Changement climatique: l'Asie doit agir résolument

Bon nombre de ces populations ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour faire face aux conditions météorologiques extrêmes, ce qui les rend très vulnérables (Reuters)
Bon nombre de ces populations ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour faire face aux conditions météorologiques extrêmes, ce qui les rend très vulnérables (Reuters)
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Publié le Vendredi 08 novembre 2024

Changement climatique: l'Asie doit agir résolument

Changement climatique: l'Asie doit agir résolument
  • Les nations asiatiques sont largement sous-financées dans leurs efforts d'atténuation et d'adaptation au changement climatique
  • Les besoins de financement annuels pour l'adaptation au changement climatique dans les pays asiatiques en développement se situent entre 102 et 431 milliards de dollars

Les pays d'Asie vont subir certaines des conséquences les plus graves de la crise climatique et cette vulnérabilité unique souligne le besoin urgent d'une action climatique proactive et collaborative. L'industrialisation rapide de l'Asie et sa dépendance à l'égard des combustibles fossiles ont accéléré sa contribution aux émissions mondiales de carbone, tandis que des facteurs géographiques et socio-économiques rendent la région particulièrement vulnérable à la hausse des températures, à l'élévation du niveau de la mer et aux phénomènes météorologiques extrêmes.

Selon un rapport publié la semaine dernière par la Banque asiatique de développement, les nations asiatiques sont largement sous-financées dans leurs efforts d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. Les besoins de financement annuels pour l'adaptation au changement climatique dans les pays asiatiques en développement se situent entre 102 et 431 milliards de dollars (1 dollar = 0,93 euro), mais ils n'ont reçu que 34 milliards de dollars en 2021-2022. Ce déficit de financement reflète le défi auquel l'Asie est confrontée pour réduire les émissions et se préparer aux impacts inévitables d'un monde qui se réchauffe.

L'Asie est le continent le plus peuplé, abritant environ 60% de la population mondiale. Des pays comme la Chine, l'Inde, le Bangladesh et le Viêt Nam ont une forte densité de population, en particulier le long des côtes, où les communautés sont confrontées à la double menace de l'élévation du niveau de la mer et de l'intensification des ondes de tempête. Le rapport indique que si la glace de mer de l'Antarctique s'effondre, le niveau de la mer dans la région Asie-Pacifique pourrait augmenter deux fois plus vite que la moyenne mondiale, ce qui mettrait 300 millions de personnes en danger.

En outre, bon nombre de ces populations ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour faire face à des conditions météorologiques extrêmes, ce qui les rend très vulnérables aux pertes humaines et aux perturbations économiques. La structure économique de l'Asie dépend encore fortement des combustibles fossiles. Le rapport de la Banque asiatique de développement estime que les gouvernements de la région ont accordé près de 600 milliards de dollars de subventions aux combustibles fossiles tels que le pétrole, le charbon et le gaz en 2022.

De nombreux pays asiatiques ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour faire face à des conditions météorologiques extrêmes, ce qui les rend très vulnérables.

                                                              Majid Rafizadeh

Le problème est que ces subventions rendent les combustibles fossiles plus abordables, ce qui n'incite pas à passer à des sources d'énergie plus propres. En conséquence, l'Asie en développement contribuerait à près de la moitié des émissions mondiales, la Chine étant responsable à elle seule des deux tiers de ce total. Cette dépendance entrave non seulement la capacité de l'Asie à réduire sa production de carbone, mais accroît également les risques associés aux effets sanitaires liés au climat, tels que les maladies respiratoires dues à la pollution de l'air.

Cela signifie qu'en l'absence d'une intervention décisive, les répercussions économiques pour les pays asiatiques seront graves. Si les émissions continuent d'augmenter de manière incontrôlée, les économies régionales pourraient connaître une baisse de 17% de leur produit intérieur brut d'ici à 2070. La hausse des températures réduit déjà la productivité, car le stress thermique rend les conditions de travail insupportables, en particulier dans des secteurs tels que l'agriculture et la construction.

En outre, les rendements agricoles, la pêche et la sylviculture – des éléments vitaux pour de nombreuses économies asiatiques – en pâtiront, ce qui menacera encore davantage la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance. Le Bangladesh, le Viêt Nam, l'Indonésie et l'Inde pourraient connaître les ralentissements économiques les plus radicaux.

