieux Continent, sa voix porte: souvent moqués au début, ses concepts d'autonomie stratégique et de souveraineté européenne ont fait leur chemin dans l'esprit des Vingt-Sept.

Mais le président français a aussi semé le trouble auprès de ses alliés de l'Otan, en n'excluant pas, en février, l'envoi de troupes sur le sol ukrainien à l'avenir. Un tabou absolu pour les Etats-Unis et l'Allemagne, qui désavouent ses propos, mais aussi pour l'opinion française et ses opposants hexagonaux, qui en font un argument électoral.

Dans les urnes, le résultat est catastrophique. Le 9 juin, le RN de Jordan Bardella engrange plus que le double des voix de la coalition macroniste, talonnée par Raphaël Glucksmann et les socialistes. L'extrême droite frôle en tout les 40%.

"Cloportes" 

La réponse d'Emmanuel Macron, dans une allocution-surprise, est donc immédiate: il dissout l'Assemblée et organise des élections législatives anticipées.

Son "conseiller mémoire", Bruno Roger-Petit, convoque le général de Gaulle, Raymond Aron et Pierre Mendès-France pour justifier une décision qui assomme tout le monde, à commencer par Gabriel Attal, qui n'est mis dans la confidence qu'à la dernière minute. La rupture est consommée entre le Premier ministre et celui qui l'a nommé.

"On ne se trompe jamais quand on redonne la parole au peuple", assure l'entourage présidentiel, qui mise sur les divisions de la gauche et l'impréparation des adversaires pour "saisir le système", "prendre tout le monde de court" et "gagner".

A ce moment-là, Emmanuel Macron "croit franchement qu'il peut gagner", rapporte un proche qui s'est un peu éloigné, sans jamais rompre. "Et il se dit que s'il rate son coup et qu'au fond c'est Bardella" qui devient Premier ministre, "ce n'est pas un drame".

Las, la gauche s'unit en 24 heures, le RN reçoit le renfort inattendu du président du parti Les Républicains Eric Ciotti, tandis que c'est le camp présidentiel qui semble le plus sonné.

Les soutiens d'Emmanuel Macron lui en veulent. Et beaucoup de Français aussi, pour ce début d'été chamboulé alors que se profilaient tranquillement les vacances et les JO.

Dans une vidéo devenue virale, un sympathisant s'emporte auprès de Gabriel Attal, devenu chef de campagne: "Vous, vous êtes bien, mais il faudra dire au président qu'il ferme sa gueule!".

Edouard Philippe, qui vise l'Elysée en 2027, finit de s'émanciper en enfonçant Emmanuel Macron, accusé d'avoir "tué la majorité présidentielle".

Et d'autres ténors de feu cette majorité s'en prennent sans ménagement aux conseillers du chef de l'Etat, soupçonnés d'avoir ourdi la dissolution sans concertation.

"Les parquets des palais de la République sont pleins de cloportes", tance le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. "Une clique sans expérience politique", renchérit un ex-conseiller, qui regrette l'isolement présidentiel.

"Trêve olympique" 

A des députés, Emmanuel Macron racontera que ses stratèges lui avaient dit: "t'inquiète pas, on est prêt". "Moi j'appuie sur le bouton et je me retourne: en fait personne n'était prêt."

Les législatives se muent en chemin de croix pour le président, qui intervient à tout bout de champ alors que son camp lui demande de rester en retrait. Jusqu'à ce long podcast intimiste de 1h49 dans lequel il affirme que le vote pour le RN ou pour La France insoumise, les "deux extrêmes" renvoyés dos à dos, mènerait à "la guerre civile".

"Un chef d'Etat ne doit pas dire ça", s'étrangle un vieil ami du président.

La dissolution devait favoriser une "clarification". C'est l'inverse qui se produit: si le parti de Marine Le Pen arrive largement en tête au premier tour, le "front républicain" anti-RN débouche au second sur une Assemblée sans majorité, coupée en trois blocs.

La gauche, ressoudée au sein du Nouveau Front populaire arrivé en tête contre toute attente, réclame d'accéder à Matignon.

Mais Emmanuel Macron temporise. La dissolution était urgente, la formation d'un gouvernement attendra!

L'équipe Attal, démissionnaire, gère les affaires courantes pendant tout l'été, bien au-delà de la "trêve olympique" décrétée par le président.

Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand, Thierry Beaudet, David Lisnard... les noms valsent pour le poste de Premier ministre et comme souvent, l'homme de l'Elysée peine à trancher.

"Parfum de cohabitation" 

Il se résout finalement à nommer Michel Barnier, un opposant de droite, ex-commissaire et négociateur européen, pour que le gouvernement exhale ce "parfum de cohabitation" promis au vu de la défaite macroniste.

Mais dès sa naissance, et à rebours du "front républicain", la survie du nouvel exécutif dépend du bon vouloir du RN... qui le censurera trois mois plus tard, avec la gauche, laissant le pays sans budget pour 2025.

Encore un raté pour Emmanuel Macron qui avait justifié la dissolution par la menace de censure à l'automne, en plein débat budgétaire, qui aurait été "dix fois pire", "la crise totale", comme il l'expliquait-il en petit comité.

Finalement, il aura les deux crises pour le prix d'une.

D'autant qu'entre les périodes électorales, la gestion d'affaires courantes et l'absence d'exécutif stable, c'est une année quasiment blanche en termes de réformes qui se termine, et un bilan qui voit ses principales réussites remises en cause: la réindustrialisation marque le pas, et les investissements étrangers sont mis sur pause.

Emmanuel Macron rumine. Aux dires de ses proches, il accuse Michel Barnier, dont il n'a guère goûté l'indépendance, d'avoir écorné le sacro-saint dogme macroniste contre toute hausse d'impôts.

Alors qu'il a fait mine de rester en retrait pendant l'automne, le président veut donc profiter de la censure pour reprendre la main à l'hiver, en nommant un fidèle en la personne de l'inamovible et discret ministre des Armées Sébastien Lecornu.

Mais François Bayrou, persuadé d'être l'homme de la situation, menace de déclencher une crise dans la crise s'il n'est pas envoyé à Matignon. Emmanuel Macron cède, sur fond de montée, lente mais continue, des appels à sa démission.

Cruelle, Marine Le Pen constate, dans Le Parisien: "Emmanuel Macron a même perdu son pouvoir de nomination du Premier ministre, qui s'est nommé lui-même. Il ne lui reste pas grand-chose".