PARIS: "Chaos", "grande incertitude", "la pire crise politique" vécue par le président français Emmanuel Macron: la presse européenne était inquiète jeudi matin après la censure du gouvernement de Michel Barnier, qu'elle qualifie de "saut dans le vide" pour la France.
"Il est plus facile de (re)construire Notre Dame qu'un budget", ironise le quotidien berlinois Tagesspiegel.
"Chute du gouvernement français: tout le monde montre les autres du doigt. La France en est de nouveau au même point que cet été: les coalitions et les compromis sont mal vus, c'est toujours la faute des autres", assène le journal berlinois, fustigeant le peu de culture du compromis de la classe politique française.
"Le système de la Ve République est-il à bout de souffle?" s'interroge de son côté le quotidien de centre gauche allemand Süddeutsche Zeitung.
"Une ombre devant le soleil de la République: le chaos politique en France est dû à une grave faute du président. La solution doit venir d'Emmanuel Macron lui-même. Or il y a peu de chance que cela arrive", ajoute-t-il.
Un constat partagé par l'éditorialiste du quotidien espagnol El Pais: "le véritable responsable de la débâcle est Macron, pour avoir (...) nommé un Premier ministre conservateur issu d'un parti minoritaire et mourant, pensant que cela faciliterait l'approbation de mesures nécessairement impopulaires".
"L'aveuglement du président est à ce stade injustifiable, compte tenu de la crise institutionnelle qu'ont entraîné ses décisions. Elle est également dangereuse sur le plan systémique pour la France en raison de l'équation budgétaire difficile, voire impossible, à laquelle devra faire face le futur gouvernement, quelle que soit sa nature", insiste El Pais dans son éditorial, tandis que La Vanguardia titre "Barnier tombe et la France saute dans le vide".
Au Royaume-Uni, le quotidien de gauche The Guardian estime ainsi qu'"Emmanuel Macron fait face à la pire crise politique de ses deux mandats".
The Times (conservateur) souligne les appels à la démission visant désormais le président de la République. "Cette tempête laisse Macron (...) accusé d'avoir entrainé la France dans une période de turbulences qui risque de saper sa constitution", écrit encore le journal.
"Gifle"
En Italie, la chute du gouvernement Barnier fait la Une de tous les journaux: "Chaos France, le gouvernement tombe", titre le principal quotidien, Il Corriere della Sera, tandis que La Repubblica écrit "La France, une gifle à Macron".
Pour l'éditorialiste de la Stampa, cette crise politique est l'illustration que "les démocraties occidentales représentatives sont en difficulté, non pas en raison d'un incident mais pour des raisons structurelles".
"Nous assistons à la protestation profonde et non éphémère de segments importants de l'opinion publique abandonnés par des dirigeants oligarques et auto-référentiels", estime Giovanni Orsina.
Cette situation "intervient au moment où l'Union européenne a le plus besoin de la France", écrit pour sa part le quotidien suédois Dagens Nyheter, qui s'inquiète de voir "les crises gouvernementales se succéder à un rythme effréné dans les poids lourds de l'Union européenne".
Pour la Libre Belgique, qui évoque "une période de grande incertitude", cette chute du gouvernement Barnier est surtout inquiétante en termes économiques.
"Seules les actions françaises pâtissent déjà de ce marasme. Quand ce sera le tour des obligations souveraines, les perspectives pourraient devenir cauchemardesques", selon l'éditorialiste du journal classé au centre-droit.
Une perspective que la Grèce connait bien, le quotidien de gauche Efsyn rappelant ainsi que "plus tôt cette semaine, les coûts d'emprunt de la France (avaient) brièvement dépassé ceux de la Grèce".