Les gouvernements asiatiques devraient donner la priorité à la transition vers les énergies renouvelables afin de réduire la dépendance à l'égard des combustibles fossiles. Les investissements dans les infrastructures solaires, éoliennes et hydroélectriques permettront non seulement de réduire les émissions, mais aussi de créer des millions d'emplois verts. La Banque asiatique de développement estime qu'une «décarbonisation agressive»  pourrait créer 1,5 million d'emplois dans le secteur de l'énergie d'ici à 2050.

Néanmoins, ce changement nécessite des politiques régionales qui encouragent les énergies renouvelables, éliminent les subventions aux combustibles fossiles et fournissent des incitations fiscales ou des subventions pour l'adoption d'énergies vertes.

En outre, les pays asiatiques doivent investir dans des infrastructures résistantes au climat, en particulier dans les villes côtières et les zones rurales vulnérables aux inondations et aux tempêtes. La construction de barrières contre les inondations, la création de forêts de mangroves pour amortir les ondes de tempête et le développement de systèmes de drainage urbain robustes pourraient réduire de manière significative les pertes humaines et matérielles. L'investissement du Bangladesh dans des abris contre les inondations, qui a permis de réduire considérablement le nombre de décès liés aux tempêtes, sert de modèle à d'autres pays.

En outre, pour combler le déficit de financement, les pays asiatiques doivent plaider en faveur d'un soutien international plus substantiel et créer des partenariats avec des institutions multilatérales telles que la Banque mondiale. Compte tenu de l'ampleur de la crise, les investissements des secteurs privé et public sont cruciaux. Les pays asiatiques peuvent explorer les obligations vertes et les marchés internationaux du carbone afin d'attirer les fonds nécessaires aux projets d'adaptation et d'atténuation.

Si les émissions continuent d'augmenter de manière incontrôlée, les économies régionales pourraient connaître une baisse de 17% de leur PIB d'ici à 2070.

                                                           Majid Rafizadeh

Une action climatique efficace exige une gouvernance transparente et responsable. Il est essentiel de développer des cadres globaux qui s'alignent sur les engagements pris par les pays asiatiques dans le cadre des traités internationaux sur le climat. Cela implique l'établissement de feuilles de route claires vers des émissions nettes nulles, l'application de réglementations environnementales et l'intégration de considérations climatiques dans tous les secteurs de la politique nationale. Ces réformes de la gouvernance sont essentielles pour garantir que les actions soient cohérentes, mesurables et applicables.

Il convient de noter que, bien que l'Asie-Pacifique soit actuellement le plus gros émetteur, ce sont les États-Unis et l'Europe qui, historiquement, ont contribué le plus à la production de carbone atmosphérique. Cette responsabilité partagée souligne la nécessité pour les pays occidentaux de soutenir les pays asiatiques dans leurs efforts de lutte contre le changement climatique. L'augmentation de l'aide financière, du transfert de technologie et de l'expertise de l'Occident peut accélérer la transition de l'Asie vers le développement durable. L'apport de ces ressources favoriserait également la coopération et la bonne volonté face à un défi qui transcende les frontières.

Tout ralentissement économique en Asie dû au changement climatique se répercuterait dans le monde entier, étant donné l'interconnexion des chaînes d'approvisionnement et des marchés financiers mondiaux. L'Europe et les États-Unis dépendent des économies asiatiques pour leur production, leurs ressources et leur main-d'œuvre. En soutenant la résilience climatique en Asie, les nations occidentales peuvent atténuer les risques pour leurs propres économies. En outre, comme le changement climatique alimente les migrations, l'instabilité politique et la pénurie de ressources, l'aide apportée à l'Asie réduirait le risque de conflits et de crises humanitaires susceptibles d'affecter l'Occident.

En résumé, la crise climatique en Asie n'est plus une menace lointaine, mais une réalité présente aux implications considérables. Il est essentiel de prendre des mesures immédiates pour limiter ses effets et s'y adapter. Les pays asiatiques ont besoin de réformes internes et d'un soutien international pour combler le déficit financier, transformer leur paysage énergétique et se préparer aux scénarios les plus pessimistes. Le coût de l'inaction dépasse de loin celui des mesures proactives.

En agissant maintenant de manière décisive, les pays asiatiques, avec le soutien de la communauté internationale, peuvent protéger leurs populations, leurs économies et leurs environnements naturels des pires conséquences du changement climatique.

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.

X: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com