Mamoudzou, France: La vie reprend tant bien que mal dans l'archipel français de Mayotte après le passage meurtrier du cyclone Chido qui a dévasté samedi ce territoire dans l'océan Indien, et où le président Emmanuel Macron est attendu jeudi avec de l'aide et des membres de forces de secours.
Manque d'eau, de nourriture, d'abris: à l'approche d'une deuxième nuit sous couvre-feu, mis en place pour assurer la sécurité et éviter les pillages, la situation reste extrêmement difficile dans l'archipel français.
Le bilan du passage du cyclone s'élève désormais à 31 morts, selon un nouveau bilan provisoire dressé mercredi par les autorités françaises.
Parmi ces 31 morts, 22 sont décédés à l'hôpital et neuf ont été recensés par les communes, détaillent les autorités, ajoutant que 45 blessés ont été pris en charge en urgence absolue et 1.373 en urgence relative.
Mais les autorités redoutent "plusieurs centaines" de morts, peut-être même "quelques milliers" dans ce département le plus pauvre de France.
Sur l'archipel au paysage défiguré, les habitants des quartiers précaires du chef-lieu Mamoudzou tentent mercredi avec les moyens du bord de bricoler ce qui peut l'être, en martelant la tôle ou en posant un toit de fortune sur leurs habitations soufflées par le vent.
Plus loin, les bulldozers s'activent pour remettre en état l'héliport du centre hospitalier de Mayotte, durement touché mais qui continue de fonctionner.
Emmanuel Macron va acheminer jeudi à Mayotte dans son avion "quatre tonnes de fret alimentaire et sanitaire ainsi que des membres de forces de secours qui resteront sur place", a annoncé mercredi la présidence française.
- Du "jamais vu" -
Le nouveau Premier ministre français François Bayrou lui emboîtera le pas dès que son gouvernement "sera formé", a-t-il assuré mardi soir sur la chaîne France 2.
"Je n'ai jamais vu sur le sol national une catastrophe de cette ampleur. Je pense aux enfants qui ont vu leur maison soufflée, dont les écoles ont été quasiment toutes détruites", a souligné François Bayrou.
Les équipes de secours sont en action, quatre jours après la catastrophe.
"Plus de 100 tonnes" d'eau et de nourriture seront distribuées mercredi, a assuré le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau.
"On passe à la phase massive du soutien à Mayotte", a déclaré Patrice Latron, le préfet de La Réunion, île française de l'océan Indien et d'où les autorités ont lancé un "pont maritime civil" qui va démarrer dans la nuit avec le départ de quelque 200 conteneurs attendus dimanche sur l'archipel meurtri. Parmi ce chargement, l'équivalent de "millions de litres d'eau".
- Un paysage apocalyptique -
Un hôpital de campagne va être installé "d'ici la fin de la semaine" ou "le début de la semaine prochaine" pour "soulager" le centre hospitalier de Mayotte "endommagé" et son personnel "épuisé", a ajouté le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet. Le dispositif doit comporter une centaine de lits médicalisés.
Le cyclone Chido, le plus intense qu'ait connu Mayotte depuis 90 ans, a ravagé samedi le territoire de l'océan Indien, où environ un tiers de la population vit dans de l'habitat précaire, totalement détruit.
Les cyclones se développent habituellement dans l'océan Indien de novembre à mars, mais cette année, les eaux de surface étaient proches de 30°C, ce qui fournit plus d'énergie aux tempêtes, un phénomène lié au réchauffement climatique.
Au Mozambique, Chido a tué au moins 45 personnes et fait près de 500 blessés, selon un nouveau bilan officiel publié mercredi.
Arbres arrachés, débris jonchant à perte de vue les collines, bateaux entassés: sur l'île de Petite-Terre, à Mayotte, le paysage est apocalyptique.
"C'était comme un rouleau compresseur qui a tout écrasé", décrit Nasrine, une enseignante mahoraise.
Pour éviter les pillages et assurer la sécurité des habitants, un couvre-feu a été instauré à partir de mardi soir, de 22H00 à 04H00 du matin (19H00 à 01H00 GMT).
L'alimentation en eau "fonctionne à 50%" et présente un risque de "mauvaise qualité", a précisé mercredi François-Noël Buffet. L'électricité n'est que "partiellement remise en route", a-t-il ajouté.
Autre priorité, l'envoi de tentes et de bâches pour rétablir des habitats.
L'établissement d'un bilan humain est aussi l'une des priorités des autorités.
Le décompte officiel, a reconnu le ministère de l'Intérieur, "n'est pas en adéquation avec la réalité des 100.000 personnes qui vivent dans un habitat précaire", occupé en grande partie par des immigrés venant de l'archipel des Comores voisines.
Mayotte est séparée de seulement 70 kilomètres de l'archipel des Comores. La pauvreté pousse tous les jours des Comoriens à tenter de gagner Mayotte par la mer et au péril de leur vie à bord de pirogues très précaires.
Une mission de recherche va être mise en place pour réaliser ce décompte macabre, rendu d'autant plus délicat que les Comores, d'où est originaire une partie des habitants de Mayotte, est une terre de forte tradition musulmane: selon les rites de l'islam, les défunts doivent être enterrés au plus vite.
Dans les bidonvilles désormais nus, "ça enterre à tour de bras, donc on n'aura jamais de décompte", estime auprès de l'AFP un membre du personnel judiciaire du tribunal de Mamoudzou ayant requis l'anonymat.