ISTANBUL: La Turquie a rejeté mercredi les propos du président américain élu Donald Trump, qui a qualifié la victoire des rebelles en Syrie de "prise de pouvoir inamicale" par Ankara.
"Ce serait une grave erreur de qualifier ce qui se passe en Syrie de prise de pouvoir", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan, dans une interview à Al Jazeera.
"Pour le peuple syrien, ce n'est pas une prise de pouvoir. C'est la volonté du peuple syrien qui prend le dessus aujourd'hui", a-t-il ajouté.
L'ex-président syrien Bachar al-Assad s'est réfugié en Russie après qu'une offensive éclair menée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) l'a chassé du pouvoir au début du mois.
Depuis le début du soulèvement anti-Assad qui a éclaté en 2011, la Turquie est considérée comme un soutien clef de l'opposition à son régime.
Elle a accueilli l'opposition politique, des millions de réfugiés et a également soutenu des groupes armés rebelles.
Pour le chef de la diplomatie turque, il serait erroné de considérer la Turquie comme la puissance qui gouvernera la Syrie après le conflit.
"Ce serait la dernière chose que nous voudrions voir, parce que nous tirons d'importantes leçons de ce qui s'est passé dans notre région, parce que la culture de la domination elle-même a détruit notre région", a-t-il fait valoir.
"C'est pourquoi la coopération est essentielle. Non pas la domination turque, pas la domination iranienne ou la domination arabe, mais la coopération", a-t-il dit.
"Notre solidarité avec le peuple syrien ne doit pas être caractérisée ou définie aujourd'hui comme si nous gouvernions la Syrie. Je pense que ce serait une erreur", a-t-il conclu.
Dans la même interview, il a averti les nouveaux dirigeants syriens qu'ils devaient s'attaquer à la question des forces kurdes dans ce pays, qu'Ankara qualifie de "terroristes".
Il a estimé que son pays n'aurait aucune raison d'intervenir dans le pays voisin si les nouveaux dirigeants syriens traitaient "correctement" la question des forces kurdes.
"Il y a maintenant une nouvelle administration à Damas. Je pense qu'ils sont concernés au premier chef (...) Je pense donc que s'ils s'occupent correctement de ce problème, nous n'aurons aucune raison d'intervenir", a-t-il déclaré.
M. Fidan répondait à une question sur les rumeurs croissantes selon lesquelles l'armée turque pourrait lancer une offensive sur la ville frontalière de Kobané, tenue par les Kurdes.
Des témoins locaux ont déclaré à l'AFP que le nombre de soldats patrouillant du côté turc de la frontière avait augmenté, mais qu'il n'y avait pas d'"activité militaire inhabituelle".
Ankara a mené plusieurs opérations contre les forces kurdes depuis 2016, et des groupes de rebelles syriens soutenus par la Turquie se sont emparés de plusieurs villes tenues par les Kurdes dans le nord de la Syrie ces dernières semaines.
Le chef de la diplomatie turque a également estimé qu'il "est temps que la communauté internationale, à commencer par les Nations unies, retire le HTS de la liste des organisation terroristes", a ajouté M. Fidan.
"Je pense que le HTS a fait d'énormes progrès en prenant ses distances avec d'Al-Qaïda, Daesh et d'autres éléments radicaux apparentés", a-t-il estimé.
Le gouvernement turc maintient lui-même encore le HTS sur la liste des groupes terroristes, tout en entretenant des relations suivies avec l'organisation islamiste.