Pour ceux d'entre nous qui ont le sentiment que notre monde ne tourne plus rond ces dernières années, je pense que nous devons œuvrer pour un nouvel équilibre et trouver de toute urgence des voies d'amélioration face aux tragédies humaines dévastatrices dont nous sommes témoins à Gaza, au Liban et en Ukraine. Nous comprenons tous que la guerre, la mort et la destruction ne sont pas la voie à suivre, mais celle qu'Israël a choisie à Gaza et au Liban et pour laquelle la Russie a opté en Ukraine. L'histoire montre que cette voie n'a jamais porté ses fruits et l'image qu'elle évoque est celle de l'action désespérée d'un mastodonte qui bat de l'aile.
Ce qu'a vécu Israël le 7 octobre 2023 est ignoble et dévastateur, ce qui a entraîné une forte réaction de la part d'Israël et de ses chefs militaires. Mais la puissance de feu concentrée sur des civils innocents à Gaza, détruisant quelque 90% des bâtiments et des infrastructures et tuant plus de 40 000 personnes – principalement des femmes et des enfants – dans l'une des régions les plus pauvres et les plus densément peuplées du monde, a eu un effet dévastateur. La quasi-totalité des deux millions d'habitants de Gaza se retrouvent aujourd'hui sans nourriture, sans abri et sans soins médicaux, subissant ainsi une tragédie encore plus grande que celle qui l'a précédée.
La dévastation que les États-Unis ont déclenchée au Vietnam, en Afghanistan ou en Irak comportait également un élément de vengeance, mais leur puissance de feu écrasante n'a pas permis aux Américains d'atteindre leurs objectifs dans ces guerres au-delà de l'élimination de quelques dirigeants ennemis, tandis que les peuples de ces pays devaient souffrir pendant les décennies à venir. Le bilan actuel d'Israël est assez similaire: élimination de dirigeants ennemis, mort et destruction à grande échelle, sans nouvelle perspective d'aller au-delà des actes de vengeance démonstratifs destinés à un public national. Ce fossé deviendra rapidement évident et engloutissant, et nous avons besoin de solutions de rechange.
Ce concept désigne une notion de juste milieu, d'équilibre et de modération au service du bien commun.
-Hassan ben Youssef Yassin
C'est là que l'idée de «wasatiyya», évoquée dans le titre, entre en jeu. Il s'agit d'un concept de juste milieu, d'équilibre et de modération au service du bien commun. L'Arabie saoudite a incarné cette approche tout au long de l'histoire récente, en cherchant à trouver un terrain d'entente et à pousser les autres vers le compromis et la compréhension. Les nombreux exemples de médiation et de compromis dans lesquels l'Arabie saoudite s'est engagée au niveau international ont été rendus d'autant plus significatifs par le sentiment d'équilibre, de confiance et de modération que nos dirigeants actuels ont fait naître chez le peuple du Royaume. Nous sommes dans une position idéale pour remettre le compromis et le réalisme à l'ordre du jour afin d'éviter la voie actuelle de la dévastation totale.
Ce qui a malheureusement manqué au monde, c'est l'idéalisme que nous possédions autrefois et qui consistait à rechercher la coexistence pacifique et le compromis. Il fut même un temps où une majorité de l'opinion publique israélienne était favorable à une résolution pacifique du conflit israélo-arabe fondée sur la coexistence de deux États et à la cohabitation avec un État palestinien. Notre devoir est de faire revivre cette wasatiyya israélienne, en permettant aux Israéliens de reconnaître que la voie de la mort et de la destruction sur laquelle ils sont actuellement engagés ne leur apportera jamais la paix. Au contraire, les politiques actuelles d'Israël doivent céder la place au compromis et à la construction d'un nouvel ordre de paix et de stabilité avec les partenaires régionaux et les Palestiniens. Il ne peut y avoir de guerre sans fin.
Les politiques actuelles d'Israël doivent céder la place au compromis et à la construction d'un nouvel ordre de paix et de stabilité.
-Hassan ben Youssef Yassin
Depuis la création, Dieu nous fournit un cordon ombilical qui nous relie à la vie. Une fois que nous naissons, notre nombril est là pour nous rappeler ce lien que nous avons non seulement avec nos mères, mais aussi avec toute vie sur Terre et tout ce qui nous entoure. Nous devons veiller à ce que les Palestiniens, les Ukrainiens et tous les autres peuples du monde réalisent qu'ils disposent d'un cordon métaphorique qui les relie à la vie et au monde entier, un moyen de guérir la terrifiante dévastation qui leur a été infligée. L'opinion publique mondiale, y compris celle des États-Unis, s'est mobilisée pour soutenir les habitants de Gaza et les Ukrainiens dans leurs épreuves, leur envoyant un cordon ombilical. Il nous appartient désormais de faire de cette métaphore une réalité.
Les dirigeants du Hamas et du Hezbollah étant largement compromis, les Israéliens devraient considérer que leur mission de vengeance est terminée et s'engager avec nous sur la voie de la wasatiyya. Nous leur tendons également un cordon ombilical à saisir, un terrain d'entente équilibré et rationnel à adopter comme alternative à cette mort et à cette destruction sans fin. La prochaine guerre ne sera plus une question de vainqueur, car aucun d'entre nous ne sera là pour raconter l'histoire.
Pour cela, nous devons agir maintenant, l'Arabie saoudite et d'autres pays arabes servant de source d'inspiration pour inviter le monde à rejoindre ce mouvement de la wasatiyya et du juste milieu. C'est notre seule alternative pour que le bien puisse voir le jour et remplacer toute cette folie qui s'est emparée de notre monde et de notre région en particulier.
Hassan ben Youssef Yassin a travaillé en étroite collaboration avec les ministres saoudiens du Pétrole Abdallah Tariki et Ahmed Zaki Yamani de 1959 à 1967. Il a dirigé le bureau d'information saoudien à Washington de 1972 à 1981 et a fait partie de la délégation d'observateurs de la Ligue arabe auprès des Nations unies de 1981 à 1983.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com